Cette réforme a bien un contenu de classe

Force est de constater que le débat ne s’est pas vraiment engagé, puisque nous n’avons obtenu aucune réponse à nos questions et que seuls quelques amendements à la marge ont été adoptés. Sur les points fondamentaux, la position du Gouvernement n’a pas évolué. Ainsi, les problèmes de constitutionnalité demeurent, quoi que vous en disiez.

Ce texte ne méritait pas d’être discuté selon la procédure accélérée. En vérité, l’urgence était de l’adopter avant la fin de la session ordinaire pour tenir l’engagement du Président de la République d’« agir », ce qui, en l’occurrence, signifie aggraver la législation pénale.

À l’origine, le projet de loi visait seulement à créer les citoyens assesseurs, puis y ont été ajoutées des dispositions relatives aux cours d’assises et une refonte de la justice des mineurs. Ce texte comporte donc désormais trois réformes d’importance, élaborées à la va-vite. Cette situation est tout à fait regrettable.

Monsieur le garde des sceaux, au rebours des déclarations du Président de la République, vous avez tenté de nier que la création des citoyens assesseurs visait à durcir les sanctions pénales. Cependant, vous ne nous avez pas donné de raisons de vous croire.

On voit bien qu’il s’agit de cibler des délits qui émeuvent fortement l’opinion publique et sont abondamment relatés dans les médias, en excluant les délits économiques et financiers ou liés au trafic de stupéfiants, notamment. Vous avez d’ailleurs refusé les modifications du champ d’application du dispositif que nous proposions. Il s’agit là d’une stigmatisation sociale, d’une démarche populiste inacceptable. Je persiste à affirmer que l’introduction des citoyens assesseurs et la réforme de la justice des mineurs, en particulier, sont sous-tendues par des considérations de classe.

Vous avez minimisé les difficultés de fonctionnement qui résulteront, pour les juridictions correctionnelles, de la création des citoyens assesseurs.

En ce qui concerne la justice des mineurs, vous avez nié, mais une fois encore sans rien démontrer, que l’instauration de tribunaux correctionnels des mineurs et la mise en place d’une procédure de comparution immédiate mettraient fin à sa spécificité. Vous entendez en fait rapprocher toujours davantage la justice des mineurs de celle des majeurs, en complète contradiction non seulement avec l’ordonnance de 1945, mais aussi avec toute l’évolution du droit en la matière, y compris sur le plan international.

Si vous restez « droit dans vos bottes », monsieur le garde des sceaux, nous demeurons, pour notre part, fermement opposés à ce texte. Nous espérons que certaines de ses dispositions seront censurées par le Conseil constitutionnel et, surtout, qu’un changement politique interviendra avant qu’il ne soit entré en application.

Retour en haut