Une solution ambiguë

Une solution ambiguë - Financement du service public de l'assainissement

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission par intérim (Sourires.), monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi est censée, selon ses auteurs, améliorer le service public de l’eau et de l’assainissement.

Aujourd’hui, les collectivités assument une part prépondérante de l’effort consenti en matière de construction et de remplacement des réseaux d’assainissement, un effort qui reste colossal puisqu’il représentait 2,5 milliards d’euros en 2008.

Au regard de la faiblesse actuelle de la capacité d’investissement des collectivités, notamment du fait de l’assèchement progressif des dotations de fonctionnement, cet effort peut apparaître particulièrement dissuasif, entravant concrètement la réalisation d’investissements pourtant nécessaires.

Prenant acte de cette situation de fait, et considérant que cette compétence est souvent déléguée à l’intercommunalité, les auteurs de la présente proposition de loi tentent d’apporter une solution de financement nouvelle en autorisant les communes à participer à ces travaux par le versement de fonds de concours.

Il faut savoir que cette possibilité existe déjà, mais qu’elle se trouve particulièrement encadrée.

D’une manière générale, les communes peuvent verser des fonds de concours à un établissement public de coopération intercommunale pour financer la réalisation ou le fonctionnement de tel ou tel équipement.

Le principe de participation existe donc. Cependant, il se heurte au fait que l’assainissement est un service public industriel et commercial et qu’il doit, à ce titre, être principalement financé par les redevances des usagers.

Ce principe d’autonomie du budget des services publics industriels et commerciaux comporte, là encore, des exceptions, notamment pour les communes de moins de 3 000 habitants – donc pour la plupart des communes rurales.

D’autres exceptions sont prévues, dans les cas d’une contrainte particulière de fonctionnement du service ou d’un investissement impliquant une augmentation excessive des tarifs.

Nous considérons pour notre part que ces exceptions sont à ce jour largement suffisantes et qu’il ne convient pas de poser le principe général d’une participation des communes au financement de l’assainissement lorsque cette compétence a été déléguée.

En effet, pour répondre à une problématique spécifique par une mesure qui peut sembler de bon sens, on apporte une solution qui reste ambiguë.

Elle relance, au fond, un débat auquel les précédents orateurs ont déjà apporté leur contribution, celui du financement de l’assainissement et, au-delà, de la conception de la construction de l’intercommunalité.

Concernant le financement, ce régime a fortement évolué puisque l’ancienne participation pour raccordement à l’égout, qui était jusqu’alors exigible à l’occasion de la délivrance des autorisations de construire, a été progressivement remplacée par une participation rattachée à l’acte de raccordement, désignée sous l’appellation de « participation pour le financement de l’assainissement collectif ».

Plus globalement, aujourd’hui, le financement de l’assainissement est essentiellement assuré par la perception d’une redevance qui couvre à la fois les investissements et le fonctionnement du service. C’est le principe même du financement des services publics industriels et commerciaux. La redevance est donc perçue par l’intermédiaire de la facture d’eau.

Au regard de ces principes, la présente proposition de loi ne semble pas justifiée. En effet, il n’y a aucune raison de faire supporter aux contribuables, via la participation des communes à un fonds de concours, le financement de l’infrastructure qu’ils payent d’ores et déjà au travers de leurs factures d’eau. On l’a dit, ce serait la double facturation, comme usager et comme contribuable !

Quand on connaît la situation des ménages et la perte de pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens, une telle mesure ne peut avoir notre assentiment.

De même, nous ne pouvons pas faire supporter le poids du financement de l’assainissement collectif à l’ensemble des contribuables d’une commune, alors même que certains n’ont pas accès aux infrastructures d’assainissement collectif.

Enfin, il n’y a pas de raison, alors même que l’infrastructure est gérée au niveau intercommunal, de faire financer l’investissement par un seul membre de l’intercommunalité, indépendamment des principes de solidarité qui doivent prévaloir dans ce domaine.

Nous l’avons toujours dit : la construction d’intercommunalités doit correspondre à une mutualisation des moyens. Certes, toutes les communes, lorsqu’elles adhérent à une intercommunalité, ne se trouvent pas dans la même situation par rapport à l’assainissement, mais cette question se pose dans un équilibre global de transfert de compétences, quel que soit le domaine.

De plus, comment penser que les communes, déjà durement impactées par des politiques de diminution des dotations, pourraient intervenir par voie de fonds de concours ?

Par ailleurs, un tel mode de financement nous interroge. Alors que les communes ayant délégué la compétence « assainissement » ne sont plus à même de prendre les décisions s’y rapportant, elles seraient néanmoins amenées à financer cette compétence ? Elles paieraient donc sans décider, ce qui, en matière de démocratie locale, ne nous semble pas très judicieux…

Nous considérons, à l’inverse, qu’à partir du moment où une commune finance spécifiquement une compétence appartenant à un EPCI, il faudrait qu’elle soit pour le moins associée aux prises de décision concernant cette compétence…

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, toutes ces raisons nous conduisent à ne pas soutenir la présente proposition de loi.

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