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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2007 : politique des territoires

Par / 7 décembre 2006

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre des crédits de la mission « Politique des territoires » au sein de la dernière loi de finances de cette législature.

Je ne reviendrai pas, même si je partage leur analyse, sur le manque de cohérence de cette mission évoquée par les rapporteurs, me contentant de rappeler que, depuis cinq années, elle a été rattachée à des ministères de tutelle différents ; par ailleurs, les programmes ne sont pas directement liés les uns aux autres et peinent à trouver une cohérence d’ensemble.

Ainsi, au regard du temps de parole limité de mon groupe, je concentrerai mon intervention sur les programmes de cette mission qui me semblent porter les plus lourds enjeux : « Aménagement du territoire » et « Tourisme ».

Tout d’abord, le programme « Aménagement du territoire » représente, à lui seul, près de la moitié des crédits de la mission.

Ces crédits sont, cette année, en baisse significative pour les autorisations d’engagement, alors que l’on note une faible augmentation en ce qui concerne les crédits de paiement.

Il n’est d’ailleurs pas sans intérêt de relever que l’action qui baisse le plus significativement en autorisations d’engagement est celle qui porte sur le développement territorial et la solidarité, dont les crédits diminuent de près de 100 millions d’euros, ce qui est particulièrement significatif de la conception de l’aménagement du territoire du Gouvernement.

Dans ce sens, je souhaiterais évoquer la transformation du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire en Comité interministériel de d’aménagement et de compétitivité des territoires, particulièrement emblématique de cette conception fondée sur la compétition entre les territoires.

Ce programme a, en outre, servi de cadre à la mise en oeuvre des fameux pôles de compétitivité par le biais de la première action « Attractivité et développement économique ». On dénombre aujourd’hui 66 de ces pôles.

La justification pour le Gouvernement de ce nouveau mécanisme réside dans la volonté de favoriser l’innovation économique et de créer des pôles d’excellence. Ces nouveaux pôles seraient à la fois en mesure de créer de l’emploi et de redynamiser l’économie et la recherche.

Pourtant, si nous ne remettons pas en cause vos objectifs, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, nous pensons que ces nouveaux dispositifs portent en eux de véritables risques.

Premièrement, en subordonnant directement la recherche aux entreprises, vous courez un risque sérieux de voir la recherche fondamentale largement abandonnée au profit de la recherche appliquée, directement valorisable.

Deuxièmement, si l’État leur consacre des financements importants, soit 1,5 milliard d’euros sur trois années, notamment par la voie des primes à l’aménagement du territoire et par des exonérations fiscales, l’expérience des zones franches devrait nous inciter à plus de prudence à l’égard des mécanismes d’incitation en faveur des entreprises.

Les documents budgétaires estiment le coût des exonérations de charges fiscales et sociales pour les entreprises s’implantant dans des zones particulières à 879 millions d’euros pour 2007. Il s’agit là d’une somme très importante, sans compter que la totalité des exonérations de toutes sortes représentent sur l’ensemble de la loi de finances près de 80 milliards d’euros, ce qui n’est vraiment pas rien !

Nous souhaiterions connaître l’état de la réflexion du Gouvernement sur ces dispositifs qui n’ont pas permis d’enrayer le cycle infernal des fermetures et délocalisations d’entreprises.

Ainsi, les collectivités publiques auront beau investir dans la création d’infrastructures routières, créer des zones d’accueil pour les entreprises, aménager la fiscalité dans certaines zones défavorisées, consentir des aides, tous ces mécanismes seront voués à l’échec si, dans le même temps, on laisse la liberté totale aux entreprises de bénéficier de tous ces avantages sans jamais avoir à en rendre compte à la collectivité des citoyens contribuables.

Après la reconnaissance de la responsabilité pénale des entreprises depuis maintenant dix ans, il serait temps aujourd’hui de reconnaître leur responsabilité sociale et territoriale. Nous devons imposer l’idée que toute entreprise qui détruit des emplois sur un territoire, alors même qu’elle ne se trouve pas en difficulté, devrait être obligée, au-delà du simple remboursement de la prime d’aménagement du territoire perçue, de favoriser la création de nouveaux emplois tout en compensant financièrement les conséquences pour les collectivités locales.

