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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Règlement définitif du budget 2002

Par / 27 octobre 2003

par Marie-Claude Beaudeau

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers collègues,

Cette loi de règlement définitif du budget de l’année 2002 devrait vous éclairer, Monsieur le Ministre, sur ce qu’il conviendrait de ne pas reproduire pour 2004.

C’est bien pourtant toujours dans la même voie, après le budget 2003 dont l’exécution s’annonce catastrophique, que vous vous proposez de poursuivre avec votre projet de loi de finances pour 2004.

Monsieur le Président de notre Commission des finances a vu juste en exprimant ses craintes en réunion de la commission que l’exécution budgétaire 2003 ne présente les mêmes « mauvaises surprises » que celle de 2002.

Vous auriez par ailleurs mauvais jeu de porter, de façon politicienne, au compte de la majorité précédente, qui est certes l’auteur de la Loi de finances initiale pour 2002, le résultat de son exécution.

D’une part, vous avez gouverné 7 mois sur 12 en 2002 et modifié par deux lois de finances rectificatives la loi de finances initiale.

D’autre part, vos choix ont largement consisté à reprendre à votre compte pour les aggraver considérablement des dispositions déjà contenues dans la loi de finances initiale, à commencer par la baisse des barèmes de l’impôt sur le revenu.

Vous êtes désormais mal placés, chers collègues de la majorité, pour accuser le manque de sincérité dans la présentation des documents budgétaires 2002.

Que dire alors, maintenant que se fait progressivement jour la réalité de l’exécution 2003, de la loi de finances que votre Gouvernement, Monsieur le Ministre, activement soutenu par la majorité sénatoriale, nous a présenté l’automne dernier ?

Nous devions connaître en 2003 une croissance de 2,5 % en volume du PIB et nous sommes aujourd’hui dans une situation où l’on ne sait même pas s’il y a aura croissance !

Devons - nous, dès lors, douter de la véracité de la prévision de croissance inscrite dans le budget 2004 qui s’avère plus modeste ( 1,5 à 1,7 % ) mais dont le caractère d’affichage est manifeste et qui ne sert qu’à maintenir dans des proportions acceptables par les censeurs bruxellois le déficit public ?

De même concernant le déficit, à votre place, chers collègues, je ne gloserais pas sur le caractère « doublement historique du déficit acté pour 2002 », pour reprendre l’expression de notre rapporteur général.

49,3 milliards d’euros de déficit constaté en 2002, plus de 52 pour le découvert reporté sur le compte du Trésor, ne restera pas longtemps le record en valeur absolue depuis 1993.

Vos performances en 2003, dont vous serez seuls redevables, ne vont par tarder à ravir au déficit 2002 la première place.

La situation 2003, à la fin août, malgré la généralisation des procédures d’annulation de crédits, présente ainsi un solde budgétaire négatif de près de 64 milliards d’euros, niveau jamais atteint, même aux pires moments de la législature 1993 - 97, pour ce que je peux m’en souvenir.

Cette loi de règlement présente cependant une particularité : le déficit qu’elle nous appelle à constater est encore plus important que celui figurant dans votre collectif de la fin d’année 2002, ce qui interroge encore plus sur le sens donné à la conduite réelle des affaires du pays.

Les mêmes recettes donnent les mêmes résultats, aux aléas conjoncturels près. Années après années, les choix unilatéralement en faveur du patronat et du capital compromettent, par delà la conjoncture, les conditions d’un retour à une croissance saine et créatrice d’emplois.

Le déficit public qui ne cesse de se creuser depuis 2002 est ainsi un déficit public particulièrement pervers, où l’Etat se prive petit à petit de tout moyen d’intervention sur la vie économique et sociale de la Nation, et alimente les réseaux financiers les plus spéculatifs au lieu de répondre aux besoins collectifs.

Le paradoxe est là : le déficit public n’a jamais été aussi élevé et pourtant, la réponse aux besoins sociaux se dégrade de plus en plus.

Pour 2002, la baisse de l’impôt sur le revenu, mesure emblématique du budget 2004, avait déjà pesé, nous le constatons à nouveau, très lourd sur les comptes de la Nation.

Aux plus de 2 milliards d’euros de baisse votée initialement, auxquels nous nous étions opposés, vous avez choisi, suivant en cela expressément l’Elysée, de diminuer encore, à l’occasion du collectif de juillet 2002, les barèmes uniformément de 5% soit 2,5 milliards d’euros.

Le projet de loi de règlement pour 2002 fait la démonstration de l’inefficacité économique, du caractère nuisible, de cette mesure injuste qui favorise avant tout les ménages aisés.

Presque 5 milliards de coût budgétaire, de déficit supplémentaires, de coupes sombres dans les dépenses publiques et sociales, sans effet réel sur la consommation et la croissance

Monsieur le ministre de l’économie et des finances concède même aujourd’hui, il l’a fait en commission en réponse à une de mes questions en septembre dernier, vous étiez là Monsieur le ministre de budget, que cette mesure, qu’il veut amplifier encore pour 2004, avantage ceux qui épargnent le plus et ont la moindre propension à consommer.

Les 5 milliards ainsi distribués aux ménages qui en avaient le moins besoin en 2002 sont ainsi partis alimenter directement la finance, le marché de l’immobilier, certainement aussi, et c’est un comble, le marché de la dette publique que le budget 2002 a contribué à développer.

En 2004, vous voulez recommencer, ce qui de façon encore plus évidente, indique les classes sociales que vous voulez avantager.

En avantageant ceux dont les revenus du travail représentent la plus faible part du revenu total, on est loin de la « réhabilitation du travail », qui est devenu votre nouveau slogan, alors que le taux de chômage officiel s’apprête à dépasser, selon Monsieur le ministre des affaires sociales, les 10% de la population active.

