Création de l’agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (2)

Création de l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (2) (Josh Hild - https://www.pexels.com/fr-fr/@josh-hild-1270765)

par Yves Coquelle

Nous ne pouvons aborder ce débat sans une réelle émotion : le métier de mineur est l’un des plus durs qui soient ; cette profession a tant donné à la France, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et tant contribué à son redressement économique et industriel.

 Ces mineurs, durs à la tâche, ont su, par leurs luttes sociales, faire reconnaître leurs droits et obtenir d’importants acquis sociaux. Quoi de plus normal : leur métier était l’un des plus pénibles ; s’ajoutait cette terrible maladie qu’est la silicose. Rares étaient les mineurs qui passaient la cinquantaine.

 À la libération fut scellé, avec l’adoption du statut du mineur et la protection sociale minière, un contrat social, élaboré dans la Résistance, en faveur de cette corporation qui a perdu beaucoup des siens dans les combats ; les mineurs ont su rendre au pays cette reconnaissance, car les acquis sociaux n’ont en rien entamé la compétitivité de l’industrie minière, mais ont au contraire stimulé chaque mineur dans l’accomplissement de sa tâche. Il faut rappeler cette éthique sociale face aux dogmes du libéralisme.

 La situation des régions minières est des plus difficiles, aujourd’hui : la disparition de l’industrie charbonnière n’a jamais été compensée ; les taux de chômage sont deux fois supérieurs à la moyenne nationale ; les veuves de mineurs se débattent avec des retraites de misère ; les communes minières, enfin, sont parmi les plus pauvres de France avec un potentiel fiscal parfois inférieur de cinq à dix fois à la moyenne nationale. Les élus locaux se battent pour créer 100 emplois, mais 1 000 disparaissent dans le même temps. Je ne réécris pas une page de Zola, mais dévoile la triste réalité d’une région meurtrie…

 C’est dans ce contexte que nous abordons cette proposition de loi, qui concernera plus de 500 communes et quatre millions de Français. Alors que les jours de l’A.N.G.R. et de Charbonnages de France sont comptés, la création d’un établissement public à caractère administratif garantissant les droits des mineurs, est positive. Mais les organisations syndicales devraient être associées à son conseil d’administration, ainsi que les élus des communes minières.

 Nous craignons que le compte n’y soit pas au chapitre de la garantie des droits : les veuves auront-elles droit à la gratuité du logement jusqu’à la fin de leur vie ? La sécurité sociale minière, garantissant la gratuité des soins de qualité, sera-t-elle remise en cause, alors que les ayants droit sont âgés et que leur état de santé est souvent précaire ? Les indemnités de chauffage seront-elles maintenues ? Les retraites des veuves de mineurs seront-elles revalorisées ? Les installations sanitaires de la sécurité sociale minière seront-elles maintenues et ouvertes aux populations dans le cadre d’un service public de santé de qualité ? La rénovation des cités minières, enfin, sera-t-elle menée à terme ?

 Sur 75 000 logements concernés dans le Pas-de-Calais, 15 000 doivent être équipés de toilettes, de salle d’eau et de chauffage central ; les dotations du groupe interministériel pour la restructuration des zones minières (Girzom) devront aller bien au-delà du contrat de plan.

 Les dotations de l’État seront-elles mieux réparties, au profit des communes minières, qui ont les charges sociales parmi les plus élevées de France, en raison du chômage ? Question de taille !

 Les installations des houillères : carreaux de fosse, voies de chemin de fer et terrils sont actuellement transférés aux communes dans des mauvaises conditions. Le sous-sol est miné par les affaissements miniers, les remontées d’eau menacent les nappes phréatiques, et risquent de multiplier les zones innondables ; les collectivités locales ne pourront se substituer à Charbonnages de France pour prendre en charge le fonctionnement des stations de pompage.

 Ces questions ne sont pas directement liées à la proposition de loi, mais, sans jeu de mots facile, ce ne sont pas des questions mineures !

 Nous nous réjouissons que s’engage, le plus tôt possible, une réflexion sur l’après-mines, et sur la structure qui représentera l’État, en lieu et place de Charbonnages de France, tout en veillant aux intérêts des populations et communes minières.

 Nous déposerons plusieurs amendements ; des réponses à l’ensemble de ces questions dépendra notre vote sur ce texte.

J’ai dit que notre vote dépendrait du sort réservé à nos amendements. Or, ce débat a servi à border le texte, sans qu’aucun de nos amendements relatifs au statut des ayants droit - en particulier, la gratuité du logement et des soins jusqu’à la fin de la vie, le droit à un environnement agréable - n’ait été retenu.

 Tout ce qui vient de la gauche est rejeté, dans cette Assemblée ! Pas un seul des amendements, que j’ai présenté depuis deux ans et demi, n’a été accepté : ce n’est pas un signe de démocratie ! Or, la gauche et le Parti communiste ont de bonnes idées à faire valoir.

 Comme l’a dit mon collègue socialiste, nous serons vigilants. Les mineurs nous ont laissé un capital important de luttes et de conquêtes sociales. Nous ne laisserons pas le remettre en cause !

 Les communes minières sont rassemblées. Beaucoup d’argent sera nécessaire, après les élections, pour garantir tout ce que le débat a éludé. Nous verrons l’État à l’œuvre, sachant que les communes minières auront besoin de son soutien.

 Nous ne voulons pas ralentir la mise en place de l’agence. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

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