Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Loi de finances pour 2007 : agriculture, forêts et pêche

Par / 5 décembre 2006

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux volets importants de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » : d’une part, la forêt, qui fait l’objet essentiellement du programme 149, et, d’autre part, la pêche.

J’aborderai, tout d’abord, la situation de la pêche.

La pêche française traverse une crise profonde depuis maintenant de nombreuses années. L’an dernier encore, la politique de la mer enregistrait une baisse de 1,13 % de ses crédits, ceux-ci s’élevant seulement à 32 millions d’euros. Nous dénoncions, à cet égard, la faiblesse des crédits en faveur d’un pôle économique essentiel pour la France. Cette année - enfin ! -, le Gouvernement semble prendre conscience de l’importance du soutien qui doit être apporté à cette filière. En effet, l’action 6 « Gestion durable de la pêche et de l’aquaculture » voit ses crédits de paiement augmenter de 88 % dont une partie servira à financer le plan d’avenir pour la pêche, adopté le 27 juin 2006. Encore faut-il que ces crédits ne soient pas gelés ! Nous verrons bien !

Certes, l’effort budgétaire est louable, mais un certain nombre de problèmes persistent. L’un d’entre eux, et ce n’est pas la moindre, concerne les ressources halieutiques. Les pêcheurs de nos côtes sont en effet de plus en plus malmenés par les politiques conduites au niveau européen et international. L’existence même de certains secteurs est d’ailleurs remise en cause.

À l’Assemblée nationale, mon collègue et ami François Liberti a évoqué la pêche au thon rouge. L’accord sur les quotas, intervenu il y a quelques jours, ne satisfait ni les associations écologiques ni les pêcheurs.

M. Dominique Bussereau, ministre. Ni moi !

Mme Évelyne Didier. Je le note, monsieur le ministre !

Cet accord risque de frapper durement les pêcheurs senneurs de la méditerranée française, soit 500 marins embarqués, et plusieurs milliers d’emplois induits.

Les exemples de réductions de quotas ou d’interdictions de pêche pure et simple se multiplient. Ainsi, en projetant de réduire de 30 % par an les captures des espèces des grands fonds, la Commission européenne programmait la fin de cette activité d’ici à trois ans. Le maintien des quotas actuels pour le sabre noir constitue une petite victoire pour les pêcheurs français, mais n’occulte pas la persistance du problème de la ressource et de la pérennité des activités de pêche.

Rappelons qu’une réduction brutale des quotas peut condamner définitivement une flottille ou un port. La question des ressources halieutiques est évidemment primordiale et les pêcheurs sont les premiers à le dire. Hélas ! la réduction de quotas ne règle pas le problème ; elle ne fait que le déplacer.

Monsieur le ministre, pour être efficaces, ces restrictions doivent s’accompagner d’aides aux professionnels. Nous l’avons noté, le financement des aides à l’arrêt d’activité bénéficiera, en 2007, de 10 millions d’euros, contre 3 millions d’euros cette année. Il était urgent d’intervenir et le plan de sauvetage et de restructuration mis en oeuvre par votre ministère est un soutien non négligeable pour un secteur fragilisé. Mais l’État ne devra pas relâcher son effort dans les années à venir.

Je voudrais aborder la question de la facture énergétique. Vous avez annoncé la fin du fonds de prévention des aléas de la pêche. Or, dans certains cas, notamment pour les hauturiers, le coût du gazole représente jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires. En Bretagne, les coopératives testent de nouveaux additifs dans le gazole, pour réduire de 4 % la consommation des moteurs de pêche. Dans ce secteur, comme dans le secteur agricole dans son ensemble, une fiscalité incitative doit être mise en place pour promouvoir l’utilisation des biocarburants.

Je me dois également d’évoquer l’interdiction à la vente des huîtres, plus particulièrement celles du bassin d’Arcachon.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Il faut le dire, la communication a été maladroite et a porté grand tort à la profession, déjà durement éprouvée. À ce sujet, nous aimerions connaître plus précisément le contenu du dispositif d’aide aux ostréiculteurs de ce bassin.

J’en viens à présent au programme « Forêt ».

La forêt constitue pour notre pays un atout considérable en termes social, environnemental et économique. Après une diminution de 5,5 % l’an dernier, nous saluons la hausse légère, mais effective, de 3,4 % des crédits affectés à ce programme.

