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Conseil européen des 15 et 16 juin à Bruxelles

Par / 14 juin 2006

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, il y a un an, lors du référendum du 29 mai 2005, une majorité de Français votait « non », rejetant ainsi le projet de loi de ratification du traité constitutionnel européen. Ce « non » français a été porté par une majorité de gauche.

Cette date du 29 mai ne représente pas un jour noir pour la construction européenne. Elle symbolise au contraire l’espoir d’un renouveau du projet européen.

Un an après le revers infligé par le peuple souverain aux tenants d’une Europe où règne la loi des marchés, l’Union européenne est toujours en déshérence. Les référendums français et néerlandais ont mis en lumière toutes les contradictions latentes de la construction européenne. Ils ont aussi dévoilé le fossé béant existant entre les citoyens et les dirigeants européens.
Depuis maintenant plus d’un an, on entend trop souvent que le « non » français et néerlandais aurait entraîné la crise européenne que l’on connaît aujourd’hui, alors que c’est la crise européenne qui a conduit à ce « non » !
Cette crise politique que traverse le projet européen pose avec force la question de l’avenir de l’Europe et de son sens.
Depuis un demi-siècle, la construction européenne s’est réalisée sur des politiques libérales conduisant à l’impasse.

On le constate indubitablement, l’Union européenne se trouve confrontée à un ralentissement de la croissance, de l’économie et de l’emploi. Tandis que les inégalités augmentent, les droits sociaux et les services publics se fragilisent, et cela dans le contexte de la persistance d’un niveau élevé de chômage, de pauvreté, d’exclusion sociale et de précarité de l’emploi. Ce sont autant d’éléments qui affaiblissent le « modèle social français » et européen et qui nous éloignent de l’avènement d’une prospérité accrue et partagée.

Plutôt que de proposer des solutions novatrices et d’offrir des sources d’espérance pour les peuples européens, les principes cardinaux de la construction européenne ne faisaient qu’inscrire dans le marbre les sacro-saintes lois du marché et de la libre concurrence. Dès lors, comment s’étonner du rejet d’un tel texte par le peuple français !
Le peuple souverain s’est exprimé, que cela vous fasse plaisir ou non.

Mais plutôt que d’enterrer ce texte désavoué, les chefs d’État et de gouvernement s’étaient donné un an de « pause » pour réfléchir au sort du traité constitutionnel tout en laissant les États membres qui le souhaitaient libres de poursuivre leur ratification.
Le groupe communiste républicain et citoyen avait alors dénoncé cette décision allant à l’encontre de la volonté du peuple souverain et constituant une véritable hypocrisie. Or la « période de réflexion » sur l’avenir de l’Europe n’a donné lieu à aucune prise de conscience de la part des dirigeants européens et aucun enseignement n’en a été tiré.
Les ministres européens des affaires étrangères, réunis les 27 et 28 mai derniers, ont décidé à l’unanimité que le projet de Constitution devait être poursuivi en tant que projet européen. « Sa peine de mort n’a donc pas été prononcée. »
Mme Ursula Plassnik, la ministre autrichienne des affaires étrangères, a indiqué que « personne n’avait déclaré morte la constitution ».

Les ministres européens des affaires étrangères ont au contraire exprimé leur volonté commune de définir les prochaines étapes du traité constitutionnel européen. Ils se sont engagés à trouver un accord sur la future base juridique de l’Union européenne d’ici à 2009 au plus tard.
Les conclusions du sommet européen des deux prochains jours à Bruxelles devraient comprendre la décision de prolonger la « période de réflexion ». C’est tout simplement inadmissible.
Je le rappelle, le traité constitutionnel européen doit être ratifié par tous les États membres de l’Union européenne pour entrer en vigueur. Or cette condition n’est pas remplie, puisque les référendums français et néerlandais se sont soldés par une réponse négative. Le traité a donc été rejeté. Par conséquent, il doit être déclaré caduc une fois pour toutes.

Il faut nous saisir d’une telle occasion pour amorcer une relance de la construction communautaire dans le sens d’une Europe des peuples, démocratique, synonyme de progrès social, de coopération et de paix. C’est ainsi que nous concevons l’avenir de l’Europe. Et c’est dans ce cadre que l’Union européenne doit décider d’une nouvelle négociation sur ses institutions et sur les politiques économiques et sociales en y associant naturellement les peuples européens.

Le lundi 29 mai dernier, un an après la victoire du non lors du référendum sur le projet de constitution, le Conseil européen des ministres du commerce intérieur s’est mis d’accord sur l’ouverture des services à la concurrence.
Certes, les modifications adoptées par le Parlement européen au mois de février et par la Commission européenne au début du mois d’avril ont été prises en compte. Sous la pression des luttes sociales et politiques à l’échelle européenne, les parlementaires européens et la Commission ont été amenés non pas à réviser entièrement le projet de directive dite « Bolkestein », comme vous venez de l’affirmer, monsieur le ministre, mais à en retirer les points les plus controversés, notamment le « principe du pays d’origine ». En outre, ils ont exclus de son champ d’application certains des services sociaux les plus sensibles, comme la santé, le logement social ou l’audiovisuel.

Il n’en demeure pas moins que l’accord adopté le 29 mai dernier reste fondamentalement marqué par la logique de la libéralisation. Si le « principe du pays d’origine » n’est plus mentionné, la menace n’en est pas écartée pour autant.
Ainsi, le Parlement européen a refusé que la notion de « pays d’accueil », qui interdirait clairement de pratiquer des conditions sociales inférieures à celles du pays accueillant, y figure.

