L’intérêt principal de ce projet de loi réside dans l’entrée en vigueur de l’écotaxe

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, deux mois après avoir examiné ce texte en première lecture nous débattons aujourd’hui des conclusions de la commission mixte paritaire.

Pourtant, l’Assemblée nationale a voté ce texte voilà seulement deux jours, et la commission mixte paritaire s’est tenue hier. Nous plaidons, vous le savez, pour rompre avec cette accélération du calendrier législatif qui ne nous permet pas de travailler dans d’excellentes conditions !

Au demeurant, les dispositions du présent texte doivent s’apprécier au regard d’un contexte plus global. Je songe à ce titre à la remise imminente du rapport Bianco et aux évolutions européennes attendues. En effet, les questions de séparation entre les activités de gestionnaire d’infrastructure et d’opérateur, abordées à la marge par ce projet de loi, sont d’une actualité brûlante à travers la proposition de directive dite du « quatrième paquet ferroviaire », présentée en janvier dernier par la Commission. Cette dernière semble vouloir dresser des frontières tellement importantes qu’elles reviennent en réalité à imposer une séparation totale.

Si cette directive n’invalide pas le projet français, force est de constater qu’elle ne l’encourage pas non plus.

Monsieur le ministre, nous espérons que vous prendrez en considération la résolution adoptée par le Sénat le 2 avril dernier, indiquant que la Commission européenne a outrepassé ses pouvoirs en interdisant implicitement « la création de toute entreprise ferroviaire verticalement intégrée », ainsi que la proposition de résolution déposée à l’Assemblée nationale qui va dans le même sens.

La voix de la France doit porter pour permettre de garantir la possibilité de relations poreuses entre gestionnaire d’infrastructure et opérateurs, gage de réalisation mais surtout de réussite de l’unification du système ferroviaire et du futur pôle public.

En tout état de cause, l’intérêt de ce projet de loi réside essentiellement dans l’entrée en vigueur de la taxe poids lourds.

Depuis l’instauration du principe de ce prélèvement, il est prévu que les transporteurs puissent répercuter cette taxe sur les chargeurs. Toutefois, un certain nombre de nos collègues ont estimé que ce principe portait atteinte à la compétitivité des entreprises, notamment dans les zones enclavées.

Nous considérons qu’il s’agit d’un véritable enjeu. Plus largement, la question de l’essor de nos entreprises, et notamment de nos PME, appelle prioritairement une politique d’aménagement du territoire par un maillage des services publics, par la performance de tous les réseaux – y compris le très haut débit –, par la relance du fret ferroviaire, par le dynamisme de la Banque publique d’investissement et par bien d’autres pistes.

Les modalités de répercussion de la taxe poids lourds sont simplifiées par le présent projet de loi, qui se fonde sur une majoration du coût de transport différenciée au niveau régional. Nous sommes en accord avec ce mode de répercussion plus lisible, qui ne change rien ni au volume escompté de rendement ni aux principes devant guider la définition de cette taxe, à savoir son affectation au financement du rééquilibrage modal.

Nous approuvons que cette taxe entre enfin en vigueur après de nombreuses années d’attente, pour être opérationnelle à compter du 1er octobre prochain. Nous approuvons également les évolutions du projet, à savoir une évaluation des conséquences de la mise en œuvre de cette taxe et une définition du caractère évolutif du domaine routier concerné.

Pour autant, plusieurs questions demeurent, selon nous. Alors que la taxe poids lourds devrait rapporter 1,2 milliard d’euros, son rendement pour la société Ecomouv’, à laquelle la collecte de cette taxe a été confiée par l’ancien gouvernement par la voie d’un contrat de partenariat, se situe à quelque 230 millions d’euros par an sur plus de dix ans, soit plus de 2 milliards d’euros au total, pour un investissement de 600 millions d’euros. Nous préférerions parier sur la performance du service public, en l’occurrence du service des douanes !

Huit cents millions d’euros par an issus de la mise en œuvre effective de cette taxe seront versés à l’AFITF pour le financement des infrastructures. Mais reconnaissons d’ores et déjà que cela ne suffira pas à mettre en œuvre la totalité des projets définis par le Schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, et que cela ne dédouane donc aucunement le Gouvernement de réfléchir aux moyens de renationaliser les concessions autoroutières afin d’apporter de nouveaux financements à l’AFITF.

Il faut notamment repenser les dispositifs fiscaux existants, qui sont particulièrement favorables aux transporteurs. Ainsi, les exonérations de TIPP coûtent chaque année 330 millions d’euros au budget de l’État. Dans ce cadre, le nouvel article 11 bis, permettant l’évaluation des conséquences des autorisations de poids lourds de 44 tonnes, nous apparaît comme le début de la remise en cause de ces derniers. Vous savez que nous avons toujours soutenu qu’ils portaient atteinte au rail en organisant une concurrence déloyale, particulièrement envers les autoroutes ferroviaires.

Permettre le rééquilibrage modal doit également conduire à agir sur le niveau des conditions de travail du secteur routier, qui sont aujourd’hui déplorables. La France doit porter l’exigence d’une harmonisation sociale par le haut à l’échelle de l’Europe. Vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre, et nous serons à vos côtés !

Concernant le secteur fluvial, il faut cesser la saignée des emplois publics, alors que la dernière loi de finances a encore supprimé 128 postes dans ce domaine. Permettre l’essor de la voie d’eau, c’est respecter l’engagement pris d’un financement à hauteur de 840 millions d’euros. Pour cela, la réponse apportée par le Gouvernement ne peut résider uniquement dans la valorisation des terrains qui seraient donnés en pleine propriété à Voies navigables de France, ou VNF, mais doit se doubler d’un effort en termes de dotation budgétaire.

Permettre le rééquilibrage modal – et nous y sommes particulièrement attachés –, c’est encore déclarer d’intérêt général le fret ferroviaire et l’activité du wagon isolé.

Toutes ces questions devront être traitées dans la réforme du système ferroviaire, puisque, au-delà des questions de gouvernance, ce sont les missions mêmes du service public qu’il nous faudra redéfinir et renforcer.

Au regard de tous ces éléments, nous voterons en faveur du présent texte, tout en renouvelant notre appel, monsieur le ministre, à être associés à la construction de la future réforme.

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