Ainsi, les choix de défiscalisation massive, au bénéfice des ménages les plus aisés et des entreprises, sans le moindre effet sur la relance de l’activité, n’ont pas ralenti, loin de là, le mouvement de développement des plans sociaux ou de licenciements plus ou moins déguisés.

Et le fait est, que ce sont, s’agissant des recettes, en grande partie les choix opérés lors des deux collectifs défendus par ce Gouvernement qui ont creusé plus sûrement encore le trou d’air constaté.

Et ce sont ces mêmes choix qui ont profondément imprégné la loi de finances initiale 2003, et qui conduiront sans doute à constater les mêmes résultats, dans des proportions qui risquent cependant, ainsi que je viens de le dire, d’être encore plus importantes que celles affichées à l’origine.

Monsieur le ministre, vous prétendez également que le résultat budgétaire de 2002 porte en lui les stigmates d’une « exubérance budgétaire » conçue et mise en œuvre par le Gouvernement en place lors de la précédente législature, stigmates qu’aurait à peine pu effacer la gestion courageuse et rigoureuse de la législature entamée après les élections du printemps 2002.

Voilà qui n’est guère crédible et je dirais même teinté de mauvaise foi.

Tout le monde sait bien que les années d’alternance sont propres à certains « dérapages » ponctuels. Pour 2002, même Monsieur le rapporteur général partage les écarts de dépenses par rapport à la loi initiale pour 2002 entre les deux gouvernements : + 5 milliards avant les élections, +2,5 après.

La 11ème législature aura, malgré une situation conjoncturelle très favorable, été marquée par une austérité très nette des dépenses que vous accentuez encore dans un contexte beaucoup plus défavorable aux dépens des dépenses publiques et sociales.

Comme "dérapage" des dépenses, vous citez en premier les 35 heures sur lesquelles vous voulez revenir à tout prix.

Mais ce que vous appelez le coût des 35 heures n’est autre que la politique de déduction de cotisations sociales, au nom des 35 heures, pour 15 milliards d’euros par an, que, bien loin de remettre en cause, vous n’avez eu de cesse d’amplifier. En 2004, vous voulez même les faire porter directement sur le budget du ministère du travail et des affaires sociales.

Je relève une contradiction : les 35 heures n’auraient pas créé d’emplois selon vous mais les baisses de cotisations sociales patronales en créeraient, elles.

Autre "dérapage", le mot est choquant, que vous signalez pour 2002, l’aide médicale d’Etat. A ce propos, la position du gouvernement est proprement scandaleuse, honteuse même. C’est toute la tradition française de soins gratuits aux plus indigents sur lesquels vous voulez revenir en 2004. Au mépris de la promesse de Mme Versini, vous prévoyez bien d’appliquer la disposition adoptée lors du collectif budgétaire de fin 2003.

Vous parlez d’une augmentation considérable de l’AME en 2002. Je vous invite à réfléchir, Monsieur le ministre, est-il normal que des malades atteints de maladies telles que le SIDA, qui devraient être pris en charge à 100%, soient redevables de cette aide ?

Pour 2004, vous voulez continuer la même politique, Monsieur le Ministre, assuré du soutien indéfectible de la majorité sénatoriale, toujours prompte à s’inquiéter du sort des pauvres contribuables de l’ISF et à ne voir, par exemple, les demandeurs d’asile persécutés dans le monde entier que comme une « source d’encombrement de notre contentieux administratif ».

Le projet de loi de finances pour 2004, péniblement voté par l’Assemblée Nationale, persévère en effet : baisse pour l’impôt sur le revenu ou l’ISF, allégement des impôts dus par les entreprises et, en contrepartie, hausse des taxes sur l’alcool ou le tabac, ou encore le gazole, frappant au portefeuille les ménages les plus modestes et une austérité, des sacrifices, encore renforcés pour les dépenses publiques et sociales.

Un seul exemple : 8% de moins pour le budget du logement, 300 millions de moins pour les aides personnelles au logement.

Mais nous faisons face aussi à une étape nouvelle essentielle par rapport à 2002 : une accélération de la réforme de la structure des dépenses publiques, notamment avec la décentralisation.

Tant pis en effet si les chômeurs en fin de droits ( quel concept détestable au demeurant ) sont renvoyés sur le RMI, tant pis si les étudiants ne trouvent pas à se loger, tant pis si les créateurs sont autorisés à végéter sans commandes publiques ni soutien à la décentralisation culturelle.

Vous vous appliquez maintenant à changer la structure de la dépense publique avec le projet de loi de décentralisation que nous allons examiner à partir de demain et qui va permettre de réduire encore davantage l’ampleur de l’action publique.

Ce que vous recherchez, c’est également à jouer sur le déficit budgétaire au fur et à mesure des transferts de compétences et de charges.

La loi de finances 2002 était pleinement porteuse de vos orientations profondes. La gestion 2003 les a largement prolongées à grand renfort d’actes réglementaires pour annuler, transférer ou répartir les crédits.

La loi de finances 2004 va permettre d’en mesurer plus nettement encore les conséquences désastreuses.

Le moins d’impôts que l’on nous propose est en réalité le moins de service public, le moins de dépenses publiques, le moins de réponse aux besoins sociaux que vous poursuivez à mettre en oeuvre depuis un an et demi avec constance et obstination.

Nous voterons contre ce projet de loi, première et éclatante illustration des choix injustes et iniques de ce Gouvernement, choix qui menacent durablement les comptes publics en laissant l’ardoise aux générations futures.

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