Un raisonnement économique tronqué et à courte vue
Quel financement pour les transports collectifs en France ? -
Par Évelyne Didier / 20 novembre 2014Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais prolonger le propos de Ronan Dantec.
Depuis 2004, les régions sont devenues autorités organisatrices de transports, mais elles n’ont pas reçu de juste compensation financière, alors même qu’elles ont fortement développé l’offre. La réforme territoriale en cours de discussion renforce cette compétence, mais sans que des moyens nouveaux soient identifiés. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que le débat était en cours, mais, pour le moment, je ne vois pas de moyens attribués aux régions. La situation est d’autant plus problématique que l’environnement financier est peu propice aux investissements nouveaux du fait de la réduction des dotations de fonctionnement.
Parallèlement, le Gouvernement semble s’orienter davantage – des annonces ont été faites en ce sens – vers le transport routier, notamment par bus, qu’il juge plus compétitif en vertu d’un raisonnement économique qui nous semble tronqué et à courte vue : tronqué parce qu’on ne se pose pas la question de la sécurité ni celle de l’environnement, et à courte vue parce que, à terme, le réseau routier devra lui aussi être rénové et que cela coûtera beaucoup d’argent, si l’on en juge par l’état du réseau, qui s’est dégradé depuis quelques années.
Les infrastructures constituent l’un des points forts de notre pays, l’un de nos « atouts compétitifs », pour employer votre vocabulaire. Ne pas garantir des financements adéquats, c’est perdre cet atout ou apporter de mauvaises réponses par la privatisation des réseaux et le choix de la route au détriment du train.
Nous avions proposé en 2012 une attitude plutôt offensive : instauration d’un livret d’épargne pour financer les transports, généralisation de la taxe poids lourds, nationalisation des autoroutes et participation renforcée des entreprises par le versement transport.
Vos tournez le dos à ces propositions, comme en témoigne votre position sur le versement transport interstitiel. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de nous dire que la porte n’était pas fermée. Je m’en réjouis ; nous verrons ce qu’il en sera lors du prochain débat.
Pouvez-vous nous donner dès à présent des compléments d’information ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous contestez certains aspects, relatifs au développement du transport par autocar, du projet de loi pour la croissance et l’activité, qui vise à améliorer notre compétitivité. Je veux être très clair : il ne s’agit pas – le texte mettra les verrous nécessaires – d’organiser ni même de prendre le risque que s’organise une concurrence avec les lignes ferroviaires gérées par les régions, et notamment les transports express régionaux, les TER. Cela n’a strictement rien à voir.
Qu’on le veuille ou non, un modèle de transport par autocar sur de longues distances – plus de 200 kilomètres – à l’intérieur d’un même pays se développe actuellement en France et plus encore en Europe. On peut faire tous les discours qu’on veut, mais le constat est là.
Nous avons d’ailleurs eu un débat similaire lors de l’apparition du transport aérien low cost : certains ont dit que ce n’était pas pour nous, mais ce moyen de transport correspond aux besoins de gens que leur situation sociale empêche de voyager autrement. Non seulement ce n’est pas réactionnaire, mais c’est même assez progressiste de leur permettre de voyager de cette manière.
La France pâtit du retard qu’elle a pris en matière de transport aérien. Elle doit regarder le développement du transport par autocar avec lucidité. Il y a là des gisements d’emplois. Il faut bien sûr prendre des précautions, nous en sommes d’accord. Il ne s’agit pas d’organiser la concurrence avec le rail, mais de nous permettre, en simplifiant les formalités administratives, d’être au rendez-vous du transport par autocar. Telle est la réponse que je voulais apporter à votre interrogation légitime.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le secrétaire d’État, je prends note de vos propos, qui sont très intéressants. Je me permets toutefois de souligner qu’il n’existe pas d’égalité de traitement entre le rail et la route. Les compagnies qui transportent des voyageurs ou du fret par rail doivent louer des sillons à RFF – Réseau ferré de France. Les entreprises de transport routier, par bus ou par camion, ne supportent pas cette charge. Il y a donc une distorsion de concurrence, comme nous ne cessons de le rappeler. Je rappelle aussi que les routes sont entretenues par les collectivités. C’est pourquoi nous souhaitons qu’un rééquilibrage soit opéré.