Ce budget traduit le désengagement de l’État de ses missions régaliennes

Ce budget traduit le désengagement de l'État de ses missions régaliennes - Loi de finances pour 2012 : sécurité (Pixabay)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2002 et, en accéléré, depuis 2007, la majorité présidentielle, sous la houlette du Président de la République, n’a cessé de voter des lois répressives. Leurs effets sur la délinquance témoignent d’un échec patent. La délinquance violente augmente, les armes prolifèrent et la délinquance financière fleurit.

On cherchera en vain dans ce budget ce qui serait susceptible d’améliorer la situation. En juillet dernier, la Cour des comptes avait pointé les dégâts entraînés par la RGPP. Or vous n’en avez tenu aucun compte.

Vous voulez à toute force réduire les effectifs publics. Dès lors, après l’éducation et le service public hospitalier, pourquoi ne pas sacrifier aussi la sécurité des citoyens ? Voilà un choix bien paradoxal pour un gouvernement qui mise au quotidien sur une politique sécuritaire !

Après avoir connu une stabilisation en 2011, les effectifs de la police nationale diminuent de nouveau, avec 1 720 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en moins, alors que le nombre d’heures supplémentaires atteint, on le sait, plusieurs millions.

Dans ma circonscription de Paris, ce sont, selon la préfecture de police, 400 postes qui ont été supprimés en 2011, alors que le nombre des crimes et délits augmentait de 5,1 %.

Les effectifs de la gendarmerie connaissent, eux aussi, une nouvelle diminution, avec 1 185 ETPT en moins. Dans ces conditions, il ne paraît pas certain que la mutualisation des deux entités contribue à accroître la sécurité.

Certes, le nombre des adjoints de sécurité augmente de 678. Des fonctionnaires de police pourront donc être remplacés par des précaires sous contrat de trois ans, contre cinq ans avant la LOPPSI, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

De même, nous restons préoccupés par le recours croissant à la réserve civile de la police nationale, désormais ouverte à l’ensemble des citoyens. En effet, être policier est un métier.

La police technique et scientifique se voit dotée de 83 ETPT seulement, alors que sa charge de travail est déjà très lourde. Pourtant, la LOPPSI 2, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, exige un recours accru à ses services, puisqu’elle prévoit la modernisation de la police et la gendarmerie par une plus grande utilisation des technologies nouvelles. Les suppressions de postes touchent évidemment fortement les emplois administratifs et techniques, en vertu de votre politique de substitution avec les actifs prônée également par la LOPPSI pour réaliser des économies.

Le rapport de la Cour des comptes pointait aussi la baisse du budget de fonctionnement des forces de l’ordre. Certes, on constate un effort de 90 millions d’euros pour l’immobilier, l’achat de véhicules et de matériel informatique, ainsi que le fonctionnement courant des services. Mais cela ne compense pas, loin s’en faut, les diminutions précédentes.

Ce sont les acquisitions de matériel et les travaux de maintenance des locaux qui ont connu les plus fortes restrictions, au risque, selon la Cour des comptes, de mettre en cause « l’efficacité de l’action des services ».

Les syndicats de police ont souligné leurs inquiétudes quant à certains équipements, comme les gilets pare-balles et les véhicules dégradés, qui ne peuvent être remplacés ni simplement entretenus.

Quant à la loi sur la garde à vue, le décalage entre les dispositions qu’elle prévoit et l’application qui en est faite n’est pas prêt d’être gommé. Lors des débats parlementaires, nous avons mis l’accent sur les questions d’ordre organisationnel qui se posent et qui inquiétaient déjà les officiers de police obligés de faire face aux nouvelles procédures. Or le projet de loi de finances n’en tient aucun compte.

De même, le respect du principe de dignité humaine de la personne gardée à vue risque de demeurer longtemps encore lettre morte, au vu de la vétusté de nombreux locaux de police.

Aujourd’hui, vous créez des patrouilleurs chargés sur le terrain d’une triple mission – préventive, dissuasive, répressive –, qui recoupe en fait les missions traditionnelles de la police. Votre objectif est de rendre celle-ci « plus visible ». Votre objectif est le même avec l’acquisition de véhicules « sérigraphiés ». Qu’en penser ? Est-ce un retour – incontournable de mon point de vue – à la police de proximité que vous avez supprimée ? Ces patrouilles permettront-elles de faire reculer le sentiment d’insécurité que ressentent nos concitoyens et de restaurer la confiance entamée entre eux et la police par la politique du chiffre ?

Tout, dans ce budget, confirme votre désengagement des missions de service public essentielles et régaliennes.

Dans ce contexte, la police municipale, la vidéosurveillance, la réserve civile ou les sociétés privées – certains tribunaux y recourent – sont, pour vous, des palliatifs à la baisse des effectifs. Les agences de sécurité privée et les sociétés de vidéosurveillance ne se sont jamais aussi bien portées. Preuve en est que le marché est rentable. La vidéosurveillance croît sans cesse, alors que, comme cela a été dit, son efficacité sur la voie publique est contestée et que le respect des libertés publiques est douteux, tout cela pour un coût très élevé. Une évaluation serait nécessaire. Qui plus est, ce sont les collectivités locales qui paient l’essentiel.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a décidé la constitution d’une mission d’information sur les polices municipales.

Dans son projet électoral, l’UMP promet une « présence renforcée des forces de sécurité sur le terrain ». C’est un nouvel affichage, puisqu’il est précisé que cela se fera sans déroger à la contrainte du « coût zéro », ni sans revenir sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Pour conclure, je veux dire que nous sommes très inquiets face au discours permanent de stigmatisation des étrangers et des jeunes des quartiers populaires que l’on entend au sein de l’exécutif et à droite, instillant l’idée d’une connotation ethno-raciale et sociale de la délinquance, tout particulièrement de la jeunesse.

Pour notre part, les jeunes ne nous font pas peur : c’est la façon dont on les traite qui nous inquiète.

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En matière de sécurité, nous refusons toute instrumentalisation. Nous sommes très attachés à la police républicaine, seule garante de l’égalité entre les citoyens et du respect des libertés publiques.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très bien dit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi voulons-nous pour elle des moyens à la hauteur de ses missions. Voilà pourquoi nous voterons contre ce budget.

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