Cependant, les investissements de l’État restent timides, notamment pour la forêt privée. Il est pourtant essentiel d’encourager durablement et régulièrement la filière bois, afin d’exploiter au maximum ce merveilleux patrimoine que constitue la forêt française. Représentant 27 % du territoire national, dont les trois quarts sont constitués de propriétés privées, la forêt fait vivre environ 500 000 personnes. Or, elle souffre d’une sous-exploitation chronique.

M. Gérard Le Cam. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Sur les 90 millions de mètres cubes produits chaque année, seuls 60 millions sont récoltés. Cette situation pourrait devenir périlleuse avec l’aggravation du réchauffement climatique. En effet, une forêt qui n’est pas exploitée et qui ne peut se régénérer est une forêt en péril. C’est pourquoi l’État doit s’engager plus fortement s’il veut mener une politique efficace d’un point de vue économique et environnemental.

Heureusement, après les six années de morosité consécutives à la tempête de 1999, le prix du bois connaît une hausse notable depuis 2005. Les premières ventes d’automne organisées par l’ONF ont confirmé cette tendance récente. Malgré tout, le bois reste le combustible le moins cher. Nous espérons que la politique fiscale incitative qui a été mise en place permettra la multiplication des chauffages au bois, notamment collectifs. À l’heure actuelle, notre parc, qui comprend environ 5 millions d’appareils, est peu performant. Je le rappelle, le bois, en tant que matériau, est meilleur marché et moins polluant que l’acier ou le plastique. Bref, la reprise du secteur de la construction et, notamment, l’envolée des coûts énergétiques devraient être autant d’éléments favorables à la reprise de l’activité de la filière bois.

Dans ce contexte, l’augmentation des crédits de paiement pour 2007 de l’action 1 « Développement économique de la filière forêt-bois » est une bonne nouvelle, même si les efforts budgétaires consentis sont souvent trop limités. Ainsi, la création d’un poste budgétaire « Promotion des initiatives collectives pour la valorisation de la biomasse » constitue une avancée dans la prise en compte des questions environnementales au niveau régional et national, mais la « noblesse » du principe risque d’être paralysée par la faiblesse des crédits qui y sont consacrés.

La reprise des cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d’une filière qui reste peu rentable. Cette filière connaît un faible niveau d’intégration : en effet, la répartition des marges financières est trop importante sur toute la longueur de la chaîne de production et de commercialisation.

De plus, monsieur le ministre, certaines activités sont mises en difficulté du fait des politiques menées par votre gouvernement. Nous connaissons la crise que traverse, à l’heure actuelle, l’industrie papetière, qui est véritablement « étranglée » par le coût de sa facture énergétique. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière dans son ensemble, puisque seulement 58 % de l’accroissement naturel du bois est récolté.

D’un point de vue environnemental, les forêts françaises absorbent environ 7 % des gaz à effet de serre émis en France, soit 557 millions de tonnes de CO2. Le Plan national d’allocations des quotas devait inciter les opérateurs à transformer leurs chaufferies pour développer la consommation des énergies renouvelables comme le bois. Mais les variations de cours ont perturbé cette mécanique : le prix de la tonne de dioxyde de carbone a ainsi chuté de 23 euros à 13 euros. Les industriels ont en effet pléthore de quotas à vendre, les attributions faites par le ministère de l’industrie ayant été fort généreuses. On mesure donc les limites de la méthode. Peut-être faudra-t-il trouver des incitations plus judicieuses.

Je tiens, à présent, à revenir sur l’importance des missions de l’Office national des forêts, l’ONF, eu égard, notamment, à la lutte contre l’effet de serre.

Nous avions déjà souligné, au cours du débat sur le projet de loi d’orientation agricole, les dangers d’une prise de participation facilitée de l’ONF dans les sociétés privées. En janvier dernier, cinq syndicats s’étaient mobilisés pour dénoncer, d’abord, le désinvestissement de l’ONF en ce qui concerne l’accueil du public, ensuite, le projet de contrat de plan 2006-2007, qui, selon eux, accélère la course à la rentabilité, et, enfin, la baisse programmée des effectifs, laquelle varie entre 1 % et 3 % par an. Au regard de l’importance et de la diversité des missions de l’ONF pour l’ensemble de la population, nous tenons à réaffirmer que la « casse » de ce service public constitue une erreur pour l’avenir de nos forêts.

