Aucune mesure d’austérité ne redressera les comptes publics

Aucune mesure d'austérité ne redressera les comptes publics - Plan de rigueur et nouvel emprunt à la Grèce : question préalable (Pixabay)

Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui ne comptait, à l’origine que deux articles.

Le premier consistait à indiquer que rien ne changeait : ni les prévisions, ni le cadrage de la loi de finances 2011. Le second visait à adapter la situation de notre pays à la mise en œuvre de la seconde tranche du plan européen destiné à la Grèce.

Avec ce nouveau plan, l’Etat va à nouveau endosser la responsabilité des banques et ajouter 15 milliards d’euros au montant de la dette publique française.

Fin 2001, la dette de l’Etat s’élevait à 653 milliards d’euros, largement détenue d’ailleurs par les investisseurs domestiques, avec plus de 61 % de détention.

Fin juillet 2011, nous en sommes à 1 319 milliards d’euros, dont 65 % détenus par des non résidents.

Ainsi, ce sont dix ans de gouvernements de droite, dix années de modération salariale dans la fonction publique, de réduction des dotations aux collectivités locales, dix années de cadeaux fiscaux, de baisses de l’ISF, de défiscalisation des heures supplémentaires qui ont conduit au doublement de la dette publique et au doublement de la part de cette dette publique détenue par les non résidents.

Et c’est la facture de cette politique que vous vous préparez à présenter aux Français avec votre nouveau plan d’austérité.

Comme en Espagne, en Italie ou en Grèce, vos éternelles recettes, qui ont déjà prouvé leur inefficacité, vont étouffer un peu plus la croissance, alors qu’elle est déjà atone, et détruire de très nombreux emplois.

Cette approche, qui prétend réduire les déficits en renforçant l’austérité, en contractant les dépenses publiques et les salaires et en privilégiant le remboursement de la dette, va conduire à des catastrophes économiques et sociales majeures.

Les solidarités collectives sont attaquées, les services publics menacés et notamment le service public de l’éducation et celui de la santé. Et la présente loi de finances vise tout simplement à continuer cette opération de démolition engagée voici dix ans et qui sera à mettre au compte de votre bilan le moment venu, c’est à dire notamment au printemps 2012.

La dette n’a pas grand chose à voir avec une crise qui a commencé bien avant l’été 2008 et qui atteint aujourd’hui un niveau exceptionnel.

La cour des comptes elle-même estime que seulement un tiers de la dette publique est lié à la crise.

Nombre des choix opérés dans un passé récent ont accru la vulnérabilité de la France face aux pressions des marchés financiers et nul doute que le rôle directeur de la Banque centrale européenne dans le processus de création monétaire et de financement de l’économie n’est pas sans effet sur l’aggravation et le durcissement de la crise.

Ainsi donc, dette et déficits seraient d’une telle importance qu’une lettre rectificative a été nécessaire afin d’ajouter les premières mesures fiscales illustrant vos choix d’austérité et que vous confirmerez lors de la discussion du projet de loi de finances initiale.

Pourtant, la hausse de la TVA pour les parcs de loisirs est abandonnée et la mesure destinée à accroître la taxation des plus values de cessions de biens immobiliers revue à la baisse.

Je regrette que depuis plusieurs années, le Gouvernement préfère se préoccuper des intérêts des 300 000 foyers fiscaux qui déclarent de telles plus-values que de répondre aux problèmes de logement des 1,3 million de demandeurs de logement !

Pire, cette mesure, présentée comme la « taxation des résidences secondaires », a été repensée afin qu’elle vise surtout à épargner les investisseurs et propriétaires possédant plus d’un appartement. Et ce, alors même que la mesure visée ne consiste qu’à accroître l’assiette de l’imposition séparée, dont le taux demeure inchangé par ailleurs...

A la vérité, se contenter de modifier le montant de la plus value à raison de l’érosion monétaire et de l’inflation, quand il s’agit de biens immobiliers, alors même que l’on crée une véritable zone franche autour des plus values mobilières, ne peut pas être compris.

Notre position de principe est la suivante : toutes les plus values se valent et rien ne justifie que les opérations boursières spéculatives soient largement exonérées des efforts demandés aux propriétaires de biens immobiliers.

Or, le gouvernement déploie un arsenal de mesures destinées à répondre aux attentes des plus riches, des grands groupes et n’hésite pas à faire payer la facture aux couches moyennes et aux salariés.

Un Gouvernement qui divise par deux le produit de l’ISF n’est pas qualifié pour parler de réduction des déficits et de la dette publique !

Un Gouvernement qui a rendu en 2009, 31 milliards d’euros aux entreprises en vertu de dispositions exceptionnelles prétendument nécessitées par la crise ne peut parler de bonne gestion des affaires publiques ni de réduction des déficits !

J’aborderai maintenant la question des dépenses.

A écouter les porte-paroles du MEDEF, « les Français seraient prêts à entendre le langage de la vérité et sont convaincus de la nécessité de réduire les dépenses ».

Vos collègues de la majorité à l’Assemblée nationale, ont confirmé cette appréciation.

Messieurs Woeth et Mariton ont déclaré qu’« Il faut placer les dépenses publiques sur une trajectoire de réduction dès 2012 ».

Elu de l’Essonne, je peux vous décrire les conséquences de ce dogme de la réduction de la dépense publique sur mon département.

Les usagers des lignes B et C du RER francilien risquent fort d’attendre encore quelques temps les investissements nécessaires, en matériel comme en équipements, à l’amélioration de la qualité du service de plus en plus mal rendu.

