Lutte contre la désertification médicale

Lutte contre la désertification médicale - Question Orale (Cottonbro - https://www.pexels.com/fr-fr/@cottonbro)

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

Comme chaque année, le mois de janvier est traditionnellement celui des vœux et parmi ceux-ci des vœux de santé exprimant ainsi que la santé est pour chacun le bien le plus précieux.
Toutefois, l’accès à la médecine de proximité n’est pas égal pour tous nos concitoyens sur l’ensemble de notre territoire.
Selon les atlas régionaux de la démographie médicale, le nombre total des médecins en activité devrait diminuer de 10 % à l’horizon 2025. Il y aura bien, demain, un manque criant de médecins généralistes dont les patients auront à souffrir.
Pour preuve, alors qu’en France, un bassin de vie compte en moyenne 4,2 médecins généralistes pour 5 000 habitants, en Bretagne 50% des bassins de vie sont caractérisés par une densité inférieure à cette moyenne. C’est le cas par exemple pour de nombreuses communes du centre Bretagne, telles la Trinité – Porhoët, ou plusieurs communes du canton du Faouët.
C’est encore plus dramatique lorsque l’on regarde les chiffres des médecins spécialistes. Selon une étude de l’UFC-Que Choisir sur la cartographie sanitaire en Bretagne, 21% de la population bretonne réside à plus de 40 km d’un spécialiste, voire 27% pour ceux dits de secteur 1.
Que dire des spécialités comme la gynécologie médicale et obstétrique. 110 des 142 bassins de vie bretons ne recensent aucun de ces médecins dont les compétences sont indispensables à la santé des femmes. En 2010, selon une enquête de l’INSERM et de l’INED, 12,2% de jeunes femmes de 20 à 24 ans ont déclaré ne pas avoir de suivi contre 6,9% en 2000.
Est-il acceptable qu’une femme morbihannaise soit contrainte de faire plusieurs dizaines de kilomètres ou subir des délais d’attente excessifs pour accéder à un suivi gynécologique ? C’est une régression dans la lutte des femmes pour leur liberté pour laquelle l’accès à des soins de gynécologie est une clef essentielle d’émancipation.
Madame la Ministre, vous n’êtes pas responsable de la situation actuelle marquée par une forte régression. Dans le Morbihan, cela s’est traduit par la fermeture entre autres, des maternités de proximité comme celles d’Auray et d’Hennebont.
Vous avez récemment présenté le Pacte Territoire Santé. Les mesures avisées vont dans le bon sens pour réduire la fracture sanitaire comme le revenu garanti,… mais des interrogations importantes restent écartées comme celle de la liberté d’installation des médecins, « intouchable » selon vos propos par « des craintes d’un déconventionnement des praticiens et notamment des spécialistes ».
De très nombreux Maires morbihannais me font part de leur angoisse du départ à la retraite prochain de leur médecin généraliste. Plusieurs communes, comme celles de Gourin, Melrand ou encore la trinité-Porhoët ont accueilli un nouveau médecin généraliste, de nationalité roumaine, trouvé par annonce sur internet !
De plus, les spécificités du territoire morbihannais, insularité dans le golfe, population résidentielle et touristique, concentration des services et aménagements sur la bande côtière, aggravent les facteurs d’érosion médicale.
Alors, je vous le demande, Madame la Ministre, pourquoi ne pas aborder la question de la nomination pour un temps donné des professionnels de santé en fonction des besoins collectifs et non pas des intérêts privés ? Ou pour le moins une régulation de leur installation ?
De plus, suite à vos récentes annonces, pouvez-vous m’indiquer les mesures supplémentaires que vous comptez prendre afin de replacer l’égalité et la justice au cœur de notre système de santé par un meilleur accès aux soins en terme de prix et de localisation géographique ?

Réponse de la Ministre
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le Gouvernement est très sensible à un sujet qui intéresse nos concitoyens, tant en zone rurale qu’en zone urbaine.
Vous l’avez rappelé, en décembre dernier, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a annoncé plusieurs mesures, réunies dans le pacte « territoire-santé »
Ce pacte ne réussira qu’à travers l’engagement de tous, de manière résolue. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé est attachée à une mise en œuvre rapide et, le 13 décembre, elle a rencontré les directeurs généraux des agences régionales de santé, les ARS, pour les mobiliser. Elle réunira prochainement les vingt-six « référents-installation » de ces agences, lesquels auront pour mission d’accompagner les futurs jeunes médecins.
Le Gouvernement est convaincu de l’utilité de mesures incitatives pragmatiques pour changer la situation sur cette question des déserts médicaux.
La formation initiale doit permettre la découverte au plus tôt de la médecine générale, notamment en parvenant à ce que 100 % des étudiants aient suivi un stage en cabinet, afin d’attirer plus d’internes vers cette spécialité majeure pour notre système de santé.
Le moment de l’installation est stratégique. Il ne s’agit plus de multiplier les dispositifs d’aide, déjà très nombreux. Il est maintenant temps de les faire connaître et de sécuriser les jeunes médecins en les accompagnant dans leur installation.

Il faut aussi transformer en profondeur l’exercice des soins de proximité : constitution d’équipes pluriprofessionnelles, transferts de compétences, télémédecine. C’est par ces nouvelles organisations que nous parviendrons à attirer des jeunes.
Enfin, certains territoires isolés doivent faire l’objet d’un suivi particulier : les médecins salariés, les hôpitaux de proximité, les centres de santé doivent pouvoir leur venir en appui.
Ces mesures ne seront couronnées de succès que si les territoires s’en emparent. C’est pourquoi un travail de concertation régionale, menée par les directeurs généraux d’ARS, permettra d’assurer la réussite du pacte « territoire-santé ».

Contre Réponse

Je vous remercie Madame la Ministre pour vos précisions même si elles me semblent encore nettement insuffisantes.
L’installation de jeunes médecins dans les campagnes ne dépend pas uniquement d’une question d’argent puisque par définition, un médecin qui s’installe dans un désert est assuré de bien travailler.
L’idéal serait de construire un véritable service public de la médecine de proximité. Ce service reposerait sur des centres de santé, regroupant plusieurs disciplines et où travailleraient ensemble médecins généralistes, spécialistes, infirmières et paramédicaux qui appliqueraient des tarifs du secteur 1 et le tiers payant.
Depuis la loi HPST (Hôpital Patient Santé territoire), les hôpitaux publics peuvent aider à construire de tels centres notamment sur les territoires en déficit médical. Il faut en effet réduire la coupure existant entre la médecine de ville ou libéral et l’hôpital.
De plus, si les jeunes médecins ne s’installent pas dans ces zones. L’une des raisons est le manque criant de services publics qui dissuaderait la volonté des médecins de s’établir en zone blanche.
Face au vieillissement de la population, il devient urgent de réduire les inégalités criantes entre les territoires et d’apporter une réponse aux besoins des patients alors que les coûts directs de la santé pour les ménages ont augmenté de plus de 40% entre 2001 et 2010.
Cela suppose une politique très volontariste en faveur d’un égal accès à la santé pour nos concitoyens et sans doute, convient-il d’augmenter le numérus clausus.

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