S’agissant de la traite des êtres humains, notre droit doit être exemplaire

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses viennent d’être dites, et avec beaucoup de talent. Les thèmes abordés par ce projet de loi, qu’il s’agisse de criminalité organisée, de lutte contre les violences faites aux femmes, contre les violences domestiques ou contre les abus sexuels, ont en commun leur dimension internationale. Je me félicite ainsi que des discussions aux niveaux européen et international aient pu aboutir aux dispositions que nous avons adoptées voilà quelques semaines.

Le renforcement d’Eurojust et de la coopération judiciaire entre les pays de l’Union européenne permettra, me semble-t-il, d’apporter une réponse plus forte et plus efficace à ces activités que je qualifierai – et c’est un euphémisme – de particulièrement graves.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions de ce projet de loi – nous avons eu le temps d’en discuter –, mais j’en évoquerai certaines qui me semblent particulièrement importantes.

L’article 1er a précisément pour objet de transposer une directive européenne de 2011 qui concerne la traite des êtres humains. Sur une infraction aussi grave, j’estime que notre arsenal législatif se doit d’être irréprochablement complet pour nous permettre de poursuivre et de condamner efficacement ces pratiques attentatoires aux droits les plus fondamentaux. Notre groupe avait d’ailleurs souligné la nécessité de dégager une définition qui assure la meilleure protection possible des victimes.

Dans ce texte, nous retrouvons certaines recommandations faites par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son rapport de 2009. Il est très positif que notre travail législatif puisse s’appuyer sur de telles expertises.

Ce rapport fait d’autres recommandations qui restent à étudier et à transformer, pour beaucoup d’entre elles, en dispositions législatives.

Le travail visant à éradiquer la traite des êtres humains n’est donc malheureusement pas terminé, mais le projet de loi apporte cependant des améliorations indiscutables par des références nouvelles au prélèvement d’organe, à l’esclavage et au travail forcé qui viennent compléter et préciser la définition actuelle.

Nous approuvons bien entendu cette extension qui couvre les faits commis à des fins d’exploitation, que celle-ci soit liée au proxénétisme, aux agressions et atteintes sexuelles, à l’exploitation de la mendicité, à des conditions de travail ou d’hébergement contraires à la dignité humaine, à la soumission à un travail forcé, à la servitude, à l’esclavagisme ou encore au prélèvement illicite d’organes.

L’introduction de ces nouveaux éléments, venant parachever la liste des objectifs poursuivis par le traitant, contribuera à rendre plus efficace la lutte contre ce fléau.

Le travail forcé est un problème global qui concerne presque tous les pays du monde. De nos jours, on estime à 12 millions au moins le nombre de personnes en situation de travail forcé, situées la plupart dans des pays souffrant d’un développement économique insuffisant.

Le Bureau international du travail évalue quant à lui à 350 000 le nombre d’hommes et de femmes en situation de travail forcé dans les pays industrialisés, victimes de traite à des fins d’exploitation économique ou sexuelle.

La transposition en droit français de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique se faisait aussi particulièrement attendre. Alors que l’on estime à plus de 60 000 le nombre de femmes victimes de mutilations génitales en France, il est effectivement nécessaire de réaffirmer l’engagement de la France dans la lutte contre cette barbarie.

Pour autant, n’oublions pas que cette convention couvre extensivement la nécessité de réelles politiques de prévention contre ce genre de mutilation. Il appartient au Gouvernement de les mettre en œuvre afin d’honorer la tradition française de défense des droits de l’homme.

La Belgique et les Pays-Bas nous ont montré l’exemple, si je puis dire, en mettant en place des politiques publiques ambitieuses alliant prévention, protection, poursuites et suivi des victimes. Nous pourrons très certainement travailler encore sur ce sujet lors du débat qui nous réunira en septembre sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pour conclure, j’aimerais saluer l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État, une infraction que la Cour européenne des droits de l’homme a qualifiée d’ingérence des autorités publiques dans le droit à la liberté d’expression. L’existence d’une telle infraction, à mille lieues d’une conception républicaine de la fonction présidentielle et expression paroxystique des héritages bonapartistes et absolutistes de la Ve République, mettait en danger la liberté de la presse et d’expression en France. Je salue donc à mon tour son abrogation comme une véritable victoire républicaine.

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