Cette baisse de l’effort budgétaire n’est pas cohérente avec vos annonces, monsieur le ministre

Rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour les arts visuels.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’analyse des crédits du programme 131, la commission de la culture a souhaité rendre un avis sur les arts visuels, qui se rattachent à l’action n° 2, Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques, dont les précédents rapports ont déjà fait état.

Mon premier constat est celui d’une diminution des crédits de paiement comme des autorisations d’engagement. Cette baisse de l’effort budgétaire n’est pas cohérente avec votre très récente annonce, monsieur le ministre, d’un plan d’action en faveur des arts plastiques.

En outre, je note que les efforts réalisés depuis deux ans ont pour objectif de financer des projets d’envergure qui, en quelque sorte, « aspirent » les crédits de l’action n° 2 au détriment de l’irrigation des structures contribuant au développement des arts plastiques et à la démocratisation de la culture sur l’ensemble du territoire.

Ainsi, en 2011 déjà, le projet du Palais de Tokyo absorbait près de 72 % des crédits d’intervention.

Si ce projet est évidemment un très bon signe pour la dynamique de l’art d’aujourd’hui, on peut s’inquiéter du contraste saisissant entre le soutien accordé à cette dynamique parisienne et les difficultés qui prévalent au sein des structures plus modestes, telles que les centres d’art. Ces derniers sont aujourd’hui déstabilisés par la réforme des collectivités territoriales, ces dernières étant leurs principaux financeurs. De plus, ils craignent une multiplication des fermetures. C’est déjà le cas pour le Centre d’art du Domaine de Kerguéhennec, en Bretagne, ou celui du Domaine départemental de Chamarande, dans l’Essonne.

Par ailleurs, je note que le budget attribué aux centres d’art n’a pas été réévalué depuis dix ans, ce qui ne leur permet pas de faire face à la hausse des coûts observée dans le domaine de l’art d’aujourd’hui.

En outre, comme le soulignait notre collègue Jean-Pierre Plancade dans son récent rapport d’information Agissons pour l’art d’aujourd’hui, expression vivante de notre société, la politique de diffusion est très insuffisante, puisque c’est seulement un peu plus de la moitié des œuvres du Fonds national d’art contemporain qui circulent sur le territoire. La construction de Fonds régionaux d’art contemporain de seconde génération n’est pas une raison pour diminuer les efforts en faveur d’une diffusion plus importante par ailleurs.

On peut donc s’interroger sur l’accès du plus grand nombre à la culture et sur la pertinence d’une stratégie de développement de la collection publique d’art contemporain qui n’est pas accompagnée d’une politique de diffusion plus efficace.

Les arts visuels concernent aussi la photographie. La photo d’art est, elle aussi, contrainte par les mêmes tendances de hausse des coûts, avec une multiplication des supports, plus onéreux, et l’intermédiation nouvelle des collectionneurs pour l’organisation d’expositions qui, de fait, augmente les coûts.

La photographie d’art est au cœur de problématiques importantes, telles que la conservation et la valorisation des fonds photographiques, la recherche de nouveaux espaces d’exposition, mais aussi le phénomène de la numérisation, qui la rend plus accessible, mais aussi plus fragile aussi au regard des enjeux de propriété intellectuelle.

C’est particulièrement vrai et criant pour le photojournalisme, secteur en crise depuis les années quatre-vingt-dix. L’irruption des techniques numériques, qui apparaît comme l’un des principaux bouleversements des modes de production et de diffusion, a fait émerger de nouveaux risques. J’en citerai deux.

Le premier est l’apparition des microstocks, qui permettent de vendre des photos sur Internet pour quelques centimes d’euros seulement. À cet égard, je trouve très inquiétante l’attribution du label PUR – promotion des usages responsables – au microstock Fotolia par la HADOPI, c’est-à-dire la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.

Le second phénomène dangereux est la pratique abusive des droits réservés, ou DR, dénoncés avec force par la présidente de la commission de la culture, Marie-Christine Blandin, à l’occasion de l’examen de sa proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, un texte qui est actuellement en instance à l’Assemblée nationale.

Comme vous le rappeliez la semaine dernière, monsieur le ministre, plusieurs mesures ont été annoncées pour soutenir la photographie. Je citerai, notamment, la création d’un observatoire du photojournalisme, une mission de la photographie au sein du ministère, des actions de sensibilisation en milieu scolaire ou encore l’ouverture d’une concertation sur les sujets relatifs aux œuvres orphelines et aux droits réservés.

Toutefois, il me semble particulièrement regrettable, compte tenu justement de toutes ces annonces, que l’on ne soit pas capable de mesurer précisément les efforts consentis dans ce domaine.

L’éparpillement entre plusieurs programmes budgétaires et le manque d’évaluation précise des crédits concernés ne me semblent pas à la hauteur des enjeux de la photographie. Je crois, je vous l’ai déjà dit, que la lisibilité budgétaire est aussi un exercice démocratique, qui nous permet d’étudier le budget et d’être en mesure de faire des comparaisons d’une année sur l’autre.

En conclusion, pour les raisons que j’ai évoquées, la commission de la culture a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».

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