Il ne manque plus désormais que les crédits

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine arrive à la fin de son parcours législatif, nous retenons de nos débats plusieurs faits.

D’abord, nous avons apprécié votre disponibilité, monsieur le ministre, ainsi que votre sens du dialogue ; ces qualités nous ont permis d’aboutir collectivement à un projet de loi de programmation que je crois meilleur dans sa rédaction actuelle que dans sa version initiale. Je salue également le travail de notre rapporteur, Claude Dilain, qui nous a réservé une écoute bienveillante.

Ensuite, nous prenons acte avec satisfaction de la rupture de méthode et de langage : enfin, les banlieues ne sont plus regardées comme un problème à « nettoyer », mais comme une promesse et comme un défi à relever !

La politique de ville est un sujet sensible, par nature transversal et complexe à appréhender, alors même que la crise sociale et économique que nous traversons semble mettre en péril le ciment de la cohésion nationale, favorisant les replis identitaires et le rejet de l’autre.

C’est dans ce contexte que le projet de loi de programmation prévoit des actes forts.

D’abord, il opère une refonte de la géographie prioritaire par la définition d’un critère unique, que nous approuvons, fondé sur l’indice de pauvreté des ménages. De fait, il était nécessaire, monsieur le ministre, de rendre plus clairs et plus lisibles les modes d’intervention des pouvoirs publics.

Ensuite, le projet de loi de programmation prévoit la mobilisation prioritaire des moyens de droit commun. Cette articulation se justifie par la nature transversale de la politique de la ville, qui, à elle seule, ne peut pas répondre de manière satisfaisante à l’ensemble des problèmes qui entravent le développement des quartiers.

Le projet de loi de programmation entérine également le lancement, très attendu, d’un PNRU 2 ; nous nous en réjouissons, même si nous aurions voulu que des moyens plus importants lui soient consacrés.

Enfin, nous considérons comme un progrès significatif l’association des habitants à la définition de la politique de la ville, dans le cadre de conseils citoyens et de maisons du projet. Il s’agit d’une nécessité démocratique, car trop d’ensembles ont été détruits contre l’avis des habitants, donnant lieu à des drames humains. Pour cette raison, nous avons fait adopter à l’article 1er un amendement tendant à affirmer la nature intrinsèquement humaine de cette politique.

Nous soutenons ces démarches participatives, qui renforceront le lien entre les élus et les citoyens : elles sont le meilleur gage que les politiques menées prendront en compte au plus juste les besoins des habitants

Nous avons imprimé notre marque au projet de loi de programmation en faisant adopter plusieurs amendements. En particulier, nous avons permis la reconnaissance de la place déterminante et structurelle du maire dans la mise en œuvre des contrats de ville, sans qu’il s’agisse de nier la nécessité, évidente pour tous, d’aborder à l’échelle intercommunale les questions de logement ou de mobilité. Cette avancée a été maintenue par la commission mixte paritaire, ce qui est une bonne nouvelle pour les élus locaux et pour la démocratie de proximité ; elle est, par ailleurs, un gage d’efficacité, puisque le maire et les élus locaux seront à l’évidence les meilleurs relais du conseil citoyen.

Ce projet de loi, nous l’avons dit, porte une idée fort intéressante de coconstruction par les élus d’un même territoire, et de coformation – je sais, monsieur le rapporteur, que vous êtes attentif à cet aspect –, permettant de ne pas réduire la politique de la ville à une simple question de transfert de compétence, comme c’est trop souvent le cas des projets de loi qui nous sont soumis.

Le dispositif institué permet, dans un équilibre juste entre les communes et les intercommunalités, un partage des compétences propre à conjuguer les différentes expertises, au bénéfice des habitants. Tout cela est positif.

Cependant, monsieur le ministre, nous vous avons fait partager nos inquiétudes concernant la sortie de la géographie prioritaire d’un certain nombre de quartiers.

En effet, si nous soutenons le critère unique, nous estimons que son application conduira à sortir du dispositif la moitié des quartiers relevant aujourd’hui d’un contrat urbain de cohésion sociale. Mais les débats nous ont permis d’avancer sur cette question. L’adoption de notre amendement prévoyant le maintien, à la demande des villes concernées, de contrats de ville sur ces territoires permettra d’évaluer très précisément les conséquences d’une telle sortie de la géographie prioritaire.

Si des élus locaux nous alertent sur la fragilisation de leur territoire, nous devrons alors reconsidérer le périmètre, lequel doit, selon nous, être évolutif. Nous comptons, monsieur le ministre, sur votre attention. Nous exercerons toute la vigilance nécessaire concernant des territoires qui se verraient fragilisés.

Pour autant, ce projet de loi, comme l’ensemble des textes présentés par ce gouvernement, crée un hiatus entre le niveau d’ambition et les moyens mis en œuvre pour y accéder. Disons-le clairement, diminuer les dotations aux collectivités de 4,5 milliards d’euros en trois ans pénalise et pénalisera directement la politique de la ville. En effet, alors que les contrats de ville devront être financés pour partie par les collectivités, nous craignons que ces dernières aient de plus en plus de mal à assumer cet investissement.

Vous le savez bien, les collectivités, au regard de l’état financier dans lequel elles se trouvent, ne pourront pas suivre. En diminuant la présence humaine et financière de l’État au sein des territoires, les inégalités territoriales risquent de se renforcer, ce que nous redoutons. Nous estimons qu’il est urgent d’investir pour mailler le territoire de services publics innovants et performants. Il faut donc, dans ces territoires, toujours plus de structures d’accompagnement social, de crèches, d’écoles, de médecins, de policiers. C’est à ce prix que le défi de l’égalité pourra être relevé.

Pourtant, la politique d’austérité menée actuellement par le Gouvernement est clairement incompatible avec ces exigences. Pour que l’ANRU puisse mener à bien ces missions, il faudrait ainsi remettre en cause son financement, qui repose aujourd’hui quasi exclusivement sur Action Logement.

Il faut prioritairement agir pour l’emploi. C’est donc une bonne chose, selon nous, que le rapport sur l’efficacité des dispositifs créés pour l’emploi ait été réintroduit en commission mixte paritaire. En effet, ce qui mine les quartiers populaires, c’est bien le chômage, c’est bien la baisse du pouvoir d’achat.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ces débats lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, qui devrait voir l’instauration d’une dotation « politique de la ville », en lieu et place de la dotation de développement urbain. Nous espérons que cette nouvelle dotation sera abondée à hauteur des besoins.

Au fond, par ce projet de loi, vous l’avez dit, monsieur le ministre, nous créons un cadre et des outils intéressants. Pour toutes ces raisons, nous apporterons nos voix à ce texte. Il ne manque plus désormais que les crédits, pour relever le défi de l’égalité et répondre à votre ambition, qui est aussi la nôtre.

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