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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de Finances 2005 : question préalable

Par / 25 novembre 2004

par Thierry Foucaud

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

La discussion générale vient de montrer avec une certaine acuité que la loi de finances dont nous débattons est pour le moins au centre de multiples interrogations.

Première interrogation : celle qui procède de la confection même de cette loi de finances, et notamment de son cadrage macro économique, dont on vient à se demander s’il n’a pas été délibérément enjolivé dans un simple effet d’affichage.
Comme par enchantement, les perspectives économiques associées à la loi de finances permettent de revenir sous la barre des 3 % de déficit public au sens européen du terme, tandis que l’essentiel de la plus value fiscale dégagée au travers de la croissance est affecté à la résorption du déficit.

Les conjoncturistes semblent pourtant avoir aujourd’hui bien plus de prudence et un grand quotidien du soir vient de titrer, dans son édition datée du 24 novembre, que ’ la majorité s’apprête à voter une loi de finances dont l’exécution va s’avérer difficile ’ .
Pour tous ceux qui ont en mémoire l’histoire budgétaire la plus récente, avouez que cela pose problème.
Une fois encore, après la loi de finances 2002 et la loi de finances 2003, nous sommes en présence d’un projet de loi de finances à présupposés pour le moins discutables.
Un seul exemple, qui se suffit à lui-même : le projet de loi de finances retient un prix du baril de ’ brent spot ’ à 36,5 euros en moyenne en 2005, alors que ce prix flotte aujourd’hui autour des 50 à 55 euros.

De la même manière, il retient une parité euro dollar à hauteur de 1,22 dollar pour un euro, alors que les marchés de change sont aujourd’hui marqués par une appréciation plus significative de la monnaie unique.
Quelles incidences une réduction de la croissance réelle pourrait donc avoir sur l’exécution budgétaire, sinon, d’ailleurs, de rendre encore plus difficiles les choses.
Et quelles solutions risquerait on, en ce cas de voir réapparaître ?
Celles dont nous avons goûté les délices depuis 2002, c’est-à-dire le gel technique de la dépense publique dès le mois de janvier, en clair, dès l’encre à peine séchée sur le Journal Officiel du texte de la loi de finances, avant son annulation pure et simple au printemps ou au détour d’un arrêté pris en plein été et validé à la va vite dans un collectif de fin d’année.

Et pendant ce temps, nous aurons le bonheur de constater que les menus cadeaux fiscaux figurant dans le texte de la loi de finances trouveront leur pleine application.
Sur ce point, force est de constater qu’il y a, en quelque sorte, quelque chose d’acquis.
Faisons un point rapide des différentes mesures prises depuis 2002 et qui impactent sur la réalité de l’exécution de la loi de finances.
L’impôt sur le revenu devrait connaître une augmentation globale de son rendement de plus de deux milliards et demi d’euros.

Après trois lois de finances marquées par la réduction du barème, nous sommes donc en face du mouvement inverse, s’agissant du produit de l’impôt, mais cette réalité recouvre cependant des mouvements de fond beaucoup plus contestables.
Ainsi par exemple, le produit de l’impôt est il obéré de près de 920 millions d’euros ( près de 2 % ), du fait de plusieurs mesures surtout intéressantes pour les plus hauts revenus.

Ainsi trouve t on dans cet ensemble les 450 millions d’euros offerts sur un plateau d’argent aux détenteurs de plus values imposables, 280 millions découlant de l’application de la loi sur l’initiative économique, 55 millions provenant du dispositif de Robien ou encore 190 millions de réductions d’impôt accordées aux investissements Outre Mer réalisés par les particuliers les plus aisés.
Les ajustements de l’impôt sur le revenu sont compensés, soit dit en passant, par l’accroissement significatif des recettes de droits indirects et notamment les 7,9 milliards d’euros que l’Etat attend au titre de l’augmentation du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

Nous pouvons d’ailleurs prolonger notre analyse en soulignant que, s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune ( j’insiste sur le mot solidarité ) l’obsession de la droite parlementaire semble bien de faire en sorte de rogner les ailes de cet impôt au rendement pourtant limité à environ 2,8 milliards d’euros, bien loin de la valeur imposable des patrimoines concernés, comme d’ailleurs du dynamisme de la valeur des patrimoines eux-mêmes, qu’ils composent de titres cotés ou non comme de biens immobiliers.

On notera simplement que la majorité sénatoriale trouve plus important de réduire cet impôt au motif de faciliter l’investissement et l’emploi que de s’attaquer par exemple à une TVA qui constitue tout de même le principal obstacle à la relance de la consommation populaire, depuis qu’elle se situe à 19,6 %.
Mais tout ceci appelle néanmoins à se poser encore une fois la question.
Qu’est ce que cet allégement de la fiscalité touchant les patrimoines importants, les entreprises, les ménages les plus aisés, a pu avoir comme effets sur la situation économique et sociale du pays ?

On serait tenté de dire : exactement les effets contraires de ceux annoncés.
Le projet de loi de finances retient ainsi par exemple dans ses hypothèses une réduction du nombre des emplois salariés du secteur dit marchand en 2003 ( plus de 80 000 emplois détruits ), et le mouvement ne semble pas s’être ralenti en 2004 puisque l’industrie, dont les effectifs continuent à s’étioler, ne voit plus les secteurs du commerce et des services compenser les disparitions d’emplois de production.
Bien au contraire, dans bien des domaines, nous connaissons une poursuite du processus de liquidation d’emplois, y compris dans les services et le commerce, au travers des plans sociaux, et de précarisation forcenée des contrats de travail.
Dans le même temps, les facilités financières laissées à certains contribuables n’ont conduit qu’à favoriser optimisation fiscale et nouvelle accumulation de capital, au travers d’investissements spéculatifs de nouveau aidés par la fiscalité.

