Pour une nouvelle décentralisation culturelle

Madame la Ministre,

Nos politiques culturelles se sont construites dans la diversité. Son essor, dans les années cinquante et soixante, fut le fruit de l’engagement d’artistes innovants, de mouvements progressistes, de la présence de hauts fonctionnaires qui firent du développement culturel une priorité.

Mais les pratiques culturelles ont évolué, notamment celles des jeunes qui se développent désormais hors des schémas pensés naguère malgré les effets positifs de la décentralisation culturelle (décloisonnement des pratiques, ouverture des MJC ou des réseaux des scènes nationales…)
Toutefois, ces avancées se heurtent dorénavant aux diminutions budgétaires provoquant un mécanisme inverse à la décentralisation, une certaine recentralisation culturelle.

Aujourd’hui, sur 10 milliards de dépenses publiques pour la culture, plus de 7 sont assumés par les collectivités locales et territoriales, dont 4 par les communes. L’enjeu des politiques culturelles municipales est essentiel. Pourtant, l’Acte 3 de la décentralisation n’avait confié aucune responsabilité aux collectivités en matière culturelle ! Autrement dit, la culture ne serait représentée que dans des grands équipements en centres urbains, laissant de côté les territoires ruraux. Ce postulat s’il devait perdurer serait dramatique.

Il faut reconnaître également que trop souvent les artistes qui portent en région, de nouveaux projets sont insuffisamment écoutés. Des expériences et des potentiels humains sont ignorés par une certaine élite culturelle. C’est pourquoi, il est essentiel de redonner du souffle à certaines missions qui relèvent d’une politique nationale, comme par exemple des missions de formation artistique ouverte au plus grand nombre et dès le plus jeune âge, d’aide à la création, ou de défense des professionnels du secteur. Elles doivent être préservées et consolidées.

Les inégalités se sont creusées. Un large public répond présent aux grandes expositions ou manifestations marquantes mais la majorité de la population n’y a tout simplement pas accès.
La culture est un vecteur d’émancipation. Pourtant, le budget de ce ministère de la culture est en régression, avec une perte entre 2013 et 2014, de plus de 6,5% et de moins 18% pour les trois ans à venir (2015/2017).

Il est impérieux de mettre l’ambition culturelle au cœur de votre action. L’accès à des pratiques artistiques, l’intérêt pour les mots, les images et les sons, sont de formidables outils pour comprendre et vivre en société. Le travail de proximité, décentralisé, est décisif pour redonner du souffle, de l’espoir. Le besoin d’une politique nationale forte en la matière est incontournable. C’est par enrichissements mutuels que la décentralisation comptera. La culture est un bien partagé.

La situation des intermittents du spectacle illustre parfaitement ce désarroi dans lequel ses professionnels se débattent depuis de nombreuses années.

Vos prérogatives ministérielles doivent œuvrer en ce sens pour redonner de l’espoir aux artistes comme au public dans un souci d’une démocratisation culturelle empreinte de valeurs d’égalité, d’équité sur l’ensemble de notre territoire. André Malraux en rêvait, à nous de le concrétiser.

Je compte sur votre bienveillance et votre compréhension pour apporter des réponses rapides et efficaces aux nombreuses interrogations portées par le monde culturel.
Dans cette attente, je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de mes sincères salutations.

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