Il aurait été plus efficace et, surtout, plus sûr de préparer une loi de transposition unique pour ces deux directives

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, avant d’aborder le contenu de ce projet de loi auquel je suis favorable, comme j’ai pu le souligner lors de mes interventions, je voudrais vous faire part de quelques réserves concernant la forme et, plus précisément, l’organisation du débat.

Première réserve, personne ne l’ignore ici, les parlementaires ont un rôle important à jouer au stade de la transposition des textes européens, notamment celui de veiller à ce que les transpositions soient fidèles et exhaustives. Et même si les objectifs de la directive doivent être respectés, nous disposons de marges de manœuvre concernant, par exemple, le choix des moyens pour parvenir à ces objectifs, ce qui nous permet, heureusement, de faire des choix politiques.

Tout cela pour dire que, même si nous devons nous efforcer de respecter les délais de transposition, cet effort ne peut pas systématiquement justifier le recours à une lecture accélérée, laquelle ne permet pas, in fine, au législateur d’exercer convenablement son rôle sur ces sujets parfois techniques.

Seconde réserve, ce projet de loi vise à mettre notre législation en conformité avec la directive du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 qui doit être transposée au plus tard le 2 juin 2014. Il anticipe aussi la transcription d’une partie de la directive du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat des personnes suspectées dans la perspective de sa nécessaire transposition avant 2016.

Il est dommage que cette transcription partielle, qui intervient bien avant le terme du délai de transposition, tombe sous le coup d’une lecture accélérée – même si je comprends, madame la garde des sceaux, l’intérêt de lier la réflexion sur ces deux directives – et il est surtout dommage que l’on ait choisi de procéder par étapes en divisant le texte.

Tout comme notre rapporteur, je pense que le présent projet de loi pouvait être plus ambitieux et qu’il aurait été plus logique, plus efficace et, surtout, plus sûr de préparer une loi de transposition unique pour ces deux directives. Encore aurait-il fallu changer la méthode et chercher à anticiper…

En effet, tout comme la procédure d’urgence, les réformes au coup par coup empêchent toute remise à plat ambitieuse et cohérente de notre procédure pénale. Pourtant, cette dernière, parce qu’elle touche à la liberté des personnes mises en cause, doit être sûre et s’inscrire dans le temps, sous peine d’être sans cesse remise en question et donc, de fait, de fragiliser les enquêtes en cours.

Madame la ministre, vous avez justifié ce choix par le souhait d’attendre la remise du rapport, prévue en juin, de la mission chargée de mener une réflexion globale sur l’enquête pénale. Malgré les réserves que je viens d’émettre, on ne peut reprocher cette recherche d’expertise qui marque une volonté de bien faire de votre part et que nous saluons.

Nous espérons donc que le Parlement pourra se saisir de ces travaux, qui s’ajouteront à d’autres rapports déjà sur les bureaux depuis quelques années, pour proposer un texte d’ampleur, cohérent et ambitieux qui nous évitera par la suite de devoir revenir par à-coups sur notre code de procédure pénale.

Sur le fond, ma position n’a pas évolué depuis le débat que nous avons eu il a quelques semaines. Nous soutenons donc l’ensemble des avancées que contient ce texte.

Tout d’abord, quel que soit le cadre juridique de l’audition libre, la personne mise en cause bénéficiera désormais d’un certain nombre de droits.

Jusqu’à présent, au regard de la loi de 2011, la personne entendue sous le régime de l’audition libre ne bénéficiait d’aucun droit particulier, hormis celui d’être informée « de la nature et de la date de l’infraction qu’on la soupçonne d’avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ».

Or ce type d’audition au cours de laquelle une personne est amenée à s’exprimer sur des faits pouvant donner lieu à des poursuites – cela signifie qu’elle est susceptible de s’auto-incriminer – doit être strictement encadré. Tel était d’ailleurs le sens des amendements que nous avions déposés en 2011.

C’est pourquoi nous ne pouvons que soutenir les avancées du texte en la matière, d’autant que plusieurs de nos amendements ont été adoptés en première lecture.

Le projet de loi marque par ailleurs une avancée significative dans le sens du renforcement du caractère contradictoire de notre procédure pénale lors de la phase d’instruction, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Chaque partie, assistée d’un avocat ou non, devrait avoir accès aux pièces du dossier, en obtenir copie, pouvoir présenter des observations sur chaque pièce et chaque acte réalisés au cours de la procédure, pouvoir solliciter des investigations, avoir connaissance des observations et des demandes des autres parties et être en mesure d’y répondre. Il s’agit là d’une composante essentielle des droits de la défense et du procès équitable.

Pour finir, je souligne le maintien de la suppression de l’article 10 par l’Assemblée nationale. Cet article prévoyait une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur le droit d’asile et constituait un véritable cavalier, susceptible d’avoir pour effet de restreindre sérieusement les droits des demandeurs d’asile. Notre vote sur l’ensemble du texte était subordonné à sa suppression.

En attendant de disposer d’une réforme d’ampleur qui pourrait, qui sait, permettre aux avocats d’accéder à l’intégralité du dossier lors de la phase de l’enquête, et notamment lors de la garde à vue, je souhaite souligner l’excellent travail mené par notre commission sur ce texte, malgré la multiplicité et la complexité des textes en cours d’étude au même moment.

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