Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Le surendettement est largement dû aux crédits renouvelables

Crédit à la consommation et surendettement -

Par / 19 novembre 2012

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 novembre dernier, des milliers de personnes descendaient dans la rue en Europe pour dénoncer les plans d’austérité, lesquels, en raison des coupes budgétaires qu’ils induisent, appauvrissent les classes populaires et moyennes et entraînent la suppression d’emplois publics, des licenciements, ainsi que le gel et la baisse des salaires et des pensions.

En France, au premier trimestre de cette année, le taux de chômage a atteint 10 %. Le rapport Gallois, en prônant, de la même manière que le rapport Attali, en 2010, la relance de la croissance par l’offre, coupant court à toute mesure en faveur de la demande, de l’augmentation du pouvoir d’achat ou de la revalorisation des salaires et pensions, ne laisse que peu d’espoir pour les mois et les années à venir !

Face à la hausse importante des dépenses incompressibles, les loyers et les prix de l’énergie ont augmenté de manière plus importante que les revenus. Selon l’INSEE, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a crû de près de 10 % en dix ans, pour atteindre le chiffre de 8 millions.

L’augmentation de ces dépenses entraîne, bien sûr, la hausse des impayés constatés. À cet égard, selon une récente étude effectuée par le Secours catholique, 60 % des ménages déclarent faire face à des impayés, concernant, dans 40 % des cas, le loyer, puis le gaz, l’électricité ou les combustibles.

Dans ce contexte social et économique insupportable, le crédit à la consommation peut à l’évidence paraître comme la solution pour un grand nombre de personnes en difficulté. Cependant, il peut être à l’origine de surendettement et enfermer les personnes dans des situations humainement intenables.

À ce titre, le rapport de Mmes Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier note avec raison la hausse du nombre de dépôts de dossiers de surendettement.

Comme le précise la Banque de France, 88 % des dossiers comportent des dettes à la consommation, pour un encours moyen de 23 100 euros. Des crédits renouvelables sont recensés dans 76,4 % des dossiers et représentent un encours moyen de 15 900 euros.

La Cour des comptes soulignait dernièrement que le surendettement était en grande partie « actif » et que 70 % des crédits non remboursés étaient du type « crédits renouvelables ». Or ces crédits sont parfois accordés directement à la caisse des grandes enseignes.

Face à ce constat, tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que le dispositif de la loi Lagarde est largement insuffisant. Cette insuffisance, vous ne la dénoncez pas ouvertement, madame la rapporteur ; mais la teneur de vos propositions la sanctionne sans appel. Et le constat est partagé dans les rangs de l’opposition. On peut lire dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi centriste qui sera examinée dans les prochains jours par l’Assemblée nationale – les auteurs de ce texte avaient, je le rappelle, voté la loi Lagarde – que réglementer la publicité et garantir l’information restent des mesures largement insuffisantes.

À ce titre, je tiens à préciser que le texte propose la création d’un fichier positif. Le débat est très complexe. C’est pourquoi nous attendons avec impatience de pouvoir lire très prochainement le rapport du groupe de travail qui étudie ce sujet.

J’en viens maintenant au contenu du rapport remis par Mmes Dini et Escoffier. Nous partageons une grande partie des préconisations figurant dans la proposition de loi déposée par Mme Dini : je pense aux mesures relatives à un meilleur encadrement du crédit à la consommation et au traitement du surendettement des particuliers.

Nous sommes très heureux que certaines de nos propositions, hier rejetées, soient jugées intéressantes aujourd’hui : à cet égard, je pense à l’avancement de la date de l’arrêté du passif au moment de la décision de recevabilité dans le cadre des procédures de redressement ; je pourrais également mentionner l’interdiction des cartes « confuses », et donc l’obligation de séparer les cartes de paiement des cartes de fidélité, mesure très importante pour la protection des consommateurs.

Cependant, il faut aussi tenir compte de la question des cartes de crédit adossé, qui permettent de ne pas vérifier la solvabilité des porteurs. Nous saluons également la proposition qui vise à rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte lors de la souscription d’un contrat de crédit. En 2010, nous avions déjà discuté des difficultés liées à la possibilité d’obtenir un crédit sans que le prêteur ait demandé d’informations relatives à l’endettement et aux revenus de l’emprunteur.

