Nous sommes fort loin d’un référendum populaire

Nous sommes fort loin d'un référendum populaire - Article 11 de la Constitution : conclusions de la CMP

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons expliqué à l’occasion des deux premiers débats sur ce sujet, nous sommes opposés à la réforme de l’article 11 de la Constitution telle qu’elle est envisagée au travers des textes qui nous sont soumis, et ce y compris après les travaux de la commission mixte paritaire.

Outre la complexité de mise en œuvre de la procédure instituée, que M. le président de la commission des lois vient de rappeler, on ne peut manquer de constater que, dans les faits, le citoyen reste cantonné dans un rôle purement secondaire.

La réalité est donc bien différente de l’ambition affichée à l’époque où l’article 11 a été modifié !

Tout d’abord, il ne s’agit nullement d’une nouvelle forme de consultation populaire d’initiative populaire. C’est en fait une nouvelle forme d’initiative parlementaire soutenue par le droit de pétition – on a parlé d’« initiative partagée » –, dans la mesure où le recueil des soutiens ne pourra intervenir qu’après le dépôt de la proposition de loi par un cinquième des parlementaires.

Ainsi, notre représentation nationale donne l’impulsion et les citoyens n’interviennent que de manière secondaire, en soutien à cette initiative parlementaire. Ce n’est donc pas un nouveau pas vers la démocratie participative.

Je note, au passage, que ce constat met significativement en lumière le leurre employé par Nicolas Sarkozy lors de la révision du 23 juillet 2008 : cette réforme était présentée comme une démocratisation profonde de nos institutions, de nouvelles dispositions, dont celle qui nous occupe aujourd’hui, étant censées introduire une nouvelle forme d’initiative populaire. Nous en sommes loin !

Par ailleurs, la procédure définie s’apparente à une véritable course d’obstacles entravant, de fait, l’organisation de ce type de référendums.

Premier obstacle, le dispositif exige que la proposition de loi soit déposée devant le Conseil constitutionnel par un grand nombre de parlementaires, à savoir un cinquième de la représentation nationale. Un tel ratio n’est pas si facile à atteindre. Si tel était le cas, nous aurions déjà adopté le droit de vote pour les résidents extracommunautaires. Mais je ne m’attarderai pas sur la question des rapports de force parlementaires…

Deuxième obstacle, la proposition de loi référendaire doit être soutenue par un nombre élevé d’électeurs inscrits : près de 4,5 millions de personnes.

Tous les observateurs ont noté le caractère rédhibitoire de ces deux conditions réunies, surtout au regard du délai prévu pour recueillir les soutiens. Indépendamment même de ce délai, la difficulté est réelle.

Qui plus est, à ces conditions drastiques s’ajoute un contrôle du Conseil constitutionnel qui, d’emblée, limitera l’initiative parlementaire, si du moins une telle initiative voit le jour.

Notre discours, mes chers collègues, ne présente pas la moindre ambiguïté : nous avons dénoncé le caractère manipulateur, pour ne pas dire « truqueur », de ces dispositions, et j’ai du mal à comprendre comment, aujourd’hui, l’ensemble des groupes de gauche peut faire sienne une réforme dont les limites démocratiques sont relativement évidentes.

Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC sont partisans d’une profonde réforme des institutions, faisant la part belle à l’initiative citoyenne. Nous continuerons de réclamer l’ouverture d’un véritable débat sur l’avenir de nos institutions, sur la nécessité d’une profonde rénovation de ces dernières et sur la place en leur sein d’une initiative populaire et citoyenne, reconnue comme telle.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les deux textes de loi qui nous sont proposés.

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