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Nos propositions de loi et de résolution

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Un véritable déni démocratique

Inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet de loi de ratification du CETA -

Par / 5 janvier 2021

Pourquoi une proposition de résolution ?

Le CETA qui a été négocié pendant plus de sept ans et approuvé par le Parlement européen en février 2017, suppose au vu de sa nature juridique mixte une procédure d’adoption particulière : soit l’accord des États membres de l’Union Européenne via une ratification des parlements nationaux ou par voie de référendum.

Toutefois, malgré l’exigence d’une ratification par les États membres, la Commission européenne a déclaré qu’il sera possible d’appliquer cet accord économique et commercial « à titre provisoire », jusqu’à ce que les procédures de ratification nécessaires à sa conclusion soient achevées. Ainsi, aujourd’hui son contenu s’applique à 90 %, ce qui est déjà une atteinte aux droits des parlements nationaux de ratifier en bonne et due forme l’intégralité des accords commerciaux européens négociés par la commission européenne.
Si l’Assemblée nationale a approuvé la ratification de ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, par 266 voix contre 213, et 74 abstentions, en juillet 2019, le Sénat n’a toujours pas été saisi du projet de loi de ratification.

À l’opacité qui a prévalu dans sa négociation, dans sa mise en œuvre et dans ses effets, s’ajoute maintenant une incertitude quant à l’échéance de sa ratification.

Cela contredit l’article 53 de notre Constitution qui stipule que la ratification des traités est soumise à l’autorisation du Parlement. Parlement qui, dans notre pays, est bicaméral.

L’incapacité du gouvernement à saisir le Sénat de cette procédure de ratification est un véritable déni démocratique au vu de notre Constitution et des enjeux qu’apporte ce traité.

En effet, l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (CETA) est un traité de libre-échange de nouvelle génération. Il concerne donc des domaines de compétences partagées entre l’Union Européenne et les États membres.

Ce traité constitue une première, car en plus de réduire les barrières tarifaires, il s’étend désormais aux barrières non tarifaires, en se dotant de mécanismes d’harmonisation des normes qui régissent les relations entre les États. De nombreux secteurs sont ainsi concernés : l’environnement, l’agriculture, les protections sociales, les réglementations sanitaires, les investissements ou encore les marchés publics.

De fait, son enjeu majeur est de viser à amoindrir toutes les entraves existantes au commerce, même lorsque l’intérêt général est en jeu, avec notamment nos services publics, notre santé et l’environnement. En ce sens, cet accord s’inscrit dans la longue liste de ces traités de libre-échange animés par des dogmes néolibéraux à l’origine d’une « mondialisation malheureuse » pour les peuples.
Et c’est pour cette raison que ce type d’accords suscite inquiétude et opposition. Il ne s’agit pas de plaider pour le « repli sur soi », mais de mettre en exergue les risques inédits que ces accords font peser sur la démocratie.
Un débat traverse tous les bancs de notre assemblée sur les conséquences des libres circulations des marchandises et des capitaux dans la propagation et la durabilité de l’actuelle pandémie. Celle-ci remet en cause bien des idées qui prévalaient jusque-là.

En effet, il ne s’agit plus, comme dans les accords commerciaux classique, de réduire les droits de douanes mais de répondre aux seuls intérêts des entreprises multinationales qui visent aujourd’hui à remettre en cause des domaines importants de la vie sociale, que sont l’environnement, la santé et les normes qui déterminent les niveaux de protection des citoyens et consommateurs ou les droits des travailleurs.

C’est une marche en avant vers la suppression des nombreux conquis sociaux et politiques qui ont façonné nos sociétés et qui sont fondés sur les valeurs des populations de chaque région concernée. Tout cela, non au profit des peuples mais des multinationales européennes et canadiennes, voire états-uniennes.
Nous sommes loin de la seule création d’une zone de libre-échange, car ce que prévoit le CETA, comme les autres accords de nouvelle génération de ce type, représente une dilution des pouvoirs et un transfert de compétence vers des organes – comités mixte ou spécialisés, tribunal compétent pour le règlement des différends entre autorités publiques et investisseurs – qui, d’une part n’ont aucune légitimité démocratique, et qui d’autre part ne se rattachent ni à l’ordre juridique de l’Union européenne ni à ceux de ses États membres. Outre un pouvoir de contrainte, ces organes interfèrent dans l’exercice du pouvoir législatif et règlementaire des États membres et des instances de l’Union européenne.

1/ À travers le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), le CETA offre aux multinationales de nouveaux moyens de pression contre les États et les autorités publiques. Ces premières auront la possibilité d’attaquer les États devant « un tribunal des investissements », au motif que des décisions politiques affecteraient leurs « attentes légitimes », c’est-à-dire leurs bénéfices, réels ou escomptés. De plus, nous n’avons aucune certitude que dans ces tribunaux privés, les avocats des multinationales d’un jour ne deviendront pas les juges officiels de ces tribunaux le lendemain, comme nous l’avons trop vu avec leurs prédécesseurs les ISDS (Investor-State-Dispute-Settlement) ou encore la Cour des investissements (Invest court system).