Des problèmes demeurent néanmoins. Selon une étude de l’UFC-Que Choisir sur l’octroi des crédits à la consommation : « Dans plus de 85 % des cas, aucune question n’a été posée sur la situation financière des clients. […] Et à peine 8 % des clients ont été interrogés sur la détention éventuelle d’autres crédits. »

Nous avions également défendu l’interdiction du démarchage en matière de crédit renouvelable, ou encore l’interdiction de toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement. Ces mesures sont importantes pour limiter les abus.

Nous avions proposé d’autres pistes pour optimiser l’information des citoyens relative aux possibilités offertes dans l’éventualité de difficultés budgétaires et de paiement – on peut mentionner une saisine du juge ou le recours à une commission de surendettement –, comme la mise en place d’un dispositif d’information en cas de perte d’emploi.

Nous avions suggéré une modification du mode de calcul du taux d’usure, afin de diminuer le plus possible les abus. Au 1er octobre dernier, le taux usuraire applicable aux prêts consentis aux particuliers pouvait atteindre jusqu’à 20,3% !

Ces mesures n’ont pas été reprises par les auteurs du rapport en cause, mais nous ne manquerons pas de les soutenir dans le cadre du débat parlementaire.

Ensuite, à l’instar des associations de consommateurs, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le développement sans contrôle du crédit sur Internet. Au mois de janvier dernier, la Commission européenne a contrôlé 562 sites offrant des crédits à la consommation et a relevé un taux d’infraction à la réglementation de 70 %. De plus, les sites ont des simulateurs de crédits qui aboutissent généralement, et, bien évidemment, sur des crédits revolving.

Enfin, comme les auteurs du rapport n’ont pas manqué de le souligner, l’accompagnement, l’information et le contrôle sont extrêmement importants pour la mise en œuvre de la loi.

Pour ce qui concerne le contrôle, je vous renvoie à l’excellente contribution de ma collègue Évelyne Didier, dans son rapport pour avis sur les crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2012. Elle remarquait alors à propos de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : « […] la DGCCRF est aujourd’hui face à ce qu’on pourrait appeler un “effet de ciseaux” entre ses missions et ses moyens. En effet, si l’on additionne toutes les missions créées par les textes ou imposées par les priorités politiques conjoncturelles, le tableau qu’on obtient est celui d’une DGCCRF qui croule littéralement sous les missions nouvelles. Dans le même temps, et c’est la deuxième branche de l’effet de ciseaux, la DGCCRF voit, année après année, ses crédits et ses effectifs baisser. » (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation.)

Or la réforme du crédit à la consommation est un exemple de l’élargissement des missions de cette administration.

En 2011, la DGCCRF a diligenté deux enquêtes pour s’assurer de la mise en œuvre de la loi du 1er juillet 2010. La première enquête, qui porte sur la publicité des crédits à la consommation, vise à vérifier le respect des nouvelles obligations. La seconde, qui concerne l’assurance-emprunteur des crédits immobiliers et des crédits à la consommation, tend à recueillir des éléments d’information sur ce marché en mutation et à vérifier la réalité de la liberté de choix laissée au consommateur en matière de conclusion d’une assurance de ce type.

Cette année même, trois enquêtes nationales sont programmées sur le crédit renouvelable, le regroupement de crédits, les autorisations de découverts et les dépassements de découverts.

Enfin, il est fondamental d’accompagner les personnes connaissant des difficultés financières. C’est l’une des missions des agents de la Banque de France. En effet, celle-ci, qui devrait être plus présente auprès de tous les acteurs économiques et sociaux dans l’exercice de chacune de ses missions – je pense au surendettement, à la lutte contre l’exclusion financière, à la médiation du crédit, au suivi de l’économie des territoires et des bassins d’emploi, à l’entretien des billets –, est sévèrement attaquée par le plan Noyer.

En Bretagne, ce dernier prévoit la fermeture de la caisse de Saint-Brieuc, la disparition du centre de traitement de la monnaie de Lorient et l’abandon de toute activité fiduciaire, c’est-à-dire l’échange des billets, avec les particuliers. La ville de Quimper, quant à elle, disposerait d’un centre de traitement du surendettement, mais il ne prendrait plus en charge l’analyse des bilans et la cotation des entreprises. Et Vannes et Brest auraient un centre de traitement des entreprises, mais qui ne s’occuperait plus des dossiers de surendettement. Seule la succursale rennaise conserverait l’ensemble des activités.

C’est pourquoi j’insiste sur le fait qu’une réforme du crédit et du surendettement restera lettre morte si la présence de la Banque de France n’est pas renforcée sur tout le territoire, au plus près des citoyens, et si les moyens accordés à la DGCCRF ne sont pas renforcés !

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