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Nos propositions de loi et de résolution

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Les parlements nationaux doivent impérativement être consultés

CETA -

Par / 29 septembre 2016

Les négociations engagées en 2009 entre la Commission européenne et le gouvernement canadien en vue de la conclusion de l’accord économique et commercial global (AECG), ont abouti à un premier texte conclu lors d’un sommet Union européenne-Canada le 26 septembre 2014. Un second texte, amendé, a été publié le 29 février 2016, et validé dans sa version définitive par le Conseil européen du 13 mai 2016.

Le 5 juillet dernier, à la suite des pressions exercées par plusieurs États membres, dont la France et l’Allemagne, la Commission européenne a rendu publique une décision pour la signature et la conclusion de l’accord économique et commercial global le considérant comme un accord mixte.

Cette signature pourrait intervenir dès le prochain sommet Union européenne-Canada prévu le 27 octobre 2016. L’accord économique et commercial global pourrait alors être appliqué provisoirement, dès sa signature, après accord du Parlement européen, et avant même sa ratification par les parlements nationaux.

Comme pour les autres négociations actuellement conduites par la Commission européenne avec les États Unis (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, TTIP) ou celles relatives au commerce des services (Accord sur le commerce des services, TISA), l’accord économique et commercial global vise essentiellement à la suppression de la majeure partie des droits de douane restant sur les produits agricoles et industriels, à l’abaissement des barrières au commerce de nature non-tarifaire, à faciliter les investissements croisés, à l’obtention d’une meilleure protection de la propriété intellectuelle ainsi qu’à faciliter l’accès aux marchés publics pour les entreprises.

Pour mémoire, en 2014, le Canada était le douzième partenaire commercial de l’Union européenne, représentant 1,7 % des échanges extérieurs de l’Union, laquelle était le deuxième partenaire commercial du Canada, après les États-Unis, intervenant dans 9,4 % du total des échanges internationaux canadiens. Le commerce Union européenne-Canada s’établissait à 59 milliards d’euros, dont 27 pour les services. L’investissement européen au Canada et l’investissement canadien dans l’Union européenne ont atteint respectivement 225 et 117 milliards d’euros en 2013. En 2014, les échanges entre la France et le Canada s’établissaient à 11 milliards d’euros, 6 pour les biens et 5 pour les services. Le commerce avec le Canada ne représentait qu’un peu plus de 1 % du commerce extérieur total de la France, principalement dans les secteurs aéronautique et pharmaceutique.

Enfin, il est utile de rappeler que 24 000 sociétés américaines possèdent une filiale au Canada.

Si le texte modifié du 29 février 2016 comporte des avancées qu’il convient de saluer, notamment en matière de résolution des différends dans le cadre de la protection des investissements, allant dans le sens de résolutions européennes adoptées récemment par le Sénat (résolution portant sur le règlement des différends investisseurs-États dans les projets d’accords commerciaux entre l’UE, le Canada et les États-Unis1(*) et résolution européenne2(*)), de nombreuses interrogations et points d’éclaircissement demeurent :

Concernant le règlement des différends, la Commission européenne est revenue sur l’Investor-State Dispute Settlement (ISDS, mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États) et le principe d’une future cour permanente (Investment Court System, ICS) est mentionné plutôt que le recours l’arbitrage initialement prévu. L’article 8 de l’accord économique et commercial global prévoit désormais la professionnalisation des arbitres, un mécanisme d’appel et le rejet d’emblée des procédures abusives. Le Gouvernement français a joué ici un rôle majeur avec son homologue allemand, afin que soient révisés les chapitres 10 (investissements) et 33 (règlement des différends) du projet d’accord économique et commercial global. Le nouveau texte ne précise toutefois pas les modalités pratiques du mécanisme d’appel et ne comporte pas de clause anti-contournement. Ceci soulève certaines préoccupations, en particulier pour le cas où des entreprises de pays tiers tenteraient d’utiliser des modalités de l’accord économique et commercial global grâce à une implantation de filiale au Canada, ou encore en cas d’application du règlement des différends par le système de cour pour une durée de trois ans, et ce même si l’accord venait finalement à être rejeté.

Par ailleurs l’Investment Court System n’apporte aucune garantie permettant de préserver les États de tout recours d’une société au titre d’une supposée expropriation indirecte. En ce sens l’Investment Court System ne répond que très partiellement à la résolution européenne n°57 du 3 février 2015, adoptée à l’unanimité.

Concernant le secteur agricole, la suppression de la majeure partie des droits de douane couplée à l’adoption de quotas d’importations de viande bovine et porcine (au total, près de 65 000 tonnes de viande bovine et 75 000 tonnes de viande porcine par an pourront bénéficier de droits de douane nuls en Europe) suscitent de vives inquiétudes dans le contexte actuel de crise de ces filières en France. Ces mesures ne risquent-elles pas de fragiliser davantage les producteurs français ? Par ailleurs, l’accord prévoit la protection de 172 indications géographiques protégées (IGP) agroalimentaires européennes au Canada, dont 42 dénominations françaises, devant faire l’objet d’une protection totale, assortie de la possibilité d’un recours administratif. Or, ce sont plus de 1 400 indications géographiques protégées qui sont actuellement reconnues par l’Union européenne, ou enregistrées et en voie de l’être. Des informations plus précises sur l’impact de ces mesures en France doivent être données. Il faudra également évaluer l’impact du système « indications géographiques protégées » sur la qualité des produits ainsi que sur la structuration des filières de production et de commercialisation, compte tenu de la coexistence autorisée d’une partie des marques déposées canadiennes.

