Protégeons la forêt

Tribune parue dans le numéro d’Initiatives de novembre 2012.

L’accaparement des terres et des biens de première nécessité
par de grands groupes bancaires n’est pas une réalité lointaine qui ne concernerait que l’Afrique ou l’Amérique latine, c’est une menace réelle qui pèse sur nos territoires.

La Forêt en France, c’est 16 millions d’hectares, soit 30 % du territoire métropolitain.
Et bien qu’elle soit majoritairement privée, le sentiment qui domine, comme le souligne le journal Terre Mer, est que la forêt est un bien commun. C’est aussi un véritable patrimoine écologique,
plus d’une centaine d’espèces d’arbres répertoriées par l’inventaire
forestier national. Notre forêt joue un rôle crucial dans la
préservation de la biodiversité animale et végétale, dans la
régulation du cycle de l’eau, la protection des sols et la préservation des grands équilibres naturels et climatiques, notamment au travers du stockage de carbone et dans la
fonction énergétique du bois. Elle joue aussi un rôle social et contribue à la qualité du cadre de vie et à l’attractivité des territoires, aux
loisirs et à la découverte : les « aménités ».

La forêt, c’est enfin la filière forêt bois qui fait
travailler environ 450 000 personnes. C’est parce que la forêt est multifonctionnelle que sa gestion ne peut être simplement mercantile. Une politique forestière oubliant que la forêt n’est pas et ne doit pas être considérée comme un produit quelconque n’est pas acceptable. Or dans les faits, la logique financière et commerciale prend désormais le pas sur les principes de gestion durable. Aujourd’hui, notre forêt, dans toutes ses composantes, domaniale et privée, est en grande
difficulté, si ce n’est en danger. Quatre millions de propriétaires
privés possèdent 70 % des surfaces forestières.

Mais ces
propriétaires doivent faire face au morcellement des parcelles et à un manque de moyen pour assurer une gestion et une exploitation équilibrée de leur forêt. La législation actuelle prévoyant un droit de préférence au profit des propriétaires voisins lors de la vente d’une parcelle de moins de 4ha n’est pas à même de freiner la spéculation. Ainsi, des fonds d’investissement ou de grands groupes ont pu
acquérir des parcelles boisées en proposant des prix prohibitifs sans respecter les droits de préférence des voisins. Fonds qui procèdent à la plantation de résineux, et rompent un écosystème fragile en
couvrant ces parcelles boisées de résineux en monoculture, dont on connaît les effets à la fois sur l’environnement, la biodiversité, mais aussi sur les infrastructures communales, qui ne peuvent faire face à la taille surdimensionnée des engins forestiers et des véhicules de transport. Certes, la plantation de résineux fait partie du processus de valorisation de nos forêts, mais elle se doit de respecter les
essences existantes et la biodiversité. La forêt domaniale n’est pas en reste.

Dans la même logique, l’Office National des Forêts garant
du patrimoine forestier public perd peu à peu son rôle d’acteur pivot, avec moins de personnels et de temps pour l’entretien
des voies, des pièces d’eau, pour le conseil aux élus des communes forestières, pour l’accueil et la sensibilisation du public. Perçu comme l’un des derniers services publics en milieu rural, l’ONF s’est vu contraint de supprimer 25 % des emplois de terrain, et sept cents nouvelles suppressions d’emplois sont prévues pour la
période 2012-2016. Cette nouvelle coupe dans les effectifs aggrave le malaise interne qui se traduit par de trop nombreux suicides parmi les personnels, qui ne se reconnaissent pas dans les nouvelles priorités de l’ONF : productivité et compétitivité.

Les missions de la forêt sont écologiques, économiques et sociales, c’est pourquoi
il est urgent d’organiser un véritable débat sur l’avenir de la forêt, de revoir la représentativité des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, le renforcement des droits de préférence des riverains, mais aussi de préemption des communes et des SAFER, tout comme il est indispensable de relever significativement
la dotation de l’ONF.

Retour en haut