Projet de loi de Finances pour 2002 : explication de vote

par Nicole Borvo

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes cher(e)s collègues,

Le débat budgétaire, cette année, est intervenu dans un contexte confirmé de ralentissement de la croissance, dans le contexte d’une récession possible au niveau international.

Ces interventions de mon groupe, les propositions que nous avons pu faire, ont été guidées par le souci constant que l’intervention publique soit en capacité de faire face à ce contexte, donc de soutenir la consommation populaire, les investissements utiles, de dynamiser l’activité économique, de favoriser la croissance.

Aujourd’hui, notre vote intervient à un moment où des attentes sociales s’expriment très fortement. Des mouvement sociaux touchent des grands secteurs publics de façon diverse mais convergente.

Ce qui les unit, à mon sens, le fil conducteur, ce sont les immenses besoins de la société : besoin de sécurité, besoin de santé, d’écoles, de services publics.

Notre pays, nos concitoyens, sont très attachés aux services publics. Ils ont raison. Ils sont des éléments indispensables en France de la cohésion sociale, de « vivre ensemble » et ils ont fait la preuve de leur grande efficacité.

Or, ce qu’expriment nombre de ceux qui font part de leurs inquiétudes, mécontentements, revendications, ce n’est pas leur intérêt égoïste, leur corporatisme, comme on l’entend trop souvent, mais bien leurs difficultés à accomplir leurs missions, à répondre aux attentes de la population.

Voilà, à mon sens, le cœur du débat sur la défense publique.

Une autre grande question concerne la Démocratie et l’avenir du débat budgétaire à un moment historique, celui du passage à l’euro et à l’abandon du franc.

Il ne s’agit pas pour moi de donner dans la nostalgie et le conservatisme.

Mais ne passe-t-on pas trop rapidement sous silence le rapport étroit entre un peuple et sa monnaie.

Quel sera demain le rapport entre les peuples européens et l’euro ? Qui décide et dans quelles conditions ? L’euro existe et si un défi est à relever, c’est bien celui de permettre aux peuples de s’approprier ce nouvel outil et de le mettre au service des objectifs de justice sociale, de développement économique et de coopération internationale.

Nous en sommes bien loin et malheureusement, beaucoup de facteurs nous laissent penser que nous assistons à la naissance d’un nouvel outil, de spéculation internationale qui placent toujours et encore au premier plan, la maîtrise des dépenses publiques et l’austérité salariale.

Je regrette, à ce titre, que le programme pluriannuel de finances publiques transmis aux autorités de Bruxelles pour notre pays ne fasse pas l’objet d’un large débat.

Même si la tendance est modifiée, la baisse indifférenciée des impôts continue à marquer ce plan. Cet axe ne peut qu’aller de pair avec l’objectif de réduction des dépenses.

Au-delà du contenu même de ce plan, il met en évidence l’absence de transparence des choix sur le plan européen. Qui fait ensuite le choix et sous le contrôle de qui ?

Le projet de budget dont nous discutons, reste encore marqué par le contexte du pacte de stabilité qui bride les ambitions de la gauche plurielle.

La première partie, relative aux recettes, à notre sens, n’ambitionnait pas de trouver de nouveaux moyens pour une politique budgétaire au service de l’emploi et de la justice sociale.

Si les députés communistes ont voté l’ensemble du budget à l’Assemblée Nationale, c’est que des efforts ont été faits pour maintenir et faire progresser bon nombre de crédits.

Des avancées ont été possibles et ces mêmes députés communistes n’y sont pas pour rien, par exemple : doublement de la prime pour l’emploi, 1 milliard pour l’investissement hospitalier, l’octroi aux collectivités locales de prêt à taux préférentiels dans les travaux d’investissement scolaire en zones sensibles, le dégrèvement du foncier bâti et l’exonération de la redevance TV pour les personnes de plus de 65 ans.

Ces avancées poussent la consommation, donc la croissance.

Les députés communistes ont d’ailleurs contribué à reconstituer en recettes une partie des dépenses supplémentaires. Le maintien du barème de l’ISF ou de la contribution des compagnies pétrolières représentent en effet une plus-value fiscale de 1,5 milliard de francs.

Nous avons toutefois regretté la baisse de l’impôt sur les sociétés sans obligation en matière d’emploi et la réduction du barème des deux plus hautes tranches de l’impôt sur le revenu.

Notre vote au Sénat sur l’ensemble du projet de loi de Finances, modifié par la droite sénatoriale, sera tout autre, puisque nous nous prononçons contre.

