La réponse du Gouvernement à la volonté légitime des partenaires sociaux de pouvoir intervenir dans les choix de l’entreprise n’est pas à la hauteur de leurs attentes

La réponse du Gouvernement à la volonté légitime des partenaires sociaux de pouvoir intervenir dans les choix de l'entreprise n'est pas à la hauteur de leurs attentes - Sécurisation de l'emploi : article cinq

L’article 5 de ce projet de loi vise à imposer l’obligation de représentation des salariés au sein des conseils d’administration des grandes entreprises implantées en France. Le Gouvernement et la commission présentent cette mesure comme étant de nature à accroître la participation des salariés à la gouvernance de ces sociétés, ce dont nous doutons.

Tout d’abord, la mesure n’est pas nouvelle. L’article L. 225-79 du code de commerce organise déjà, de manière facultative, la possibilité d’intégrer dans les organes de gouvernance des sociétés volontaires des représentants salariés élus, soit par le personnel de la société, soit par le personnel de la société et celui de ses filiales directes ou indirectes dont le siège social se trouve en France. Ces représentants du personnel siégeant au sein des conseils d’administration des sociétés sont par ailleurs des membres de plein droit pouvant, comme les autres, prendre part au vote de certaines décisions. En revanche, ils ne peuvent cumuler ce mandat avec une fonction syndicale, ce qui nous paraît particulièrement injuste.

Ensuite, la loi prévoit que, dans certaines situations, la représentation des salariés au sein des conseils d’administration de certaines sociétés est obligatoire. C’est notamment le cas des salariés actionnaires dès lors que ceux-ci détiennent plus de 3 % du capital social des entreprises publiques, ou anciennement publiques, ou des sociétés européennes.

Enfin, elle prévoit également la participation, avec voix consultative, c’est-à-dire sans possibilité de prendre part aux votes, des délégués désignés par le comité d’entreprise.

Certes, nous en convenons, l’article 5 constitue, comme je l’ai dit lors de la réunion de la commission des lois, une avancée. Des situations facultatives vont devenir obligatoires et les entreprises privées qui, jusqu’ici, ne jouaient pas réellement le jeu seront contraintes d’accueillir dans leurs instances de gouvernance des représentants des salariés pouvant prendre part aux votes.

Nous prenons également acte des modifications adoptées par l’Assemblée nationale, qui renforcent le mécanisme.

Je pense à la disposition prévoyant que les représentants des salariés pourront bénéficier à leur demande d’une formation économique, intégralement financée par l’employeur.

Je pense également à la disposition permettant à ces représentants de bénéficier de la protection contre le licenciement prévue à l’article L. 2411-1 du code du travail, disposition salutaire – vous m’avez bien entendue, monsieur le ministre ! – sachant quelles pressions sont exercées par le patronat sur les représentants des salariés, indépendamment de l’instance dans laquelle ils siègent.

Monsieur le ministre, ces mesures sont positives, tout comme la participation des salariés à parité entre femmes et hommes. Permettez-moi tout de même de pointer ici un paradoxe : on demande aux représentants des salariés d’être plus vertueux que les autres membres des instances de direction. En effet, la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle ne prévoit que l’obligation d’atteindre 20 % d’administratrices en 2014 et 40 % en 2017. En outre, elle s’applique à un périmètre restreint puisque cet objectif n’est imposé qu’aux sociétés cotées et aux entreprises privées qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d’au moins 500 salariés permanents et dont le chiffre d’affaires net ou le total du bilan est d’au moins 50 millions d’euros.

On le voit, la réponse du Gouvernement à la volonté légitime des partenaires sociaux de pouvoir intervenir dans les choix de l’entreprise n’est pas à la hauteur de leurs attentes et de la situation. La question est moins de savoir si les salariés doivent ou non être représentés dans les conseils d’administration des entreprises que de savoir pourquoi ils y siégeront demain et avec quels pouvoirs.

Si nous nous contentons d’organiser un droit de vote presque symbolique des représentants des salariés face aux requins de l’industrie et de la finance, qui ont tous des intérêts communs, contraires à ceux des salariés, nous aurons alors raté l’occasion de changer réellement les choses.

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