Les hôpitaux de l’Assistance Publique soumis à l’austérité

par Nicole Borvo

Les milliers de décès de cet été provoqués par la canicule, ont révélé des carences graves de notre système de santé publique.

Paris a payé un tribut particulièrement lourd, démontrant combien la diminution des moyens a fragilisé notre capacité de répondre aux besoins de santé en particulier face à des événements exceptionnels.

À l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (A.P.-H.P.), qui représente la moitié de l’hospitalisation francilienne, le déficit structurel s’élèvera à 240 millions d’euros pour 2003, soit un déficit cumulé de 390 millions d’euros.

Car depuis plusieurs années, le budget de l’A.P.-H.P. est sous doté. Fin septembre, 3 899 lits étaient fermés, - 16 % de la capacité totale -, dont la moitié par manque de personnels, conduisant à une baisse d’activité de 2,2 %. Les délais de rendez-vous s’allongent, certaines prises en charge sont reportées, l’accueil aux urgences est de plus en plus difficile…

Une directive récente à l’A.P.-H.P. aggrave encore la situation, en exigeant une économie de 240 millions d’euros sur quatre ans. La répartition de ce plan d’économie par hôpital fait l’objet de réactions très vives des professionnels, en particulier des médecins qui disent qu’il n’y a plus de marge de manœuvre, sinon en diminuant la qualité des soins.

Il faudrait 130 millions d’euros supplémentaires pour couvrir les nouvelles dépenses obligatoires !

L’exigence d’économies budgétaires ne peut que diminuer l’offre de soins et l’emploi, ce que dénoncent le maire de Paris et son adjoint à la santé, M. Lhostis.

Cette crise sans précédent de l’A.P.- H.P. fragilise le climat social, menace la qualité des soins et obère la capacité de l’institution à se moderniser. L’engagement exceptionnel des personnels salué par tous cet été, - chacun y est allé de son couplet - méritait une autre réponse : un plan d’urgence s’impose !

Comptez-vous revenir sur les directives récentes ? Acceptez-vous qu’une dotation exceptionnelle comble le déficit de l’A.P.-H.P. pour lui permettre, de manière pérenne, de faire face à ses obligations de service public ?

Mme BOISSEAU, secrétaire d’État. - Premier établissement hospitalier français, l’A.P.-H.P. dispose d’un potentiel exceptionnel, qui lui assure une place de premier plan, en France et dans le monde. Elle le doit à sa recherche clinique performante, liée à des équipes de recherche institutionnelles de grande qualité ; l’A.P.-H.P. est aussi le recours ultime dans un grand nombre de situations diagnostiques et thérapeutiques ; enfin, elle est incontournable pour l’évaluation et pour la diffusion de l’innovation, comme pour la formation.

La situation financière de l’A.P.- H.P., cependant, compromet son avenir.

Son déficit d’exploitation cumulé s’élevait à 140 millions d’euros à la fin de l’année dernière : l’insuffisance de base ressortait à 250 millions d’euros en 2003, sans mesures correctives.

Il faut donner à l’établissement les moyens d’un retour durable à l’équilibre financier. C’est à cette condition seulement qu’il pourra assurer sa mission de service public, dans l’unité et en cohérence avec l’ensemble de l’offre de soin francilienne.

Il apparaît raisonnable que l’effort de redressement de l’A.P.-H.P. s’inscrive dans un contrat d’engagement réciproque de retour à l’équilibre impliquant l’État et l’établissement lui-même et accompagnant l’A.P.-H.P. dans son redressement, sans brutalité et sans concession.

L’A.P.-H.P., s’engagera dans un effort de rationalisation et de productivité, pour réaliser une économie structurelle de soixante millions d’euros par an de 2004 à 2007. La vente d’actifs immobiliers ne servant pas aux activités médicales permettra de couvrir le déficit d’exploitation.

En contrepartie, l’État s’engage. Dès 2004, la péréquation appliquée à la dotation globale de l’A.P.-H.P. - et à celle de l’Ile-de-France - sera supprimée. Une augmentation de 230 millions d’euros lui sera accordée en quatre ans hors dotations exceptionnelles liées aux plans nationaux.

Il ne s’agit nullement de stigmatiser l’A.P.-H.P. et ses personnels mais de ne plus considérer que la taille et la complexité de la structure constituent un motif d’inaction.

C’est parce que nous croyons en l’unité de l’A.P.-H.P. et en son formidable potentiel que nous avons souhaité établir un plan réaliste de redressement. L’État et l’A.P.-H.P. assumeront leurs responsabilités.

Mme BORVO. Cette réponse ne me satisfait nullement. La situation financière de l’A.P.-H.P. est dûe aux sous-dotations et non au gaspillage. Si l’hôpital public a besoin d’évoluer, les moyens lui en sont refusés et les personnels se trouvent dans l’incapacité de faire face aux besoins. Il faut un plan d’urgence pour l’A.P.-H.P. et au-delà, une grande réforme de l’hôpital public et de la sécurité sociale, notamment la mise en place d’un grand service public pour le maintien à domicile des personnes âgées. Il convient de réfléchir aussi à ce qui se passe à l’extérieur de l’hôpital.

La ville de Paris par exemple fait des efforts en direction des personnes âgées mais l’État doit prendre ses responsabilités. Laisser penser que les problèmes financiers de l’A.P.-H.P. s’expliquent par la gabegie est indécent. En tant que membre du Conseil de surveillance de l’hôpital de la Salpêtrière, je puis vous dire que si les dépenses excèdent chaque année les recettes, c’est parce que l’hôpital est sous-doté.

Retour en haut