Durant cette législature, l’audiovisuel public a été soumis à des réformes qui ont remis en cause son indépendance

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucun programme n’est épargné dans cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Toutefois, afin de respecter mon temps de parole, je me concentrerai sur l’audiovisuel et sur la presse écrite.

Cela a été rappelé : la baisse des crédits en faveur de l’audiovisuel est en partie due à la fin du passage à la télévision numérique, mais elle est aussi le fruit d’un véritable désengagement de l’État de la holding Audiovisuel extérieur de la France, dont les crédits sont en baisse de 3,5 %. Je ne reviens pas sur cette situation, qui a déjà été évoquée par les rapporteurs pour avis.

En outre, des dispositions particulièrement préoccupantes concernant l’audiovisuel public français ont été introduites.

Durant cette législature, l’audiovisuel public a été soumis à des réformes qui ont remis en cause son indépendance ainsi que la pérennité du financement de France Télévisions. Je pense à la réforme de 2009, qui a instauré la désignation des présidents de Radio France, d’Audiovisuel extérieur de la France et de France Télévisions par le Président de la République, mais surtout, et cela est en lien direct avec les préoccupations budgétaires qui nous animent aujourd’hui, à la suppression immédiate de la publicité après vingt heures sur France Télévisions : ce premier pas vers la suppression totale a été décidé sans aucune anticipation des conséquences. Bien loin de se poser en défenseurs de la publicité, nous sommes forcés de constater que la suppression de cette dernière entraîne avec elle une partie des ressources publicitaires du groupe.

Au sein du groupe communiste, républicain et citoyen, nous n’avons cessé de dénoncer cette suppression prétendument vertueuse, qui, en réalité, affaiblit financièrement, et donc stratégiquement, le service public de la télévision, et qui ne manquera pas d’impacter durement – et durablement – les finances publiques. C’est d’autant plus vrai que le Gouvernement nous propose aujourd’hui de mettre l’audiovisuel public à contribution pour réunir les 500 millions d’euros d’économies exigées par le Premier ministre. Ainsi, France Télévisons serait amputée de 15 millions d’euros ; Arte, AEF et l’INA, de 1 million d’euros chacun, quand Radio France se verrait raboter 2 millions d’euros ; nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.

Mais cela n’est pas tout : les ressources publicitaires de France Télévisions étant, malgré les difficultés que le Gouvernement lui a créées, supérieures aux prévisions, ce « surplus » serait pris en compte pour réduire d’autant la compensation que verse l’État au groupe.

Cet acharnement contre les chaînes de télévisions publiques est incompréhensible, voire scandaleux. Il est d’autant plus étonnant que la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet – l’une des compensations financières de la suppression de la publicité prévue par la loi de 2009 – est actuellement remise en cause par l’Europe, ce qui pourrait causer une perte de 250 millions d’euros pour France Télévisions.

En outre, la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées, autre compensation prévue par la loi de 2009, a déjà été rabotée l’an dernier, grâce à l’action d’un lobby puissant, et ne rapporte désormais plus que de faibles sommes.

Au lieu de mettre en avant l’augmentation, par rapport à 2011 – année pour laquelle les crédits ont été particulièrement bas –, de la part du budget « Médias » accordée à France Télévisions, le Gouvernement serait bien avisé de prendre en compte ces paramètres avant que France Télévisions ne se retrouve complètement exsangue.

Je me félicite que la commission de la culture soit, dans la lignée du travail de Jack Ralite, porteuse d’un véritable projet pour France Télévisions. Je soutiens donc pleinement les amendements visant à élargir l’assiette de la redevance ou à réaffecter à l’audiovisuel public les 20 millions d’euros : je pense notamment à l’amendement portant suppression de l’article 52 ter, lequel vise à diminuer la dotation de l’État en fonction des performances de la régie publicitaire.

Ces dispositions s’inscrivent dans les préconisations pour « sauvegarder le service public de la télévision » que nous avions développées dans une proposition de loi déposée en 2010 et qui sont chères à l’actuelle majorité sénatoriale. Nous faisons ainsi la preuve que, dans un contexte budgétaire difficile, la majorité du Sénat peut porter une véritable ambition alternative pour l’audiovisuel public.

Concernant la presse écrite, les crédits sont en baisse puisque les aides directes à la presse diminuent de 6 % par rapport à 2011. Certes, cela correspond à la fin du plan d’aide exceptionnel de soutien conclu à la suite des états généraux de la presse, mais nous n’en sommes pas moins inquiets pour l’avenir d’un secteur qui reste extrêmement fragile. La situation de France Soir et de La Tribune en est l’illustration. D’ailleurs, je veux assurer de mon soutien l’ensemble des salariés de ces deux organes de presse, dont certains, ce soir, assistent au débat, et je l’affirme : l’État a une responsabilité en ce domaine.

Le pluralisme est menacé. À titre d’exemple, le journal France Soir, qui devrait voir sa version papier supprimée au profit de sa seule version numérique, est en danger.

Alors que les aides à la modernisation de la presse pour 2012 sont en baisse de 8 %, le Gouvernement, qui affirme pourtant vouloir favoriser l’adaptation des journaux aux nouvelles technologies, se désengage de France Soir, laissant présager la faillite du projet. Il ne faudrait pas que ce journal populaire évolue vers le populisme !

Je l’ai dit, des emplois sont en danger : quatre-vingt-neuf emplois au siège, l’imprimerie située en région parisienne menacée de fermeture et autant d’emplois induits risquent d’être supprimés dans les imprimeries de province ainsi que dans le circuit de la distribution.

Je le répète, l’État a une responsabilité : des millions d’euros d’aides ont été accordés, au titre de la presse écrite, à France Soir. Aujourd’hui, à quoi cette aide a-t-elle servi ?

Monsieur le ministre, je vous demande de réunir dans les plus brefs délais une table ronde qui pourrait rassembler les dirigeants, les représentants syndicaux et l’État pour envisager un autre avenir pour France Soir et, ainsi, examiner l’utilisation et l’efficacité de l’aide qui lui a été versée. En effet, dans ce champ, comme dans d’autres, le contrôle de l’utilisation des fonds publics accordés aux entreprises, que préconisait, à l’époque, la loi Hue, est une nécessité et un enjeu démocratique pour notre pays.

La presse et l’audiovisuel dans notre pays doivent être soutenus. Notre vote sur cette mission budgétaire dépendra donc du sort qui sera réservé à certains amendements.

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