Le texte doit être discuté, notre République en a besoin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de vous faire part de notre étonnement à la lecture de la question préalable qui nous est soumise. Ainsi donc il n’y aurait pas lieu de discuter ce projet de loi organique…

M. Henri de Raincourt. Eh oui !

M. Christian Favier. Ceux-là mêmes qui n’étaient pas avares de marques d’indignation, voilà quelque temps, lorsqu’il s’agissait de fustiger le comportement de l’ancien ministre du budget, nous proposent aujourd’hui d’abandonner tout débat visant à assainir le fonctionnement de notre République.

Je ne sais pas s’il s’agit d’un embarras récent, du fait de l’étalage dans la presse des arrangements que Bernard Tapie a pu conclure avec l’ancienne majorité,…

M. Henri de Raincourt. C’est petit !

Mme Éliane Assassi. Il fallait le dire !

M. Christian Favier. … mais, dans tous les cas, on voit bien que, dans cette assemblée, le conservatisme a la vie dure.

La multiplication récente des affaires de collusion entre le pouvoir politique et le milieu des affaires nous montre bien qu’il n’en est rien : les conflits d’intérêts, symptomatiques d’une République malade de la personnalisation du pouvoir et du néolibéralisme économique (Exclamations sur les travées de l’UMP.), se font de plus en plus visibles.

Il est de notre responsabilité d’ouvrir un débat sur cette question afin de redresser l’image désastreuse que les Français ont aujourd’hui, malheureusement, de leurs élus. C’est par cette discussion que nous arriverons à nous assurer de la probité de tous les représentants du peuple. À ce sujet, je regrette que le Gouvernement ait encore une fois engagé la procédure accélérée sur un texte qui gagnerait au contraire à être discuté en profondeur.

Il apparaît clairement que le texte qui nous est proposé, s’il va dans le bon sens, n’est pas tout à fait à la hauteur des enjeux qui nous concernent. Il faudra en particulier veiller à ce que son adoption ne serve pas de prétexte au Gouvernement pour se défausser et faire l’économie d’une politique ambitieuse de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, lutte qui, à nos yeux, paraît tout aussi importante que celle qui doit être menée pour la transparence.

C’est bien pour cela, mes chers collègues, que je vous appelle à rejeter cette question préalable : il est indispensable que nous puissions nous saisir de l’occasion de cette discussion pour, ensemble, améliorer ce texte. Et les perspectives d’amélioration sont nombreuses, si nous ne voulons pas faire de cette Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une nouvelle et inutile commission pour la transparence financière de la vie politique.

Soyons ambitieux et renforçons la définition du conflit d’intérêts dans la loi pour lui donner une réelle force juridique.

Soyons audacieux et donnons à cette Haute Autorité un réel pouvoir d’enquête, afin qu’elle puisse mener à bien ses missions.

N’ayons pas peur d’assumer l’existence potentielle, sur certains sujets, de conflits d’intérêts, chez des ministres ou des parlementaires, et imposons une obligation de déport pour les membres du Gouvernement, pour les présidents de commission et pour les rapporteurs, dans les cas litigieux.

N’hésitons pas à ouvrir une vraie réflexion sur les incompatibilités entre mandat parlementaire et activités professionnelles, pour que plus jamais un élu ne se serve de son mandat pour s’enrichir.

De quoi avez-vous donc si peur pour refuser ainsi ce débat ? Pourquoi devenez-vous si fébriles lorsque l’on parle de probité, de prévention des conflits d’intérêts ou de respect de l’intérêt général ?

À la vue du malaise que ce texte peut causer chez certains, je suis d’autant plus assuré du caractère indispensable de sa discussion.

Je ne partage pas entièrement la vision de la transparence et des conflits d’intérêts inscrite dans ce texte, mais je suis intimement convaincu que notre République, à défaut d’une réflexion institutionnelle globale, a besoin d’une réforme en ce sens.

Nous voterons donc contre cette motion tendant à opposer la question préalable.

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