Surtout, l’actuel projet de directive fait explicitement référence à la jurisprudence européenne. Or celle-ci s’est systématiquement et très clairement inscrite dans la logique du principe du pays d’origine.
De même, le Parlement de Strasbourg a refusé l’exclusion explicite des services publics du champ de la directive. Dès lors, en l’absence d’une directive cadre sur les services publics et sur l’harmonisation des législations sociales, et compte tenu du flou juridique qui existe entre les notions de « services d’intérêt général » et de « services d’intérêt économique général » - ces derniers sont concernés par la directive -, la menace d’une mise en concurrence des services publics persiste.

Or, nous en sommes convaincus, l’avenir de l’Europe dépend du développement des services publics, à travers le lancement de grands travaux et le renforcement des politiques de recherche et de développement. Encore faut-il réellement en avoir la volonté et s’en donner les moyens.
Les services publics sont synonymes de croissance et de solidarité.

Pour parvenir à un tel équilibre, qui répond aux attentes des peuples, le budget de l’Union mériterait d’être accru et redistribué dans un esprit de solidarité. Malheureusement, l’accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 témoigne que nous en sommes encore bien loin.

Un montant équivalant à 1,045 % du revenu national brut, le RNB, de l’Union européenne est très insuffisant et n’est pas en mesure de permettre une relance de l’Europe.
Les objectifs d’emploi, de justice sociale et de développement humain doivent se substituer aux obsessions libérales des dirigeants de l’Union européenne, qui sont focalisés sur les aspects strictement économiques. Il convient donc de réformer tous les dispositifs qui ont démontré leur inefficacité pour la construction d’une Europe sociale. Nous pensons notamment au carcan que constitue le pacte de stabilité et de croissance et à l’impasse à laquelle conduit la politique monétaire menée librement par la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen souhaiterait clarifier sa position sur l’élargissement. Nous y sommes tout à fait favorables. Et, pour être tout à fait clairs, nous ne concevons pas cette question à travers l’image populiste et dangereuse d’une prétendue « invasion des travailleurs des pays de l’Est ».
Notre principale préoccupation est au contraire de défendre l’intérêt des travailleurs européens, quelle que soit leur nationalité. Ceux-ci se trouvent confrontés aux mêmes périls sociaux, c’est-à-dire l’exploitation et la précarisation.

À l’écoute de la volonté populaire, nous croyons à une Europe sociale et à une harmonisation de la protection sociale des États membres par le haut. Telle est notre définition de la valeur ajoutée, notion que vous avez évoquée dans votre intervention, monsieur le ministre.
La relance du projet européen ne peut plus reposer sur les formules simplistes de l’économie libérale. Le principe de solidarité doit enfin se concrétiser dans les rapports au sein de l’Union européenne.

De ce point de vue, le secteur de l’énergie pourrait effectivement offrir un cadre privilégié. En effet, il s’agit d’un secteur à la fois stratégique et vital pour l’avenir - vous l’avez rappelé, monsieur le ministre -, mais également symbolique, puisque la construction communautaire a commencé en 1951 avec l’adoption du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA.

Malheureusement, comme dans d’autres domaines, la Commission européenne a donné la priorité à la libéralisation du marché intérieur du gaz et de l’électricité. Or, jusqu’à présent, une telle politique a surtout eu pour effets d’accélérer la concentration du secteur entre les mains de quelques grands groupes et de favoriser le remplacement des monopoles publics par des monopoles privés.
La libéralisation se traduit également par des augmentations de prix et remet en cause le droit à l’énergie pour tous.
De plus, nous devons continuer à promouvoir la diversité énergétique et le développement des énergies renouvelables, ce qui implique des investissements importants en faveur de la recherche.

Monsieur le ministre, de telles questions doivent se situer au coeur d’une stratégie de développement et de croissance. Elles devraient figurer au premier rang des priorités du septième programme-cadre de recherche et développement lancé par la Commission européenne.
En effet, il convient de tirer toutes les conséquences de la libéralisation. La sécurité énergétique est impossible sans la maîtrise publique de la production énergétique.
Une vision à long terme s’impose donc, car elle seule permet d’intégrer la charge des coûts externes majeurs que sont le traitement et la gestion des déchets, le démantèlement des installations, ainsi que la prise en compte des risques, notamment nucléaires.

Aussi est-il nécessaire d’instaurer une réelle transparence, une circulation effective des informations et un exercice concret de la citoyenneté.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la question migratoire. Permettez-moi juste de dire un mot sur ce sujet. Le projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration, déposé par votre gouvernement, nous montre clairement votre conception de l’Europe. Vous voulez une « Europe forteresse », incapable de relever les grands défis, notamment la politique de codéveloppement entre le Nord et le Sud !
Je souhaite également exprimer un sentiment paradoxal.
Certes, nous pouvons nous réjouir de la tenue de ce débat devant la représentation nationale à la veille d’un conseil européen.

Mais nous exprimons une fois de plus un avis purement informatif. Votre gouvernement n’est absolument pas tenu de le prendre en considération. Or, comme nous le savons, le déficit démocratique qui caractérise la construction européenne est notamment lié à l’absence de contrôle parlementaire sur l’activité communautaire du Gouvernement. De fait, au sein du Conseil des ministres, en participant à l’élaboration des décisions européennes, le Gouvernement récupère des compétences nationales transférées.
Cette situation, qui entraîne mécaniquement une régression des pouvoirs législatifs et financiers du Parlement, est tout simplement inacceptable ! Elle ne peut pas durer. Peut-être certains s’en satisfont-ils, mais ce n’est pas le cas des sénateurs du groupe CRC.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement. Je n’ai entendu ni proposition concrète ni volonté réelle de mettre en oeuvre une véritable politique de relance de la construction communautaire qui irait dans le sens des aspirations des peuples européens.

Certes, vous pourrez toujours dire qu’il faut agir avec les peuples si l’on ne veut pas agir contre eux. Mais votre intervention démontre que vous faites le contraire.

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