Pas de réponse aux besoins de financement des collectivités territoriales

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise à permettre aux élus locaux, membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des deux sociétés composant l’Agence France locale, de participer aux délibérations sans être inquiétés dans l’exercice de leur mandat local ou de leurs responsabilités au sein même de l’Agence. Il ne s’agit donc pas d’exprimer un vote favorable ou non sur l’existence de l’Agence France locale, dont nous avons soutenu la création lors des débats organisés par l’Association des maires de France. Il s’agit ici de voter un texte visant un nombre certes infime d’élus, mais portant sur des enjeux et des sommes inversement proportionnels à ce petit nombre.

Cela nous invite à nous interroger sur la pertinence d’un statut dérogatoire aux pratiques actuelles. Ce peut être parfois compliqué, mais le principe de réalité fait qu’aujourd’hui un élu se déporte systématiquement lors du vote, par exemple, d’une subvention pour une association dont il est membre ou qu’il préside. Dans le cas présent, l’élu prendrait part à une décision à laquelle on ne peut dire qu’il n’ait aucun intérêt direct. Même si les élus sont responsables, rigoureux et toujours soucieux de l’intérêt général, être juge et partie est une position inconfortable, à laquelle nous ne pouvons adhérer.

Parler de l’Agence France locale c’est, de fait, poser la question du financement de nos collectivités. Alain Anziani rappelle dans son rapport que nos collectivités territoriales sont aujourd’hui confrontées à la « crise des leviers traditionnels de financement des investissements locaux » : depuis 2008, les banques ne prennent quasiment plus aucun risque. Même si certains nous disent aujourd’hui que les signaux reviennent au vert, nous constatons sur le terrain que les banques continuent à ne prendre aucun risque pour aider les collectivités territoriales, sinon des risques réduits. Comme le souligne encore le rapport, le volume moyen proposé par les établissements de crédit ne représente que 28 % des sommes demandées.

M. le rapporteur met également en évidence la situation des collectivités confrontées à la fois à la fin de Dexia et aux emprunts toxiques souscrits avant 2009. L’envol du cours du franc suisse met chaque jour un peu plus en péril les finances du millier de communes, départements ou régions ayant souscrit ce type d’emprunts. En effet, plus de la moitié de ces collectivités territoriales – près de 900 sur 1 600 – ont contracté des emprunts indexés sur cette devise. On ne peut que partager l’inquiétude grandissante des élus concernés.

La commune de moins de 9 000 habitants, dans le département de la Loire, dont j’ai été l’élue jusqu’en 2011, fait face à un taux d’intérêt de 27,65 % depuis janvier dernier. Cela revient pour elle à rembourser annuellement, et ce jusqu’en 2035, 951 000 euros, soit neuf fois le capital restant dû de 2,5 millions d’euros ! Quand on sait qu’une somme de 800 000 euros équivaut à 10 % du budget de fonctionnement de cette commune, on comprend qu’il s’agit d’une situation impossible, sauf à ne plus assurer certaines missions essentielles telles que, par exemple, la cantine scolaire ou le déneigement.

Nous regrettons, madame la ministre, que vous ne fassiez pas preuve du même volontarisme dans la recherche d’une solution évitant aux contribuables de payer la note des errements passés – notamment ceux des banques – que celui que vous avez montré pour soutenir le développement de l’Agence France locale. Allez-vous enfin – nous vous avions déjà interpellée sur ce sujet à la fin de l’année dernière – solliciter les autres acteurs impliqués dans ce scandale, dont ils tirent toujours d’importants bénéfices financiers ? Je pense bien évidemment aux banques d’investissement – françaises ou étrangères –, qui sont nombreuses et bien souvent célèbres… Ces établissements doivent aujourd’hui prendre leurs responsabilités et contribuer à l’assainissement des budgets de nos collectivités, en contrepartie des emprunts toxiques. Ils doivent régler une partie de la note. C’est aussi de cette façon que nous redonnerons un peu de souffle à nos collectivités territoriales.

Il faudrait que la Société de financement local, la SFIL – donc l’État –, qui a hérité des prêts de Dexia, menace d’attaquer en justice ces banques d’investissement pour avoir caché leurs marges à Dexia au moment de la construction de ces emprunts structurés, dits toxiques. Or, pour l’instant, elles ne sont toujours pas inquiétées.

Vous l’aurez compris, notre groupe ne votera pas la proposition de loi, même si nous sommes à la veille de la tenue de l’assemblée générale de l’Agence. Nous pensons que ce statut particulier ne répond pas aux besoins de financement de nos collectivités territoriales et qu’il ouvre beaucoup d’autres questions sans y apporter de réponse.

Retour en haut