En ce sens un grand nombre de préoccupations exprimées par la résolution européenne n°83 du 4 février 2016 - elle aussi adoptée à l’unanimité - sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire se retrouvent dans l’accord économique et commercial global.

Des interrogations peuvent également être nourries en matière d’environnement et de développement durable, l’accord économique et commercial global ne devant pas priver l’Union européenne et ses États membres de recourir à des instruments politiques dès lors que le gouvernement canadien ou des entreprises canadiennes seront concernées.

Les implications du principe de liste négative que retient l’accord économique et commercial global pour les secteurs ouverts à la concurrence des entreprises et opérateurs étrangers et leurs conséquences pour la conduite des politiques publiques (tout nouveau service ne pouvant être réglementé ou nationalisé) demeurent difficiles à évaluer. Il apparaît indispensable de disposer d’études spécifiques sur ce point. Par ailleurs, certaines précisions doivent impérativement être apportées, notamment pour ce qui est des secteurs tombant sous le coup de l’exception prévue à l’article 9.2.2. Il nous faut être attentif à ce que l’accord ne limite pas la capacité des collectivités locales à dynamiser les économies locales ou à réaliser leurs missions de service public.

Initialement considéré comme relevant de la compétence exclusive de l’Union européenne, la Commission européenne a finalement proposé, le mardi 5 juillet 2016, la signature et la conclusion de l’accord économique et commercial global en tant qu’accord mixte. Sa ratification devrait donc nécessiter non seulement l’aval du Parlement européen, mais aussi celui des Parlements nationaux. Malgré cette décision, il apparaît indispensable que la France continue d’affirmer sa position en faveur du caractère mixte de l’accord, et demande à obtenir des précisions sur les secteurs de l’accord considérés comme relevant des compétences de l’Union européenne. En effet, la Commission a également souligné qu’elle liait l’appréciation du caractère mixte de l’accord aux clarifications attendues de la part de la Cour de justice européenne en matière de compétences pour la conclusion, la signature et la ratification de tels accords commerciaux entre l’UE et des parties tierces dans le cadre de la procédure préjudicielle en cours sur l’accord entre l’UE et Singapour.

La Commission européenne a par ailleurs annoncé qu’à la suite de la décision du Conseil et de la signature de l’accord, qui pourrait intervenir lors du sommet UE-Canada d’octobre prochain, il sera possible d’appliquer l’accord économique et commercial global à titre provisoire. Or, une application provisoire de l’accord risquerait de créer une situation de fait excluant les parlements nationaux du processus décisionnel. Compte tenu des obligations étendues découlant de l’accord économique et commercial global pour les États membres, leur capacité à pouvoir librement participer au processus décisionnel ne saurait être préjudiciée par une mise en oeuvre anticipée de l’accord. Il convient que des précisions soient données quant aux articles jugés applicables provisoirement car relevant de compétences communautaires et aux articles non concernés par une application provisoire car relevant de compétences nationales, et ce afin d’apprécier le périmètre que recouvre réellement le caractère mixte de l’accord. Dans ce contexte, afin de permettre le bon exercice du contrôle démocratique, il apparaît indispensable que la France exprime auprès de la Commission européenne son refus de toute application provisoire de l’accord.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution ;

Vu la version consolidée du projet d’accord économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada publiée par la Commission Européenne le 29 février 2016 ;

Considérant que la Constitution, dans son préambule et dans son article 3, consacre les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ; qu’elle précise, à son article 1er, que la France est une République « démocratique et sociale » ;

Considérant que les négociations menées en vue d’un accord économique et commercial global avec le Canada (CETA) et d’un partenariat transatlantique avec les États-Unis (TTIP) sont menées sans que soient pleinement mis en oeuvre les principes d’ouverture et de transparence posés à l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, par voie de conséquence, sans qu’ait pu être assuré un contrôle démocratique suffisant tant à l’échelon européen qu’à l’échelon national ;

Considérant qu’aux termes des articles 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 21 du traité sur l’Union européenne, la politique commerciale commune doit être menée dans le respect des objectifs de l’action extérieure de l’Union européenne et donc promouvoir un ordre multilatéral respectueux de la démocratie et de l’État de droit ;

Considérant que le Sénat est toujours dans l’attente de l’étude d’impact sur la France par secteur d’activité qu’il a demandée au Gouvernement dans sa résolution européenne n° 164 du 9 juin 2013 ;

Considérant la résolution européenne n°164 adoptée par le Sénat le 9 juin 2013, sur l’ouverture de négociations en vue d’un partenariat transatlantique ;

Considérant la résolution européenne n°57 adoptée par le Sénat le 3 février 2015, sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d’accords commerciaux entre l’Union européenne, le Canada et les États-Unis.

Considérant la résolution européenne n°83 adoptée par le Sénat le 4 février 2016, sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire ;

Considérant la décision du Conseil européen du 5 juillet 2016 qualifiant la signature de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada comme un accord mixte, cette décision pouvant être revue à la lumière du jugement que la Cour de justice européenne rendra prochainement sur l’accord Union européenne-Singapour ;

Invite le Gouvernement :

à poursuivre auprès de la Commission européenne la défense de la mixité de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada ;

à demander, à cet effet, auprès de la Commission européenne des précisions quant aux articles de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada considérés comme relevant exclusivement des compétences communautaires ;

à refuser toute mise en oeuvre provisoire de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada sans consultation préalable des Parlements nationaux ;

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