Un véritable déni de la souveraineté des peuples
Déficit démocratique de l’Union européenne -
Par Eric Bocquet / 30 janvier 2014Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’emblée saluer l’excellent choix de nos collègues du groupe UDI-UC pour le thème de ce débat.
La très grande majorité des citoyens européens a effectivement l’impression que l’Union européenne est une gigantesque machine administrative très éloignée de leurs préoccupations. Et ce n’est malheureusement pas complètement faux...
De plus, quand l’avis des peuples est sollicité, l’Europe n’en tient pas toujours compte. Le référendum français de 2005 en est un des exemples les plus flagrants, puisque le peuple a majoritairement rejeté le traité établissant une constitution pour l’Europe, ce qui n’a pas empêché la ratification par le Parlement du traité de Lisbonne, qui, sur le fond, est exactement le même que celui qui avait été rejeté.
Le recours au référendum doit être non pas un exercice à géométrie variable, mais une pratique régulière. Je ne dis pas que le problème de l’adhésion de la Turquie, dont il a été question récemment, n’est pas important, mais l’utilisation d’une telle procédure en l’espèce peut aussi servir à masquer les véritables enjeux.
Le manque de démocratie est également flagrant en ce qui concerne les documents et les questions budgétaires. Désormais, le budget national est présenté à Bruxelles avant même qu’il ne soit discuté par le parlement français. C’est là un véritable déni de la souveraineté des peuples !
Le dogme de la concurrence libre et non faussée est, lui aussi, d’une certaine manière, un frein démocratique. Toutes les législations que l’on pourrait prendre pour protéger les citoyens ou l’environnement sont la plupart du temps abandonnées afin de respecter le mantra de la concurrence, ce qui se traduit par un affaiblissement du pouvoir législatif. A-t-on demandé l’avis des citoyens européens sur la directive des travailleurs détachés, par exemple, alors même que cette dernière remet en question le droit du travail et n’a jamais été adoptée par le parlement français ?
Pour notre part, nous croyons à une Europe des coopérations et des solidarités.
Monsieur le ministre, quelles initiatives précises le Gouvernement entend-il adopter pour rendre le processus de la construction européenne plus démocratique et plus proche des peuples ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il faut renouer le lien entre les citoyens et l’Europe. Seulement, à mon sens, ce n’est pas par le mécano institutionnel que nous y parviendrons, mais en donnant la preuve que l’Europe peut aussi apporter des réponses, au quotidien, aux préoccupations des citoyens, des acteurs économiques ou des défenseurs de l’environnement, pour reprendre quelques-unes des thématiques que vous avez abordées.
C’est d’ailleurs cette démarche que, sous l’égide de François Hollande, nous mettons en place : il s’agit de manifester du respect, à la fois envers les États membres, quels qu’ils soient, et les institutions, avec le souci constant d’apporter des réponses concrètes. Permettez-moi de vous en citer quelques-unes, apparues au cours des derniers mois.
S’agissant du détachement des travailleurs, que vous avez évoqué, si nous n’avons pas consulté nos concitoyens directement, nous avons néanmoins saisi leurs représentants de la question, puisque, souvenez-vous, le Sénat a adopté à une grande majorité une résolution européenne, dont vous étiez d’ailleurs l’un des auteurs, contre le dumping social.
Nous avons aussi, au cours des derniers mois, adopté au niveau européen une ligne budgétaire de 6 milliards d’euros pour aider toutes les régions où le taux de chômage des jeunes est trop important, afin d’accompagner ces dernières sur des plans de formation et le développement de l’apprentissage.
Sachez également que nous irons jusqu’au bout du combat que nous avons engagé contre la fraude et l’évasion fiscales, car il est anormal que nous soyons obligés d’augmenter les impôts, alors que certains, qui devraient en payer, n’en paient pas, parce qu’ils passent à travers les mailles d’un filet institutionnel trop lâche.
Nous avons aussi adopté un budget pour la période 2014-2020 de 1 024 milliards d’euros, qui seront investis dans l’Union européenne sur de grands chantiers pourvoyeurs d’emplois.
Enfin, des discussions sont menées actuellement pour nous assurer que, dans quelques années, il sera interdit de diffuser des OGM en plein champ, car cela comporte des risques pour la santé et l’environnement.
En conclusion, je dirai que nous devons toujours avoir en tête, quelle que soit notre place, le souci de nos concitoyens. Les gouvernements doivent toujours dialoguer avec les parlements nationaux et tenir compte de leurs positions. D’ailleurs, nous avons tenu compte du « carton jaune » que vous aviez brandi ici, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque le droit de grève était menacé au niveau européen : ce texte n’a jamais abouti. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Permettez-moi de formuler, au nom du groupe CRC, trois propositions précises.
Dans un premier temps, afin que les citoyens se sentent réellement impliqués dans le processus de construction européenne, il me semble indispensable de rendre systématique la consultation des peuples sur les traités essentiels.
Ensuite, il nous paraît également indispensable d’accroître les pouvoirs du Parlement européen par rapport à ceux de la Commission, car, actuellement, ceux qui prennent les décisions, c’est-à-dire les commissaires européens, n’ont aucune légitimité démocratique, puisqu’ils ne sont élus par personne.
Enfin, notre troisième proposition est liée à un sujet que vous avez évoqué, à savoir l’évasion fiscale : nous pensons qu’il est urgent d’avancer sur l’harmonisation, fiscale notamment. Combien de temps encore allons-nous accepter qu’un seul pays de l’Union européenne puisse bloquer les avancées en matière de transparence et de transmission automatique des informations ?
Pour conclure, j’espère sincèrement que les élections au Parlement européen du 25 mai prochain seront l’occasion d’amener ces sujets au centre du débat. Pour notre part, nous avons bien l’intention d’y contribuer très activement.