On observera également que, si la situation de l’emploi est fort loin de s’être améliorée, celle de la rentabilité des entreprises est par contre manifeste, comme le montre, entre autres réalités, la situation du groupe Total Fina Elf ( + 118 % au premier semestre, comme quoi la hausse du baril n’est pas perdue pour tout le monde ), ou encore les recettes attendues de l’impôt sur les sociétés qui devraient croître de plus de 5,5 milliards d’euros ( soit plus de 11 % ) en 2005.
Et c’est bien parce que les objectifs assignés au mouvement de réduction des impôts n’ont manifestement pas été atteints depuis 2002 que nous ne pouvons que rejeter toutes les dispositions, encore plus étroitement ciblées, qui font partie de cette loi de finances et qui ne constituent que des cadeaux fiscaux sans contrepartie.

L’autre face de cette loi de finances, c’est bien entendu le problème posé par l’évolution des dépenses publiques.
Cette loi de finances 2005 voit se poursuivre la mise en application de la loi organique sur les lois de finances, et notamment la généralisation de la procédure de programmation globalisée des dépenses de chaque programme budgétaire.
Derrière des aspects assez nettement techniques et sans doute quasiment incompréhensibles pour le commun des mortels, ce qui se met en œuvre n’est ni plus ni moins qu’une transformation radicale de l’action de l’Etat et qui consiste à pervertir l’action publique, la notion de service public au profit exclusif de logiques managériales, d’entreprises, importées plus ou moins habilement d’Outre Atlantique.

Ma collègue Marie Claude Beaudeau, intervenant au nom de notre Groupe lors de la discussion de la proposition de loi organique n’indiquait elle pas (je cite)
Décidément, le débat sur la dépense publique mérite sans doute autre chose qu’une simple sophistication des outils de maîtrise que la présente proposition de loi organique tend à promouvoir.
Mais nous nous interrogeons toujours : selon quels critères et quelles orientations seront définis les objectifs et les résultats des politiques publiques ?
Qu’est-ce qui doit primer ? La satisfaction des besoins collectifs, qui est au coeur de l’action publique, qui se doit de la motiver, de la justifier et de l’accomplir, ou celle des comptables européens, poursuivant sans relâche l’optimisation mesurable en termes d’économies et d’équilibre budgétaire ?

Nous nous méfions d’une simple logique comptable.
Et nous avons quelque peu l’impression que la présente proposition de loi organique en reste là et qu’elle ne fait qu’inscrire dans le marbre de la Constitution une pratique budgétaire de caractère quelque peu circonstanciel, technocratique, européen, au service de la Banque centrale européenne.
Et ce d’autant, comme vous le savez, mes chers collègues, que 70 à 80 % de nos discussions parlementaires et des lois que nous votons procèdent de la transposition de directives et de règlements européens.
Les prochaines lois de finances ne sont-elles pas d’ores et déjà marquées par cette conception trop économe et trop chiche de l’utilisation de l’argent public, et cela pour quelles motivations ?

On ne peut donc, dans ce cadre, omettre de rappeler que les discussions budgétaires à venir se dérouleront dans un nouveau contexte politique et économique, celui de l’Union économique et monétaire.
Dans les faits, alors que l’ordonnance de 1959 était l’outil dont s’est servi le pouvoir de l’époque pour chercher à atteindre ses objectifs essentiels, nous avons quelque peu l’impression que la présente proposition de loi consiste à mettre en place dans notre pays l’outil liant la discussion budgétaire nationale aux impératifs de la construction européenne, notamment cet épuisant soutien à la parité de la monnaie unique.

Les propositions qui nous sont faites participent de ces finalités. Plaçant résolument la dépense publique sous la dépendance des objectifs de la politique monétaire pilotée par la Banque centrale européenne, de la convergence des politiques économiques des Etats, de l’harmonisation fiscale telle qu’elle est voulue par la Commission de Bruxelles, du « moins-disant » social et de la remise en question des services publics qui anime nombre de directives, elles tendent à lier durablement les choix budgétaires de la nation aux pressions et décisions externes.
(fin de citation).

C’est, au regard de ce que nous constatons pour la présente loi de finances, ce qui semble inscrit au cœur même de la logique qui anime le Gouvernement.
Réduction des effectifs publics dans des secteurs comme les administrations fiscales, l’Equipement.
Insuffisance du renouvellement des enseignants, tant dans le primaire que dans le secondaire.

Asservissement de la politique de recherche aux seuls impératifs de ses implications potentielles concrètes dans l’activité des entreprises.
Privatisations à la hussarde d’EDF, de Gaz de France, de la SNECMA, de la SAPRR, d’AREVA et j’en passe sûrement.
Bradage, pour le plus grand profit des promoteurs et opérateurs immobiliers, du patrimoine public.

Voilà la réalité de la politique de ce Gouvernement, et voilà les choix anti sociaux, tournant le dos à l’avenir, favorisant la rente et le capital plus que le développement économique, que traduit ce budget que la présente question préalable vous invite à rejeter d’emblée et sans la moindre ambiguïté.

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