Ces obligations seraient non pas des obligations de moyens, dont les entreprises feraient semblant de s’acquitter, mais bien des obligations de résultat, accompagnées de bilans d’étape.

Cette nouvelle responsabilité territoriale des entreprises que nous appelons de nos voeux nous permettrait d’empêcher, au moins partiellement, la désindustrialisation de nos territoires et d’amortir ses conséquences en matière budgétaire et d’emplois.

Troisièmement, nous estimons que ce dispositif entérine le passage d’une politique visant à structurer et à entretenir sur le long terme des systèmes productifs axés sur le développement territorial à une politique visant à soutenir de manière temporaire, sélective et hiérarchisée des potentiels polarisés.

Si les territoires défavorisés ne sont pas soutenus grâce à la péréquation, notamment au regard de la baisse des actions en faveur de la solidarité territoriale, vous confirmerez une France à deux vitesses, où seuls les territoires les plus riches pourront présenter leur candidature aux pôles de compétitivité ou d’excellence.

D’accord pour faire émerger l’excellence, mais pas sans développer en parallèle de nécessaires solidarités ! Or, sous couvert de nouveaux modes de péréquation territoriale, vous mettez en place un système qui accroît les inégalités.

De plus, en spécialisant les territoires, nous augmentons dangereusement leur dépendance aux mutations de l’économie mondiale.

Enfin, nous souhaiterions qu’au minimum soit institué un mécanisme d’évaluation qui permettrait de mesurer véritablement l’impact de ces pôles sur la solidarité nationale.

Dans le même esprit, l’État a engagé, en 2006, la création de pôles ruraux dits d’excellence, représentant un investissement global de plus de 607 millions d’euros ; 176 de ces pôles sont désormais labellisés dans 86 départements et 400 pôles d’excellence rurale devraient voir le jour d’ici à la fin de l’année.

Vous avez également indiqué en commission à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, que le nombre de projets retenus serait porté de 120 à 200 au cours de la deuxième vague de labellisation.

A ce titre, le rapporteur à l’Assemblée nationale remarquait, non sans ironie, qu’il faudra ensuite voir si les crédits de paiements correspondants seront inscrits dans le budget, à l’inverse de ce qui se passe pour le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT, dont les crédits ne permettent pas d’honorer l’ensemble des engagements pris.

Concernant ce fonds, l’exécution des projets est pénalisée par un décalage entre autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Certes, vous avez annoncé, monsieur le ministre, l’attribution d’une enveloppe de 100 millions d’euros supplémentaires, mais cela n’est pas suffisant. Il reste à prendre de nouvelles autorisations d’engagements afin d’assurer le renouvellement de projets.

J’en viens maintenant aux nouveaux contrats de projets pour la période 2007- 2013.

Selon le Gouvernement, ces contrats sont axés autour des mêmes priorités que les nouveaux pôles, à savoir la compétitivité et l’innovation. On se retrouve donc dans la même logique de rentabilité qui conditionne dorénavant toute intervention publique.

Nous estimons que votre conception de l’aménagement du territoire n’est pas pertinente.

S’il faut, certes, permettre le développement économique par des actions en direction des entreprises, il convient également de mener une action structurante en termes d’infrastructures et de services publics sur l’ensemble du territoire national.

Le projet du Gouvernement pour l’école est, à ce titre, particulièrement emblématique de sa conception de l’éducation : il s’agit d’adapter les formations aux bassins d’emploi, de modeler les élèves au marché du travail. Tout est alors axé autour de l’entreprise.

Pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, l’aménagement du territoire est conditionné non seulement par la qualité des infrastructures et des services publics, mais également par la capacité des pouvoirs publics d’assurer la formation à tous les âges de la vie, de garantir la péréquation territoriale et la cohésion nationale grâce à des mécanismes solidaires.