C’est une atteinte inacceptable à la capacité de l’Union européenne et des États membres à légiférer, particulièrement dans les domaines sociaux, sanitaires et environnementaux.

Pire ; ni les citoyens, ni les investisseurs nationaux, ni même les États ne pourront avoir recours à cette procédure ad hoc ; les entreprises se retrouvant donc dans une position où elles sont irresponsables de leurs actes en matière sociale et environnementale, même en cas de manquement.

2/ En outre, le CETA prévoit également des mécanismes de coopération règlementaire. Ces mécanismes visent faire prévaloir « le moins disant réglementaire » puisqu’il s’agit de remettre en cause les limitations aux échanges commerciaux qui auraient leurs sources dans la réglementation des États. Les maîtres mots de ce mécanisme sont donc harmonisation, reconnaissance mutuelle, ou encore simplification.

En d’autres termes, la coopération règlementaire signifie que la préférence sera donnée à des normes moins strictes en matière sanitaire, sociale ou environnementale, par un forum de la coopération qui n’a encore une fois aucune légitimité démocratique. Ce mécanisme pose une question claire de souveraineté et de contrôle démocratique des décisions prises par les Parlements nationaux. Celui-ci, dès lors qu’il serait approuvé, dessaisirait les gouvernements et les parlements dans l’élaboration des normes.

En effet, les règles concernant la sécurité des consommateurs ou la protection de l’environnement, pour ne citer que ces deux exemples, ne sont pas de simples règles techniques mais des normes de nature politique qui reflètent des choix de société. Le risque est grand de voir, demain, ces choix remis en cause sans contrôle démocratique.

Comme le soulignent de nombreuses ONG, par ce mécanisme de coopération règlementaire, le CETA vise entre autres les normes agricoles et alimentaires. En effet, les systèmes alimentaires du Canada et de l’Union européenne diffèrent significativement. Ainsi, par exemple, le Canada est un grand consommateur de produits chimiques, de pesticides et d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Que dire encore de l’alimentation animale et de l’administration d’anabolisants et d’antibiotiques comme activateurs de croissance ? Ceux-ci, interdits en Europe, ne sont pas mentionnés dans le CETA ; ils pourraient malheureusement se trouver soumis aux mécanismes de coopération règlementaire. Que dire enfin - et la liste n’est pas exhaustive - de la règlementation canadienne qui autorise le rinçage et le traitement au chlore de la viande de bœuf et de poulet, méthodes interdites en Europe ? Ce sont autant d’éléments qui justifient actuellement de réels échanges agricoles entre l’Union européenne, la France en particulier et le Canada.

C’est en ce sens que le CETA et les accords de nouvelle génération, ne sont pas à même de répondre et de respecter « les préférences collectives européennes ». Comme cela a été souligné par de nombreux chercheurs : « les omissions actuelles laissent un doute sur la volonté de l’Union de conserver intactes ses préférences ; les mécanismes de règlement des différends et de coopération règlementaire (JCR) n’écartent pas totalement le risque de conflits d’intérêts et de capture du régulateur par une interprétation biaisée des « attentes légitimes des entreprises » éventuellement « frustrées » par les décisions des gouvernements au fil du temps. Sans parler « d’une sorte d’asservissement volontaire », des États « qui s’abstiendraient de prendre des décisions allant dans le sens de l’intérêt général, par crainte d’être poursuivis par les investisseurs devant la cour et les juges qu’ils auront pourtant nommés. »
3/ En matière agricole, l’ensemble des syndicats agricoles exprime une vive opposition aux accords de libre-échange, en particulier avec le Canada.
En matière d’élevage en particulier, le CETA prévoit un contingent d’importation de 65 000 tonnes de viande bovine par an.

Il est répété à l’envie que les produits ne respectant pas nos normes resteront bloqués à la frontière. Et pourtant, un rapport de 2018 de l’Inspection générale des finances montre justement les insuffisances des contrôles aux frontières concernant les importations de produits agricoles.

Les politiques d’austérité que notre pays connait depuis de trop nombreuses années ne permettent plus un contrôle fiable et d’ampleur. Nous n’avons plus les moyens de contrôler 100% des produits, de tracer l’ensemble des produits utilisés, et encore moins les conditions précises d’élevage, et de même aucun contrôle sur les résidus de pesticides ne sera véritablement réalisé sur les importations de soja destinées à l’alimentation animale, pour ne prendre que ces exemples.

