Pour les collectivités, il s’agit de maîtriser le développement de leur territoire et l’évolution de leur patrimoine

Pour les collectivités, il s'agit de maîtriser le développement de leur territoire et l'évolution de leur patrimoine - Prescription acquisitive du domaine privé des collectivités

Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe UDI-UC.

Si le sujet peut sembler secondaire au regard des enjeux fondamentaux auxquels sont confrontés les collectivités, il mérite en réalité tout notre intérêt.

En effet, derrière l’aspect extrêmement juridique de cette proposition de loi liée au régime de domanialité des collectivités, se pose une véritable question, celle de la capacité des collectivités à maîtriser le développement de leur territoire et l’évolution de leur patrimoine.

Cette proposition de loi soulève la question du domaine privé des collectivités territoriales, domaine privé qui peut, et c’est le cas des chemins ruraux selon l’article L.161-1 du code rural, être affecté à un usage public.

Parce qu’ils sont justement à l’usage du public et qu’ils remplissent une mission d’intérêt général, un certain nombre d’associations font pression sur les communes pour assurer l’entretien de ces chemins. Or, appartenant à leur domaine privé, celles-ci n’ont aucune obligation de les entretenir.

Dans ces conditions, nous devons être vigilants. Changer le régime de domanialité nous conduirait à créer une obligation d’entretien de ce patrimoine, engrenage dangereux, d’autant que les collectivités sont financièrement exsangues.

Nous sommes à ce titre satisfaits que la commission n’ait pas fait le choix de revenir sur ce régime privé de domanialité, nous nous y serions clairement opposés.

Reste la question de la prescription s’appliquant à ces biens, ce qui est finalement l’objet de notre débat. Or, ce régime est aujourd’hui clairement lié à la nature du domaine concerné. Si ce domaine est public, alors les biens seront imprescriptibles. Confier les attributs du domaine public au domaine privé, et donc changer les règles de jurisprudence administrative, pose des questions juridiques lourdes et risque de créer de la confusion, voir du contentieux. C’est cela qui justifie la prudence affichée par la commission des lois, et que nous partageons.

Nous reconnaissons, en effet, que le régime actuel qui permet que le non-entretien de ces chemins ruraux justifie qu’ils deviennent la propriété exclusive de particuliers est contestable. Cela conduit, en effet, à priver les communes de capacité d’intervention sur leur patrimoine, au bénéfice d’intérêts privés, si légitimes soient-ils.

Cela les condamne pour l’avenir à tout développement du tourisme ou une meilleure préservation du patrimoine naturel, voire au développement de liaisons douces. Une telle situation ne peut pas nous satisfaire pleinement.

Une politique publique ne se mène pas par défaut mais par volontarisme. Aujourd’hui pour protéger ces chemins, les collectivités peuvent les inscrire dans leur document d’urbanisme. Or, la perte d’ingénierie publique ainsi que le passage au niveau intercommunal d’un certain nombre de PLU n’est pas sans susciter des inquiétudes sur l’avenir et la capacité de nos communes, à protéger leur patrimoine. La baisse des dotations risque également de peser sur leur budget et donc de les obliger à réduire leurs projets d’investissements, notamment concernant ce type d’espaces.

Rappelons également par ailleurs que la prescription acquisitive a été instaurée en droit, pour pénaliser le propriétaire d’un bien, laissant une tierce personne exercer une possession sur celui-ci, mais qui n’intervient pas pour l’en empêcher. Compte-tenu des charges afférentes aux Collectivités, ce cadre juridique nous semble tout à fait inacceptable et injuste.

En effet, leurs ressources financière et par la même leurs capacités d’investissements diminuent loi de finances après loi de finances. Elles ont donc de moins en moins les moyens d’entretenir tous les chemins ruraux, comme de bien d’autres éléments du domaine privé : grange, moulins, fours à pain, ou tout autre élément patrimonial à rénover.

L’acquisition prescriptive constitue alors, un vrai danger, une bombe à retardement. Par conséquent, il est urgent de légiférer pour éviter qu’elle n’explose ! L’intérêt de cette proposition de loi est donc de laisser à la seule collectivité le choix de la destination d’un chemin rural affecté à l’usage du public, soit le déclasser et le vendre selon une procédure particulière, soit l’échanger contre un autre terrain, soit le conserver dans son patrimoine privé sans qu’aucune obligation ne pèse sur elle.

Nous regrettons donc de ne pas avoir eu le temps nécessaire pour porter plus en amont ce débat intéressant.

Pour finir, je rappellerai tout de même que s’il est important que les propositions de lois soient juridiquement solides, le renvoi en commission nous a de prime abord, interpellé. En effet, nous considérons que le renvoi en commission de proposition de loi dans le cadre des niches doit rester l’exception. A défaut, l’initiative parlementaire risquerait d’être régulièrement bafouée.

Cependant, et en prenant en compte le fait que les auteurs ont donné leur accord sur ce renvoi, nous voterons la motion qui nous sera proposé sur ce texte. Nous la voterons d’autant plus aisément, que nous considérons unanimement que ce sujet mérite d’être approfondi et développé afin de donner naissance à un texte de loi plus pertinent avec les attentes de nos collectivités.

A ce titre, mes chers collègues, il pourrait aussi, constituer une piste de travail pour la délégation aux collectivités locales.

Je vous remercie pour votre attention.

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