56 % de la production de l’huître creuse a disparu de la Bretagne

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer le sujet qui nous réunit aujourd’hui, je tiens à remercier notre collègue Joël Labbé – les Morbihannais sont tous présents aujourd’hui ! – d’avoir pris l’initiative de provoquer un débat sur cette question si pertinente pour notre territoire littoral. Je le remercie également de la leçon de sciences naturelles qu’il nous donnée tout à l’heure sur la naissance et la croissance des huîtres, leur alimentation à base de phytoplancton et leur mode de reproduction. Même si j’ai déjà évoqué ce sujet dans le passé, j’avoue que j’en avais un peu oublié certains aspects.

Notre débat aujourd’hui est totalement justifié, tant le mot « hécatombe » nous semble être le plus approprié pour décrire la situation de la production conchylicole en Bretagne – mes collègues des autres régions, en particulier de la Charente-Maritime, voudront bien me pardonner d’évoquer surtout son cas –, laquelle est en recul de près d’un quart depuis plusieurs années. Ainsi, 56 % de la production de l’huître creuse a disparu de la Bretagne, et ce n’est pas fini puisque le virus de la famille de l’herpès, l’OsHV 01, qui a déjà ravagé 70 % des naissains depuis 2007, se voit malheureusement concurrencer par une nouvelle bactérie plus forte encore.

Avec près de 8 200 hectares de concessions, la Bretagne représente 41 % des surfaces conchylicoles et 37 % des surfaces exploitées. La Bretagne sud totalise 61 % des surfaces et compte 388 entreprises, principalement situées dans le Morbihan. C’est dire l’importance et la prévalence de ce secteur d’activité pour notre département, qui emploie 4 000 personnes, dont 2 000 à temps complet.

Avec raison, notre collègue Joël Labbé demande que des mesures soient prises afin de préserver la diversité génétique des huîtres nées en mer et de permettre une meilleure information des consommateurs.

Les erreurs commises à l’encontre des agriculteurs avec les semenciers ne doivent pas être répétées pour l’un des fleurons de notre gastronomie, l’huître.

Certes, face au virus, il faut trouver des parades. Un ingénieur de l’IFREMER, que j’ai rencontré récemment, m’a indiqué que cette huître triploïde avait été développée et brevetée en 1997 et commercialisée en 2000. Elle possède non pas 2n chromosomes, mais 3n chromosomes.

La première conséquence de ces modifications est la stérilité des huîtres. Les ostréiculteurs sont donc dans l’obligation de passer par des écloseries pour renouveler leurs parcs. À terme, ne risquent-ils pas de devenir dépendants des écloseries, tels que le sont les agriculteurs avec les semenciers ?

Seconde conséquence, leur stérilité implique que ces huîtres ne dépensent pas d’énergie pour la reproduction et poussent donc plus vite que les autres.

Cependant, ces avantages semblent relatifs. Ainsi, de nombreux lots d’huîtres triploïdes entreraient en reproduction, c’est-à-dire en lactance. Ce phénomène avait déjà été noté lors de l’été 2003, selon l’INRA. De plus, l’infection bactérienne de cet été a touché de façon similaire les huîtres diploïdes et triploïdes, sans que l’on constate une meilleure résistance chez les huîtres triploïdes.

Autre point d’interrogation, l’INRA précise dans un avis de 2004 que si quelques huîtres tétraploïdes s’échappaient des écloseries, cela entraînerait « en une dizaine de générations le basculement vers une population exclusivement tétraploïde ».

Ces risques sont bien réels, mais les données les concernant sont lacunaires. Comment comptez-vous les évaluer concrètement, monsieur le secrétaire d’État ?

En 2001, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, a regretté dans un avis que les études de l’IFREMER ne soient pas publiées. Alors que les craintes sur ce type d’huîtres sont de plus en plus prégnantes, comptez-vous remédier à cette situation ? Quels moyens de contrôle sanitaire sur les zones de production des huîtres triploïdes souhaitez-vous mettre en place ?

Toutefois, comment procéder à de tels contrôles et à une telle surveillance quand les moyens accordés aux institutions œuvrant dans ce domaine, comme l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, se réduisent année après année ?

Au bout de cette chaîne, les consommateurs ne sont pas suffisamment informés de la nature ou de la traçabilité de l’huître qu’ils consomment.

Selon le Comité national de la conchyliculture, l’absence de réglementation spécifique aux huîtres triploïdes est logique, car elles ne sont pas considérées comme un « nouveau produit ». Ainsi, il n’y a pas d’obligation d’étiquetage particulier.

De même, la qualité d’huître triploïde n’a pas à être précisée, puisque, selon la Commission européenne, ces huîtres peuvent exister en infime quantité à l’état naturel.

Et si la SATMAR indique bien, sur les lots de naissains qu’elle vend, le caractère triploïde ou non, cette information disparaît une fois les huîtres sur les étals des commerçants.

Quels engagements concrets pouvez-vous prendre aujourd’hui pour favoriser la mise en place rapide d’un étiquetage particulier pour les huîtres triploïdes ?

Si ce type d’huîtres a permis aux ostréiculteurs de sortir la tête de l’eau – mais pas les huîtres, naturellement ! –, le principe de précaution doit prévaloir. Cela nécessite davantage d’études d’impacts sanitaires et environnementaux.

Rappelons-nous le bon sens des anciens, qui préconisaient de ne pas consommer ces mollusques bivalves les mois sans « r », et n’oublions pas qu’il existe huit mois qui comprennent cette lettre ! En ayant perdu ce bon sens au profit de la croissance économique, l’homme a engendré des naissains de laboratoire, non adaptés aux conditions exceptionnelles que présente parfois la nature.

Pendant très longtemps, j’ai ignoré ces problèmes d’huîtres diploïdes ou triploïdes, pensant qu’avec un verre de muscadet bien frais et une tartine de pain noir au beurre breton, elles étaient toutes délicieuses ! (Sourires.)

Mais attention, il faut rester vigilant pour ne pas noyer cette image d’Épinal de vacances au bord de mer, qui ne doit pas être ternie par la colonisation du milieu maritime par cette espèce animale non naturelle. C’est toute une filière qui attend des mesures pertinentes et précises. Soyons vigilants les uns et les autres !

Retour en haut