Quel rôle pour nos régions ?

Quel rôle pour nos régions ? - Réforme territoriale

Le débat sur la place des régions s’est amplifié au cours de ces derniers mois. Collectivités jeunes, elles font beaucoup parler. Pour les uns, elles sont la voie vers un fédéralisme inéluctable de plus en plus fort ; pour les autres, elles sont source de craintes plus ou moins justifiées, du retour des baronnies, de la fin de l’égalité territoriale creuset de notre République.

Les débats d’aujourd’hui nous invitent à repenser, à penser le rôle de cette collectivité territoriale pour consolider ce maillon devenu indispensable dans l’organisation de notre pays. Les régions font peur, mal connues, ressenties comme éloignées des concitoyennes et des concitoyens. C’est bien souvent sur ce constat que s’appuient les réflexions des tenants du fédéralisme sans jamais s’interroger sur les moyens pour renforcer le contrôle démocratique et l’exercice du mandat régional.

Rappelons que les assemblées régionales sont élues selon un scrutin qui assure la représentation proportionnelle des forces politiques, la parité et l’ancrage territorial (sections départementales). Le nombre d’élus souvent jugé comme pléthorique est bien souvent très insuffisant en proportion du nombre d’habitants et aux multiples organismes nécessitant la présence d’élus régionaux et le déploiement, l’élaboration des politiques régionales. Comment ancrer le travail des élus régionaux au plus près des citoyennes et des citoyens ? Voilà la bonne question, alors certains préfèrent poser celle de la compétitivité. Si l’échelon régional peut à la fois être un véritable outil au service de la démocratie par la planification notamment en matière d’aménagement territorial et économique, il peut aussi être, malheureusement, un outil au service de la domination territoriale.

Ces dernières semaines le discours dominant affirme la nécessité de fusionner les régions, de les rendre plus compétitives, de les rendre plus performantes, de les placer comme chef de file sur de nombreuses compétences… Mais personne ne parle du fait qu’aujourd’hui c’est la seule collectivité qui a vu se réduire comme peau de chagrin son autonomie fiscale et donc sa liberté politique confiée par le scrutin. Personne ne rappelle qu’elle joue un rôle considérable au quotidien dans l’aménagement du territoire et la préservation des milieux, dans la construction et la rénovation des lycées, dans l’organisation des TER, dans la formation des demandeurs d’emploi, dans les politiques culturelles. On n’évoque pas ou très peu non plus qu’elles sont de véritables lieux d’innovation sociale à amplifier.

Les propositions présidentielles et gouvernementales visent à concentrer les pouvoirs, à faire des supers régions compétitives à l’échelle européenne faisant fi des besoins pour les femmes et les hommes qui y vivent, fait également fi de la question de leur autonomie financière qui fut pourtant au cœur des débats sur les lois de décentralisation en 1982. Ainsi, comme dans les années 1970, il ne s’agit pas d’agiter le fait régional pour faire de la vraie décentralisation. Il existe une véritable conception centraliste de la région qui revient à grand galop aujourd’hui. Personne ne nie qu’il y ait besoin de pilote sur les grands projets et les compétences. Mais pour cela faisons confiance et surtout donnons les moyens aux élus locaux pour travailler ensemble, en fonction des collectivités dont ils sont issus, plutôt que d’imposer des chefs de file qui concentrent plus qu’ils ne décentralisent le pouvoir.

L’Etat ne doit pas s’effacer, il doit donner réellement les moyens financiers pour garantir l’égalité républicaine et ne pas voir se creuser les inégalités entre des régions riches et des régions pauvres. Il y a urgence à débattre du devenir des assemblées régionales pour les remettre au cœur d’un dispositif démocratique ambitieux. Les régions peuvent être au cœur d’un aménagement équilibré des territoires.

Leur rôle ne doit pas être de remplacer l’État, qui doit assurer une véritable péréquation nationale, et le développement des services publics sur l’ensemble du territoire. Enfin, il est important de rappeler que les régions ne sont pas un coût qu’il faudrait réduire, sauf à réduire drastiquement les services qu’elles offrent aux populations. En parlant de modernisation de l’action publique et non plus de décentralisation le gouvernement ne s’y trompe pas. C’est lui qui aujourd’hui veut technocratiser un peu plus cet échelon, l’éloigner du contrôle citoyen en renforçant les compétences, sans donner les moyens nécessaires à leur mise en œuvre juste et équitable.

En 1982, les élus communistes et républicains proposaient que la direction générale des collectivités locales soit séparée du ministère de l’Intérieur pour parler réellement de décentralisation. C’est-à-dire créer les moyens institutionnels et financiers pour que les élus mettent en œuvre les politiques pour lesquelles ils sont choisis. Alors oui, réformons les régions. Ouvrons le débat démocratique pour leur permettre d’être un niveau essentiel dans l’organisation du territoire. Elles sont un échelon pertinent pour travailler aux orientations stratégiques en lien avec les populations.

Retour en haut