Le gouvernement privilégie une approche répressive qui ne permet pas de développer une politique de prévention

Rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, s’élèvera, en 2012 comme en 2011, à un peu moins de 24 millions d’euros.
Cette dotation n’est guère élevée pour traiter d’une question aussi grave et qui, pour une large part, concerne la santé des jeunes. Certes, j’ai conscience que la MILDT bénéficie également d’une ressource annexe, un fonds de concours alimenté par le produit de la revente des biens saisis aux trafiquants de drogues condamnés. Grâce à plusieurs réformes récentes, le produit de ce fonds a été porté à 21 millions d’euros en 2010. Ces sommes sont ensuite redistribuées aux différents services qui concourent à la lutte contre la drogue.

Faut-il pour autant se réjouir de cette situation, au motif qu’elle serait moins défavorable que celle que connaissent de nombreux autres budgets ? Je ne le crois pas, et ce d’autant plus que les résultats de la politique gouvernementale dans le domaine de la drogue et de la toxicomanie – dont la MILDT assure la coordination – ne me semblent pas satisfaisants.

En effet, le Gouvernement privilégie une approche répressive, qui non seulement éloigne certains publics des dispositifs de soin et de réduction des risques mais qui, de plus, ne permet pas de développer une politique de prévention.

La consommation de drogues ne diminue pas. Le cannabis reste, de très loin, le produit stupéfiant le plus répandu, mais la cocaïne s’est banalisée et l’héroïne atteint des publics plus fragiles, peu sensibles aux actions de prévention.

L’usage problématique de drogues est souvent associé à des phénomènes de polytoxicomanie et à des troubles psychiatriques. Ce n’est donc pas par la répression que la situation d’usagers en grande précarité s’améliorera, mais, au contraire, par des efforts supplémentaires en matière d’accueil, de suivi et de réduction des risques.

La situation sanitaire des usagers de drogues est critique. Malgré des progrès concernant le VIH, la France fait face à une véritable épidémie d’hépatite C. La prévalence de ce virus chez les usagers de drogues par voie intraveineuse est d’environ 60 %, et l’hépatite C causerait entre 2 000 et 4 000 décès par an.

C’est en prison que les conditions sanitaires liées à l’usage de drogues sont les plus révoltantes. La politique de réduction des risques y est insuffisante, alors que la consommation de stupéfiants, notamment par voie intraveineuse, est une réalité objective. Il conviendrait, au minimum, d’y expérimenter des programmes d’échange de seringues et de s’assurer de la continuité des soins pour les toxicomanes détenus.

Se focaliser sur l’application de la loi, c’est-à-dire sur la répression du trafic et de la consommation, qui constitue le cœur de la politique actuelle en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, se révèle peu efficace.

Aujourd’hui encore, la simple consommation d’une drogue est un délit, et ce quel que soit le produit concerné. J’observe que les dérives de cette politique répressive ont été dénoncées par la Cour des comptes.

Je salue l’action des associations, des professionnels de santé et des collectivités locales : en effet, ce sont ces acteurs qui, sur le terrain, gèrent de leur mieux les conséquences sanitaires et sociales des addictions. Ils sont les mieux à même de toucher les populations les plus fragiles, les plus marginales, donc les moins susceptibles de bénéficier des actions de prévention officielles.

Ce sont d’ailleurs les associations qui sont à l’origine de la demande d’ouverture de salles de consommation supervisées. Le vif débat que ce sujet a suscité l’an dernier n’a pas fait progresser la question. À mes yeux, il aurait fallu l’envisager sous un angle non pas moral, mais pragmatique, celui de la réduction des risques pour les usagers et des nuisances pour la société.

La politique actuelle a atteint ses limites. C’est pourquoi il est nécessaire, comme l’a recommandé l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, de réaliser une véritable évaluation des besoins et de préparer, le cas échéant, la mise en œuvre d’une telle expérimentation : il n’est pas inutile de rappeler que de nombreuses collectivités, de toutes sensibilités politiques, se sont portées volontaires.

En 2010, l’INSERM avait d’ailleurs établi une étude plus générale sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues. Ses nombreuses recommandations sont restées lettre morte, alors qu’elles mettaient en lumière les insuffisances de la politique de prévention française, notamment vis-à-vis des femmes. Je souhaite que le Gouvernement puisse s’en inspirer à l’avenir.

Les problématiques liées aux addictions comportementales – aux jeux d’argent ou aux jeux vidéo par exemple – mériteraient également une attention accrue, car elles posent aujourd’hui une véritable question de santé publique. Il serait logique qu’elles entrent dans le champ de compétence de la MILDT, qui, jusqu’à présent, n’a pas témoigné un grand intérêt pour ce sujet.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le tournant répressif pris par la MILDT depuis 2007 n’est pas la solution à apporter à l’usage de drogues en France. J’émets ainsi le vœu que, pour la période 2012-2015, à laquelle un nouveau plan gouvernemental sera consacré, une nouvelle impulsion soit donnée à la politique de prévention et de réduction des risques.

D’ici là, la commission des affaires sociales ne souhaite pas conforter les choix qui sont opérés actuellement dans l’utilisation et la répartition des crédits de la MILDT. Elle a donc émis un avis défavorable sur leur adoption.

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