Le système de révision annuelle des listes électorales empêche de nombreux citoyens de voter

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par faire quatre remarques.

Première remarque : il est un petit peu gênant de répondre à une certaine urgence maintenant – en mai 2015 pour des élections qui auront lieu en décembre 2015 –, alors que la date des élections régionales est connue depuis juin 2014.

Deuxième remarque : eu égard aux problèmes de délais, aux problèmes techniques – ils ont déjà été évoqués, notamment par Philippe Kaltenbach –, il serait dommageable de ne pas améliorer la situation en termes d’inscription sur les listes électorales dans la perspective des élections régionales.

Troisième remarque : le rapport d’information présenté l’an dernier par nos collègues députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann est riche d’idées, même si nous ne souscrivons pas totalement aux vingt-trois propositions. Il nous semble constituer une bonne base de réflexion pour un débat de fond en vue d’une réforme ambitieuse.

Quatrième remarque : il est clair que c’est plutôt en 2016, année sans élection, qu’un tel débat de fond pourra se dérouler de manière sereine.

Le sujet est central. De nos pratiques en matière de listes électorales dépend aussi le bon exercice démocratique. Comment pouvons-nous tolérer que, de manière délibérée ou à cause des rigidités administratives, 3 millions de nos concitoyens ne soient pas inscrits sur les listes électorales et que 6,5 millions d’entre eux soient mal inscrits ?

Si l’ouverture permanente de l’inscription sur les listes électorales ne permettra pas de créer un raz-de-marée de participation au scrutin, elle offrira cependant de nouvelles conditions d’accès au vote. De fait, le système de révision annuelle des listes électorales empêche de nombreux citoyens de voter, même si le peu d’intérêt pour notre fonctionnement démocratique dépasse largement la problématique de l’inscription sur les listes électorales.

Il nous paraît beaucoup trop restrictif de conditionner l’inscription sur une nouvelle liste électorale aux justificatifs prévus par l’article L. 30 du code électoral. J’en veux pour preuve la situation de nos jeunes ; vous l’avez évoquée, monsieur le ministre. Aux dernières élections départementales, ce ne sont pas moins de 64 % des moins de 35 ans qui ne se sont pas déplacés. Cette tranche d’âge réunit environ la moitié des citoyens mal inscrits. Permettre la réinscription sur les listes électorales dès le changement de domiciliation, c’est permettre de suivre efficacement nos concitoyens et leur garantir de bonnes conditions d’exercice démocratique.

Vous l’aurez compris, la situation actuelle ne peut pas nous satisfaire. Nous partageons la volonté de mener une réforme profonde de nos listes électorales pour redynamiser la participation. Nous sommes cependant pressés par le calendrier : une mesure doit donc être prise immédiatement pour que les listes électorales soient correctement actualisées d’ici aux élections régionales de décembre prochain. Cela peut justifier le « minimum », c’est-à-dire la réouverture des délais d’inscription jusqu’au 30 septembre et la mise en place rapide des modalités pratiques, y compris par voie réglementaire.

Nous restons néanmoins persuadés qu’une réforme en profondeur de l’exercice démocratique doit être réalisée. J’ai bien noté l’engagement de M. le ministre et du Gouvernement, ainsi que l’adhésion de presque tous nos collègues à ce principe. Il serait utile que l’engagement gouvernemental soit mis en œuvre rapidement et de manière ambitieuse, en termes non seulement de simplification et d’élargissement des modalités d’inscription, mais aussi d’accès à l’inscription ; je reviendrai sur ce point.

Nous sommes au cœur de la question de la citoyenneté, à plusieurs égards. La montée des extrémismes et la perte de confiance dans notre système politique – vous les avez évoquées, madame Benbassa – sont aujourd’hui des préoccupations incontournables. Il y a les annonces de bonnes intentions, et il y a les actes.

Concernant la réforme en profondeur de notre système de gestion électorale, et donc de notre système d’accès à l’expression démocratique, de manière technique mais aussi sur le fond, je peux vous assurer de l’engagement sans faille des sénateurs du groupe CRC pour défendre une mutation profonde de nos principes de citoyenneté et d’expression populaire, afin d’assurer un exercice démocratique et républicain le plus développé possible.

Ainsi, nous travaillerons sans relâche – avec certains d’entre vous, j’en suis sûr – à la reconnaissance entière du vote blanc. L’étude de sociologie électorale de Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen rappelle que l’abstention peut être vécue comme une expression politique. La reconnaissance du vote blanc doit entrer dans cette dynamique.

En parallèle, nous nous engagerons en faveur du développement de la démocratie participative, notamment au niveau local et en particulier dans cet espace de citoyenneté extraordinaire qu’est la commune. Ce n’est pas ici que je devrai faire beaucoup d’efforts pour convaincre mon auditoire. Il s’agit d’organiser des consultations populaires et de faciliter le recours au référendum, tout en conservant à la commune son importance dans notre système institutionnel. Nous serons vigilants lors du débat sur l’élection directe des conseillers communautaires.

Enfin, la question de la définition de la citoyenneté est centrale. L’histoire de notre république et de notre pays a été marquée par l’élargissement du corps électoral, du suffrage universel en 1848 à l’abaissement de la majorité électorale à dix-huit ans en 1974, en passant par le droit de vote des femmes en 1944.

Lorsqu’il était encore candidat, le Président de la République avait fait du vote des étrangers aux élections locales l’un de ses chevaux de bataille. Cette mesure a aussi fait l’objet d’une proposition de loi socialiste déposée à l’Assemblée nationale en 2010. Pour nous, il s’agit d’une question d’égalité et de justice. Comment justifier que des individus participant depuis de nombreuses années à la vie de leur collectivité par leur travail, leurs impôts et, souvent, leur engagement associatif, ne puissent pas prendre position sur les décisions qui les concernent au niveau communal ?

Retour en haut