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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le temps est venu d’un geste symbolique de la nation envers ces hommes

Réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple de la guerre de 1914-1918 -

Par / 19 juin 2014

Quelle est la signification et la vocation des commémorations qui sont organisées cette année à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre et du 70° anniversaire de la Libération du territoire ?

Monsieur le ministre, vous livrez des éléments de réponse dans la brochure de présentation éditée par vos services. Je vous cite : « Cette année représente une occasion unique pour nos concitoyens de redécouvrir leur passé commun, de rendre hommage à nos morts, victimes civiles et combattants de la liberté, de célébrer enfin le temps de la victoire de la République et de ses valeurs. ».

Redécouvrir le passé commun de la Première Guerre mondiale et rendre hommage aux morts de ce conflit fait partie de ce cadre général.

Ces commémorations, pour qu’elles trouvent tout leur sens et qu’elles rencontrent l’adhésion de nos concitoyens, doivent reposer sur une connaissance des évènements qui les resitue dans leur contexte et dans toutes leurs dimensions : avec leur gloire et leur lumière, mais aussi avec leurs zones d’ombre.

On peut penser que tout a été dit depuis longtemps sur le premier conflit mondial. Sur ses causes, sur ses conséquences économiques et sociales dévastatrices, et bien sûr sur la tragédie humaine (le terme de boucherie a souvent été employé) que cela a représenté.

Pourtant, certains aspects de ce conflit sont complexes et très sensibles. Ils sont encore controversés et peuvent donner lieu à polémique.

La question des soldats français condamnés à morts et exécutés en fait partie.

Ainsi, il a été officiellement annoncé qu’au cours des commémorations de la Première Guerre mondiale ce sujet ferait l’objet de débats publics.

La proposition de loi qui nous est soumise par le groupe CRC s’inscrit précisément dans ce contexte, et traite d’une question sur laquelle il reste sans doute encore beaucoup à dire. J’ajouterais que depuis la fin des « années vingt » (1920) de nombreuses associations militent en faveur d’une réhabilitation de ces hommes.

Evitons d’emblée toute arrière-pensée polémique et politicienne, et considérons que aussi longtemps après les faits, ceux-ci peuvent être appréhendés de façon apaisée, avec comme seul objectif de rassembler nos compatriotes autour d’une mémoire commune.

Peu connue du grand public, cette question est douloureuse pour les familles de fusillés. Mais elle est aussi très délicate d’un point de vue symbolique et politique, en ce qu’elle touche à l’honneur des combattants, au patriotisme, à nos armées.

De quelle façon revenir sur le cas des quelque 740 soldats français fusillés (dont 600 pour des motifs strictement militaires) entre 1914 et 1918 après avoir été condamnés par la justice militaire pour désertion, mutinerie, refus d’obéissance, espionnage ou crime de droit commun ?

Faut-il vraiment, aujourd’hui, les réhabiliter, au sens juridique du terme, de façon indistincte ? Ou sinon, comment procéder pour ceux qui auraient fait l’objet d’une injustice manifeste ?

Je comprends tout à fait qu’une procédure de réhabilitation collective soit hasardeuse et risquée.

En effet, des individus fusillés pour crime de droit commun ou espionnage pourrait en bénéficier. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, des historiens et certaines associations (comme la Ligue des droits de l’homme) sont plutôt favorables à des réhabilitations au cas par cas.

Cette procédure, plus sûre, aurait l’avantage de ne concerner que les seuls soldats victimes de condamnations manifestement contestables.

A cet égard, contrairement à des idées reçues, ce sujet n’a jamais été tabou et il serait faux de dire que la République n’a rien fait. Une quarantaine de soldats, fusillés au mépris du droit de l’époque, ont été judiciairement et individuellement réhabilités par la Cour de Cassation dans l’entre-deux-guerres, certains dès janvier 1921.

Mais la solution de la réhabilitation collective serait aléatoire et pratiquement impossible à mettre en œuvre, car comme l’a écrit l’historien Antoine Prost dans un rapport qu’il vous a remis, monsieur le ministre, je le cite : « Refaire des procès cent ans après les faits n’a guère de sens : les témoins sont tous morts, et les pièces des dossiers ne permettent presque jamais de conclure (…). Dans 20% des cas, les dossiers ont même été perdus ».

Néanmoins, si nous écartons cette hypothèse, la question posée par la nécessité de donner une juste place à ces hommes et à ces évènements dans la mémoire collective reste entière.

Je pense qu’il n’est pas trop tard pour surmonter ces difficultés, et qu’il serait juste de faire un geste officiel et symbolique pour que le souvenir de ces hommes soit reconnu par la Nation.

D’autant, qu’avec le recul, la signification que l’on peut donner à ces faits a beaucoup évolué.

Michelle Demessine l’a noté dans son rapport, en 1998, lors d’une commémoration sur le plateau de Craonne, Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait souhaité dans son discours que ces hommes « réintègrent notre mémoire collective nationale ».

Dix ans plus tard, à Verdun, Nicolas Sarkozy déclarait à son tour en tant que chef de l’Etat, je le cite : « je veux dire, au nom de la Nation, que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches, mais simplement, ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces. ».

Il faut aujourd’hui prendre en compte les progrès de l’historiographie, qui intègre ces actes dans un contexte beaucoup plus vaste où l’indiscipline et le refus de la guerre procédait de convictions qui sont respectables.

Ces citoyens sous l’uniforme estimaient, lucidement sans doute, que ces combats n’avaient pas pour unique raison la défense de la Patrie.

Je pense pour ma part, qu’ils furent victimes, comme les autres combattants, d’une guerre qui ne fut pas celle du droit, mais du déchaînement des nationalismes, d’une guerre pour la défense d’intérêts qui n’étaient pas les leurs, et d’un commandement, il faut aussi le dire, défaillant.

Ils furent également victimes de procédures judiciaires militaires iniques.

C’est donc pour cet ensemble de raisons, et parce qu’il est de nature à rassembler et à apaiser les esprits, que le groupe communiste, républicain et citoyen votera pour l’amendement à la proposition de loi de notre collègue Guy Fischer.

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