Or, lorsque nous vous écoutons, monsieur le ministre, nous ne pouvons qu’être inquiets. Vous déclarez : « Le seul service public que chacun est sûr de trouver dans les 36 000 communes de France, c’est la mairie ». Force est de reconnaître que vous avez presque réussi si je m’en tiens aux attaques incessantes qu’a portées votre Gouvernement contre les services publics !

Vous prenez appui sur les chiffres en hausse de la démographie en milieu rural pour justifier le fait que ces territoires seraient attractifs. Pourtant, nous ne cessons de constater des fermetures d’écoles, d’hôpitaux, de bureaux de poste, etc.

Certes, une charte a été signée entre l’Association des maires de France, les services de l’État et quinze opérateurs de services publics, mais les problèmes fondamentaux ne sont pas posés.

Tant que des politiques de libéralisation continueront d’être menées et qu’il sera demandé aux opérateurs de service public de réduire leurs coûts pour augmenter la rentabilité de leur activité, les services publics ne pourront être maintenus en milieu rural.

Pour rester dans le domaine des télécommunications, dans les contrats de projets 2007- 2013, un volet est spécifiquement prévu pour permettre aux collectivités qui le souhaitent de bâtir leur propre réseau haut débit afin de favoriser la concurrence et ainsi d’assurer de meilleurs services au meilleur coût. Mais pourquoi permet-on l’intervention des collectivités territoriales si ce n’est pour pallier les carences du secteur privé ?

Alors que, de tous côtés, s’élèvent des voix pour demander l’intégration du haut débit dans le service universel, le Gouvernement français n’a pas soulevé cette question au sein des institutions européennes et ne donne pas de signe en ce sens.

La question de l’offre de transport public est également structurante pour l’aménagement du territoire.

Là encore, la régionalisation des transports a une nouvelle fois été l’occasion pour l’État de se défausser de ses responsabilités sur les collectivités locales. C’est ainsi que, s’agissant de l’exécution des contrats de plan, tout projet dont les études n’auront pas été lancées sera purement et simplement abandonné !

Tout cela laisse à penser que, demain, nous aurons des villes hypertrophiées et des secteurs ruraux plus ou moins abandonnés à leur sort. C’est une curieuse conception de la cohésion nationale !

J’en viens au programme « Tourisme ».

Une nouvelle fois, nous ne pouvons que regretter que les objectifs affichés en ce domaine concernent uniquement les opérations de promotion du tourisme français à l’étranger, dont la dotation progresse de près de 5 millions d’euros, représentant ainsi près de 50 % du programme.

Pour les autres actions, à savoir l’économie touristique et l’accès aux vacances, les subventions sont en baisse depuis plusieurs années. Dans les deux cas, le manque de moyens affecte des éléments essentiels de la politique touristique des territoires.

Il s’agit, d’une part, des actions de contractualisation avec les régions pour lesquelles les engagements dans le cadre des contrats de plan État-régions ne seront pas tenus, laissant une dette de plus de 35 millions d’euros. En outre, les futurs contrats de projets ne semblent pas non plus fort ambitieux en ce domaine, puisque, jusqu’à présent, seulement 1,4 million d’euros en crédits de paiement et 5,8 millions d’euros en autorisations d’engagement sont prévus.

Il s’agit, d’autre part, des aides apportées au tourisme social à travers le programme de consolidation de ses hébergements.

Ainsi, les acteurs du tourisme social, dont nous pouvons comprendre les inquiétudes, s’alarment, cette année encore, de l’absence de moyens mis à disposition du plan de consolidation du patrimoine du tourisme social qui place les associations et les collectivités locales et territoriales face à d’importants besoins de rénovation.

Pourtant, quatre Français sur dix, faut-il le rappeler, ne partent toujours pas en vacances ! Il serait donc urgent de permettre l’accès de tous aux loisirs.

En conclusion, je rappellerai que, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, la seule voie qui permettrait concrètement le développement du tourisme, c’est l’augmentation du pouvoir d’achat pour tous, ce qui passe, notamment, par une augmentation des salaires et une meilleure répartition de la richesse nationale.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous ne pourrons voter les crédits de la mission « Politique des territoires ».

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