Les habitants des quartiers situés dans les zones dites sensibles du département vont voir repoussées les nécessaires opérations de rénovation du bâti. Les efforts accomplis pour développer la vie sociale et culturelle dont les habitants, les élus et les associations attendent légitimement qu’ils soient renforcés, seront quant à eux compromis.

Les patients de l’hôpital Sud Francilien, comme de l’ensemble des hôpitaux essonniens, subiront de nouvelles détériorations des services et l’insuffisance des moyens humains des établissements pour répondre aux besoins.

La jeune population scolarisée de mon département, va voir se réduire « l’offre éducative » avec des établissements scolaires où l’on ferme des classes, où l’on continue de supprimer des postes d’enseignants, où l’on supprime les postes d’assistance administrative dans les écoles, comme le constatent en cette rentrée les parents et les enseignants de ma commune et du département. Le suivi des élèves en difficulté ou la prévention de l’échec scolaire, comme les services d’orientation ne pourront que se déliter.

Les participations de l’Etat pour la mise en œuvre du projet d’opération nationale du Plateau de Saclay vont se comprimer au détriment de la recherche et ce sont les étudiants, les enseignants, la recherche qui verront leurs conditions de travail et de transports se dégrader.

« Placer les dépenses publiques sur une trajectoire de réduction », c’est mettre à mal le sens même des politiques publiques, c’est-à-dire des contreparties que tous les contribuables sont en droit d’attendre des impôts et taxes qu’ils acquittent.

C’est là un véritable hold-up qui se fait au détriment des contribuables de l’impôt sur le revenu, des consommateurs qui paient la TVA, des assurés sociaux qui acquittent des cotisations.

S’il faut réduire la dépense, que l’on commence donc par dégonfler la sphère sans cesse plus grosse des niches fiscales et des « modalités particulières d’imposition » qui nous font dépenser 106 milliards d’euros pour alléger l’impôt sur les sociétés.

106 milliards d’euros, c’est la somme des deux budgets les plus importants de l’Etat : Education nationale et Défense.
Contrairement à vos affirmations, nous n’avons pas d’excès de dépense publique.

Depuis 1981, la part des dépenses de l’Etat dans le PIB est restée relativement stable, autour de 22%.
Autrement dit, depuis 1981, l’Etat dépense la même proportion de la richesse produite.

Par conséquent, ce qui explique la dette de l’Etat, c’est la baisse des recettes, générée par la baisse des impôts des plus fortunés et les exonérations de charges sociales aux entreprises.

Depuis 1981, les recettes de l’Etat sont passées de 22% du PIB à 18% du PIB.

A force de venir au secours des entreprises, et en définitive leur permettre de délocaliser leurs activités et de sous payer leur personnel, c’est le déficit qui s’est accru et qui s’accumule.

Vous préférez cette option à celle qui consisterait à revenir sur ce qui a été accordé aux plus grands groupes comme aux ménages les plus aisés.

La majorité sénatoriale, par ses votes, ses choix, les orientations qu’elle a imprimé aux débats qui nous ont occupé depuis 2002, est co-auteur et responsable de la situation désastreuse des finances publiques.

Dans le même temps, le Président de la République relance le débat sur « la règle d’or » budgétaire en vue de graver dans le marbre de la Constitution les politiques d’austérité pour notre pays.

Nous sommes opposés à l’inscription de cette règle d’or dans la Constitution et nous sommes tout autant opposés à sa mise en œuvre dans la droite ligne des critères de convergence des Traités de Maastricht et de Lisbonne.

Alors, quelles mesures convient-il de prendre pour inverser la tendance et créer les conditions du redressement des comptes publics ?
Nous ne sortirons pas de la crise des finances publiques si nous ne décidons pas de rompre avec l’inflation des dépenses fiscales, que nous connaissons notamment depuis les dix dernières années, et d’un recyclage intensif de cette dépense fiscale en dépense budgétaire nouvelle.
Permettez-moi de pointer quelques priorités.

Il me semble déterminant qu’un effort particulier soit accompli dans le domaine de l’éducation et de la formation.

L’éducation des jeunes et la formation continue des salariés en activité doit être une priorité et pourrait s’articuler autour d’un plan national pluriannuel de lutte contre l’échec scolaire et d’un vaste effort de requalification des salariés en activité, passant notamment par la validation des acquis professionnels et leur reconnaissance.

Une autre priorité réside dans la mise en œuvre du schéma national de développement des infrastructures de transport.

Nous sommes parvenus à un moment de la vie économique de notre pays où nous devons penser, dès maintenant, à réorganiser nos flux de transport, allant notamment dans le sens d’un transfert de plus en plus évident des marchandises vers le fret ferroviaire, vers la voie d’eau et l’intermodalité.
Là encore il ne faut pas se contenter des déclarations consensuelles du Grenelle de l’environnement : il est temps de passer aux actes.
C’est dès aujourd’hui qu’il faut lancer les études, les travaux, les programmes de mise en œuvre du schéma national. Ces chantiers seront créateurs d’emplois et assureront, dans bien des domaines, les emplois de demain.

Enfin, il est urgent de réorienter l’action de la BCE. Au lieu de dicter à la Grèce des politiques d’austérité insupportables pour son peuple, au travers de plans de sauvetage totalement inefficaces, au lieu de se contenter de racheter les titres sur le marché secondaire, la BCE devrait accorder aux Etats membres des prêts à taux zéro ainsi que les moyens nécessaires à un retour de la croissance favorable à un développement durable.

Aucun pays ne peut espérer redresser ses comptes publics par accumulation de mesures d’austérité, en Grèce comme en France.

L’argent public doit retrouver la voie de son usage le plus vertueux, celui de la dépense au profit des besoins collectifs de la société, de la population, au service du développement du pays.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis.

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