Par ailleurs, l’action 3 « Amélioration de la gestion et de l’organisation de la forêt » et l’action 4 « Prévention des risques et protection de la forêt » voient leurs crédits de paiement amputés respectivement de 6 % et de 5 %. La forêt privée représente 75 % de la surface totale et 4 millions de forestiers privés. Or, les services départementaux de l’État avaient annoncé aux syndicats des propriétaires forestiers et sylviculteurs l’arrêt de la politique menée par l’État depuis plus de cinquante ans pour constituer une ressource forestière de qualité, sous l’égide du Fonds forestier national. Celui-ci, supprimé en 1999, avait été relayé par le budget de l’État au titre de la reconstitution à la suite de la tempête de 1999.

Il est indispensable d’assurer la continuité de l’effort d’investissement forestier pour constituer une ressource forestière massive et pérenne. Les aides publiques en la matière doivent donc être préservées et pérennisées. Nous espérons que le ministère de l’agriculture prendra, comme il l’a d’ailleurs laissé entendre, les mesures nécessaires pour apporter une telle garantie.

Enfin, s’agissant de l’action 4, j’évoquerai plus particulièrement la politique de prévention des incendies de forêt, dans lesquels, chaque année, de nombreuses personnes et notamment des sapeurs-pompiers, perdent la vie. Année après année, l’État se désengage : les crédits affectés à la protection des forêts ont baissé de 10 % dans le projet de loi de finances pour 2005, tandis qu’une diminution importante des moyens financiers attribués au Conservatoire de la forêt méditerranéenne est constatée depuis plusieurs années. Ce désengagement est aggravé par une politique de décentralisation qui transfère des charges vers les collectivités territoriales dont le niveau d’investissement est loin de compenser les baisses enregistrées.

De plus, l’abandon d’une agriculture traditionnelle - pâturage en forêt, cultures coupe-feu -, l’extension des zones constructibles au détriment de l’espace naturel, qui se traduit notamment par un mitage du territoire, la stratégie de rentabilité financière de l’ONF, qui délaisse des secteurs de travail et d’exploitation des forêts, ainsi que la destruction d’un tissu industriel régional, notamment la filière bois, accroissent les risques d’incendies et diminuent les moyens de prévention.

Face à ces dangers majeurs, il faut donc rompre avec une politique engendrant un manque criant de moyens humains et matériels destinés à la lutte et à la prévention contre les incendies. C’est pourquoi nous déplorons que les crédits affectés à cette mission ne soient toujours pas à la hauteur des enjeux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les hausses de crédits en faveur des politiques de la pêche et de la forêt ne suffiront pas pour nous permettre de relever les défis économiques ou environnementaux à venir. De plus, nous désapprouvons un certain nombre de choix budgétaires, notamment, je l’ai dit, en ce qui concerne l’ONF. Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s’opposent à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Les dernieres interventions

Finances Qui a peur d’un projet de loi de finances rectificative ?

Débat sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques - Par / 2 mai 2024

Finances Les injustices de la solidarité fiscale pour les femmes

PPL Justice patrimoniale au sein de la famille - Par / 19 mars 2024

Finances Médecine scolaire : l’État doit assumer son rôle

Proposition de loi visant à PPL visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires - Par / 18 mars 2024

Finances Et pour 13 000 milliards de dollars

Rapport de la Cour des comptes 2024 - Par / 13 mars 2024

Finances Non à l’économie de guerre

Financement des entreprises de l’industrie de défense française - Par / 7 mars 2024

Finances Les Départements dans le collimateur

Débat sur les finances des Départements - Par / 7 mars 2024

Finances Que faire d’EDF ?

Proposition de loi proposition de loi visant à protéger visant à protéger EDF d’un démembrement - Par / 24 janvier 2024

Finances Un budget, deux visions de la société

Explication de vote sur le projet de loi de finances pour 2024 - Par / 12 décembre 2023

Finances La chute de la démographie a bon dos

Débat sur les crédits de l’enseignement supérieur - Par / 4 décembre 2023

Finances Le logement est en urgence humaine, sociale et économique

Vote des crédits pour la cohésion des territoires - Par / 1er décembre 2023

Finances Les lois de la République contre celles des actionnaires

Débat sur la partie recettes du projet de loi de finances pour 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances Le budget de l’État à l’aune de la vie de Chantal

Question préalable au projet de loi de finances 2024 - Par / 23 novembre 2023

Finances 30 millions d’euros pour l’aide alimentaire

Vote sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Par / 20 novembre 2023

Administration