Si ce projet de loi est tout à fait acceptable sur le fond, sa cohérence est compromise par le rattachement de nombreux articles n’ayant aucun rapport avec son objet !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Paul Vergès, qui aurait aimé être présent parmi nous aujourd’hui. La benjamine de cette assemblée s’exprimera donc au nom de son doyen !

M. Robert del Picchia. Très bien !

Mme Cécile Cukierman. Le présent projet de loi nous a été présenté par le ministre chargé des transports, M. Thierry Mariani, comme étant « le fruit d’une concertation préalable approfondie que Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, [a] menée avec chaque catégorie d’acteurs de la place portuaire ultramarine concernée ».

Nous en avons pris acte. Il est vrai que ce texte est attendu avec une grande impatience par toutes les communautés portuaires d’outre-mer, notamment à la Réunion.

Néanmoins, je voudrais revenir sur les propos tenus par Mme Herviaux sur le désengagement de l’État de la gestion de nos ports : le fait que ce dernier n’ait assuré aucun contrôle de l’activité des concessionnaires a eu pour conséquence l’application de tarifs portuaires sans rapport avec les coûts réels, donc un renchérissement des prix outre-mer. La responsabilité de l’État dans le niveau élevé du coût de la vie outre-mer est ainsi soulignée de manière tout à fait remarquable.

En ce sens, l’article relatif aux observatoires des prix et des revenus dans les outre-mer, que la majorité sénatoriale a proposé d’introduire dans le texte, représente un élément essentiel. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont d’ailleurs partagé notre analyse et choisi de le maintenir.

Il s’agit d’un pas supplémentaire dans la longue lutte que mènent les ultramarins pour connaître les mécanismes de formation des prix. L’actualité récente, à la Réunion, illustre cet état de fait : alors que les compagnies pétrolières engrangent des bénéfices colossaux, le prix du carburant à la pompe ne cesse d’augmenter. Ce problème concerne d’ailleurs l’ensemble de la société, les professionnels de la route comme les particuliers, lesquels sont contraints d’emprunter leur véhicule pour se déplacer, faute d’un réseau de transport collectif opérationnel et digne de ce nom. L’abandon du projet tram-train par la présidence régionale actuelle sera, à cet égard, lourd de conséquences.

La question du coût de la vie est un chantier qui reste encore à déblayer : la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique ou la Guyane pourront-elles, un jour, identifier objectivement les causes de la cherté de la vie ? Pourront-elles intervenir afin de démanteler les monopoles ou oligopoles ou de lutter contre la constitution de rentes de situation ? Il s’agit d’une situation qui n’a que trop duré et dont le traitement devra être au cœur des préoccupations dans les prochains mois.

Néanmoins, il y a dans ce texte des dispositions que nous ne pouvons accepter : je pense aux articles visant à permettre au Gouvernement de prendre, par voie d’ordonnances, les mesures nécessaires à la mise en œuvre de six textes européens concernant le domaine des transports routiers et celui de l’aviation civile, mais en aucun cas la réforme de la gouvernance des ports ultramarins, qui est l’objet même de ce projet de loi.

Le Gouvernement nous a expliqué qu’il s’agissait pour la France « de respecter ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens » et d’éviter « d’être condamnée pour défaut de transposition ». Il s’agit donc d’éviter toute sanction financière, ce qui, je vous l’accorde, monsieur le ministre, n’est peut-être pas superflu, au vu de l’état actuel des finances nationales…

Cela étant, il était de la responsabilité du Gouvernement de transposer ces directives européennes en temps et en heure. Plus largement, force est de constater que les retards dans la transposition de directives européennes ne concernent pas seulement l’outre-mer.

Si ce projet de loi est tout à fait acceptable sur le fond, sa cohérence est compromise par le rattachement de nombreux articles n’ayant aucun rapport avec son objet !

Or, il aura fallu quatre ans pour que soit élaboré le texte permettant à nos ports ultramarins d’entrer dans le cadre commun des grands ports nationaux et de bénéficier d’une nouvelle gouvernance.

Monsieur le ministre, nous avons déjà accumulé trop de retard. Nous allons donc voter ce texte, parce qu’il est attendu par les professionnels et les partenaires sociaux et parce que nous avons toujours privilégié l’intérêt général. L’essentiel est bien d’assurer la mise en place d’une nouvelle gouvernance, répondant aux objectifs de développement de nos ports.

Nous tenons à vous le rappeler solennellement : il nous appartient, à nous parlementaires, de nous prononcer sur le processus décisionnel européen et sa traduction législative. En aucun cas, nous ne pouvons nous accommoder de cette pratique du recours aux ordonnances. Il y va du respect de la représentation parlementaire et de ses prérogatives !

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