Comme le soulignent de nombreuses associations de défense de consommateurs dont, l’UFC Que choisir, le système de traçabilité mis en place n’est pas satisfaisant : « les différentes bases de données informatiques ne sont pas interconnectées, la traçabilité des bovins admissibles à l’exportation vers l’UE repose principalement sur des documents en version papier incomplets ou contenant des informations erronées, et les contrôles de traçabilité dans les exploitations ont révélé des défaillances »

De plus, les modalités de contrôles mis en place au Canada ne permettent pas de s’assurer du respect de cette interdiction. « Les vétérinaires privés agréés pour certifier que les animaux destinés à l’exportation n’ont pas reçu ces activateurs de croissance sont rémunérés par les exploitants, qu’ils conseillent par ailleurs. Une situation de conflit d’intérêts qui remet en question la fiabilité de leurs attestations. »

4/ Enfin, rappelons que la Commission Schubert, mandatée pour évaluer le CETA, a pointé dans ses conclusions le « manque d’ambition » environnementale de l’accord. Et aucun soi-disant « veto climatique » ne pourra y remédier puisqu’aucune procédure ne permet aux États d’opposer réellement ce veto aux investisseurs privés. La Commission Schubert est sans appel : « Il existe un risque qu’une mesure règlementaire destinée à lutter contre le changement climatique soit considérée comme un simple obstacle aux échanges et que le mécanisme d’arbitrage induise des demandes de réparation. »

« Rien ne permet de garantir dans le traité que les futures dispositions environnementales nécessaires à la poursuite des objectifs de la France en matière de transition énergétique et de développement durable ne seront pas attaquées ». Tout est dit !

5/ Malgré toutes ces problématiques et réserves, le CETA est aujourd’hui d’application provisoire.

Certes, cette application ne couvre pas l’intégralité de cet accord dit mixte, mais les seules dispositions qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union, cela constitue toutefois plus de 80% de l’accord.

Toutefois, comme le souligne la CNCDH, « cette application provisoire » soulève différents questionnements. Tout d’abord, la notion de « mixité » perd toute sa portée si une application provisoire est faite de l’accord. En effet, le besoin d’obtenir l’assentiment des parlements nationaux semble surfait, car ils seront dans une situation de non-retour où l’accord qui leur est proposé aura déjà commencé à produire des effets. Il s’agit d’une imposition de fait du traité qui contrevient au principe même de mixité, plaçant la voix des parlements nationaux à hauteur de celle des institutions de l’UE.

De plus, cette application provisoire du CETA n’est encadrée par aucune contrainte de temps réelle ou contrôle démocratique national.

« Ceci constitue un véritable déni de démocratie politique. De même, si un pays rejetait la ratification du CETA, ce dernier n’en continuerait pas moins à s’appliquer pendant trois ans. Tout a été organisé pour que ce traité soit élaboré et appliqué en dehors de la volonté des peuples. Il traduit le fait que la « mondialisation » est un prétexte et un moyen pour retirer nombre de questions du domaine du domaine politique en prétendant qu’il s’agit de questions techniques »

Conclusion :

Pour toutes ces raisons, il est urgent que le Sénat soit saisi du projet de loi de ratification de cet accord.

Il ne suffit pas d’élaborer des plans d’action avec « des engagements ambitieux sur le rôle du Parlement » pour la mise en œuvre de ce traité, il ne suffit pas de promettre une meilleure information voire association du Parlement, ou encore pour les futurs accords commerciaux à négocier, le plus haut niveau de transparence et d’association de la Représentation nationale, il est nécessaire avant toute chose de respecter à la lettre de notre Constitution.

Comme cela a été rappelé il y a peu par le Président du Sénat lui- même, le rôle du Sénat n’est pas optionnel ; le Sénat n’est pas une chambre consultative. Sur un autre texte, le Président Larcher a rappelé qu’un débat parlementaire qui a été engagé doit se poursuivre conformément à nos institutions dans la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat et cela est vrai pour tous les textes dont est saisie la Représentation nationale.

« Le Parlement est composé de deux assemblées qui détiennent exactement les mêmes prérogatives dans l’initiative et l’élaboration de loi, l’Assemblée nationale ne pouvant statuer définitivement qu’après échec éventuel de la commission mixte paritaire et une nouvelle lecture dans chaque assemblée ».

De plus, rappelons que ce traité s’applique de manière provisoire depuis 2017 et pose en cela une entorse inadmissible à la démocratie.

C’est pourquoi, nous invitons le gouvernement à inscrire à l’ordre du jour du Sénat le projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, voté en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019.


Proposition de résolution pour l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet de loi de ratification du CETA

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Considérant que l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne affecte de manière notable la politique économique, environnementale, agricole ou encore sociale de notre pays, altérant ainsi durablement le périmètre de la souveraineté nationale garantie par l’article 3 de la Constitution ;

Invite le Gouvernement à poursuivre la procédure de ratification engagée devant le Parlement, par l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet de loi n° 694 (2018-2019) autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, transmis au Sénat le 23 juillet 2019.

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