La droite sénatoriale a fait jouer une nouvelle fois, à la Haute Assemblée, le rôle de caisse de résonance des propositions de l’actuelle opposition parlementaire.

Le débat budgétaire est devenu, dans ce cadre, une tribune pour des déclarations et propositions marquées par le libéralisme telles que l’allégement de l’impôt sur le revenu des ménages les plus aisés, l’allégement de l’impôt sur les sociétés ou encore, celui de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Le cas de l’impôt de solidarité sur la fortune est parlant, à l’heure où le bilan des plus grosses fortunes de France ont été publiées dans la presse.

C’est ainsi que le Sénat a rétabli le plafonnement de cet impôt, cadeau fiscal accordé à un millier de personnes particulièrement riches.

Rappelons-nous que le milliard de francs d’allégement de l’ISF que vous proposez, c’est, par exemple, l’équivalent du budget de la ville.

La même observation vaut évidemment pour l’ensemble des autres mesures préconisées par les amendements de la majorité sénatoriale. C’est particulièrement vrai, pour l’allégement de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 102 millions d’euros et la baisse des impôts pour les plus hauts revenus s’inscrivent dans ce cadre.

Voulant mener jusqu’au bout le débat parlementaire, nous avons fait des propositions à l’occasion de la discussion de la première partie pour créer les conditions d’un confortement de la croissance au travers de mesures spécifiques pour un ciblage plus précis de la réforme de l’impôt sur le revenu, par une réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une amélioration des dispositifs incitatifs à la réduction du temps de travail ou encore, des modes de fonctionnement des petites et moyennes entreprises.

Bien entendu, elles n’ont pas été retenues par la majorité sénatoriale.

Seule exception à la règle, notre proposition de réduction du taux de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les appareillages lourds destinés aux personnes handicapées qui est une véritable mesure de justice sociale et qui a été adoptée.

S’agissant des collectivités locales, nous ne pouvons, encore une fois, que dénoncer les contradictions dans lesquelles se trouve la majorité sénatoriale.

Désormais, tout ou presque est possible.

Mais, mes cher(e)s collègues, de la majorité sénatoriale, devons-nous pour autant oublier dans la problématique des finances locales que c’est vous qui avez réformé la DGF en 1993, en gelant la dotation forfaitaire en 1994 ; que c’est vous qui avez réduit la compensation de la TVA sur les dépenses d’équipement, que c’est vous qui avez voté la suppression de la DGE des communes importantes, que c’est vous qui avez fait de la DCTP la variable d’ajustement de l’enveloppe des dotations…

Nous sommes effectivement convaincus que les finances locales et le champ des relations entre l’Etat et les collectivités locales doivent être profondément réformés.

Pour ce qui nous concerne, cette réforme passe entre autres par un examen réel des transferts de compétences et de moyens financiers, la mise en œuvre d’une véritable réforme de la taxe professionnelle passant par l’intégration des actifs financiers dans son assiette qui permettrait d’aider au financement des EPCI, de donner des moyens supplémentaires aux collectivités locales, pour satisfaire leurs nombreux besoins, pour donner les moyens d’une bonne mise en place des 35 heures.

Votre allergie à la dépense publique s’est à nouveau manifestée dès le début sur la deuxième partie. Alors que souvent, vous vous auto-proclamiez porte-parole des collectivités locales, que penseront les élus locaux, inquiets de la fermeture envisagée de leur perception, de la minceur des effectifs de gendarmerie ou des menaces pesant sur l’activité de leur hôpital local ? Que penseront les élus locaux qui, en permanence, se battent pour les moyens de l’école publique ?

Nous relèverons comme une contradiction de plus votre démarche quand vous avez rejeté sans complexe les deux amendements relatifs à l’accord intervenu sur le conflit dans la police nationale et sur la question de la rémunération de l’astreinte des gendarmes.

Comprenne qui pourra, en effet, votre position lors même vous soufflez sur les braises des justes préoccupations de nos concitoyens quant aux questions de sécurité alors qu’au pouvoir, vous n’avez en rien enrayé la délinquance avec votre politique de réduction des dépenses.

En tout état de cause, nous avons la conviction que les propositions que nous avons faites et que vous avez rejetées sont en symbiose avec ce qui se passe aujourd’hui dans le pays.

Dans ce contexte et compte tenu des observations qui précèdent, nous ne pourrons évidemment que rejeter, sans la moindre hésitation, le texte de loi de Finances tel que modifié par le Sénat.

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