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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Autonomie financière des collectivités territoriales

Par / 1er juin 2004

par Paul Loridan

Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

L’examen de ce texte, censé assurer l’autonomie financière des collectivités territoriales était très attendu et a suscité bien des espoirs et des inquiétudes parmi les élus locaux.
Force est de constater, malgré les déclarations rassurantes du gouvernement, que ce projet de loi organique, dont la portée est plus que limitée, ne fait que confirmer les craintes. Crainte surtout que la décentralisation ne se traduise pas par un meilleur service, mais par l’escalade des impôts locaux.

Au moment du vote du transfert du RMI aux départements, puis du projet sur les responsabilités locales, le gouvernement n’a eu de cesse de nous renvoyer à ce texte, censé apporter une solution à toutes les difficultés financières que les transferts de compétence aux collectivités allaient immanquablement entraîner. Il fallait discuter du cadre financier de la réforme avant de débattre de la nature des transferts. Nous comprenons tous maintenant les atermoiements du calendrier, car ce projet de loi organique ne résouds rien, au contraire.

Tout d’abord, en fixant brutalement trois catégories de collectivités, les communes, les départements et les régions, ce projet méconnaît gravement les réalités financières locales, caractérisées par une grande diversité des situations. En effet, on ne peut ignorer que le taux d’autonomie financière varie considérablement entre collectivités appartenant à une même catégorie.
D’autre part, ce texte ne prend pas en compte en tant que catégorie autonome les intercommunalités à fiscalité propre, alors même que leur nombre ne cesse de s’accroître et au moment où une réflexion sur la suppression de la taxe professionnelle est engagée et que son remplacement est encore pour le moins incertain.

Dans son article 2, ce projet nous propose une définition malhonnête
des ressources propres des collectivités, en y incluant la part des impositions transférées par l’Etat, sans vote possible des taux.
Ainsi, dans l’optique gouvernementale, la part du produit de la TIPP transférée aux départements pour compenser la décentralisation du RMI et la création du RMA serait mise sur le même plan que les produits de la taxe foncière, par exemple, perçus par les départements et constituerait une « ressource propre ».
Or un impôt partagé ne constitue rien d’autre qu’une dotation, qui plus est non indexée, qui n’évolue donc pas en fonction des ressources et des besoins.
Une récente étude de DEXIA sur la TIPP a d’ailleurs montré que le rythme annuel de progression des différentes composantes de la TIPP se situait depuis 1993 autour de 1% soit évidemment bien moins que l’évolution des postes transférés.
Ainsi, en 2003, le produit de la TIPP n’a progressé que de 1,4%, quand celles du RMI augmentaient de 4,6%.
Comment les départements pourront ils faire face à un tel écart ?
Apparemment peu importe au gouvernement, qui transforme ainsi une part du déficit budgétaire de l’Etat en augmentation de la fiscalité locale. Il pourra peut-être alors passer sous les fourches caudines de Bruxelles, en présentant une situation budgétaire assainie, mais cela se fera au détriment de la solidarité et de l’égalité des citoyens et des territoires.

D’autre part, selon toute vraisemblance, le gouvernement ne pourra pas permettre la modulation, au niveau régional ou départemental, des tarifs ou des taux de la TIPP, puisque les règles européennes en matière de distorsion de concurrence semblent empêcher la variation des taux du gazole pour un usage professionnel.
Sur cette question, le Gouvernement n’a jamais répondu, pas plus que sur celle de la taxe sur les conventions d’assurance.

Par ailleurs, asseoir les ressources propres des collectivités sur un tel impôt, lié à la consommation de carburants, me paraît relativement paradoxal, à l’heure du développement durable.

Ainsi, je me félicite de l’adoption par les commissions des Lois et des Finances de l’amendement des rapporteurs Mercier et Hoeffel, qui tend à ne considérer comme ressources propres les seules recettes fiscales dont les collectivités territoriales sont autorisées à fixer l’assiette, le taux ou le tarif.
Cette définition paraît être la seule à même de préserver le principe de libre administration des collectivités locales, ainsi que leur rôle majeur en matière d’investissements publics. Les collectivités réalisent, il est utile de le rappeler, 35 milliards d’euros d’investissements publics, contre 7 milliards seulement pour l’Etat.
C’était d’ailleurs la position de la majorité sénatoriale lorsqu’elle a fait voter, dans cette assemblée, en 2000, une proposition de réforme constitutionnelle.

Cette même proposition, s’agissant du ratio d’autonomie financière, énonçait également que « les ressources fiscales représentent la part prépondérante » et non déterminante, « des ressources des collectivités locales ».
Le sénateur Raffarin avait voté cette proposition, le 26 octobre 2000, il paraît l’avoir oubliée aujourd’hui. Prévoir que la part est déterminante lorsqu’elle permet la libre administration des collectivités locales, relève, si je puis dire, d’une tautologie, qui n’aboutit à aucun résultat.

D’autre part, si la part des ressources propres se révèle en dessous du seuil fixé, ce projet de loi organique, dans son article 4, prévoit des mesures correctrices, qui ne sont évidemment pas précisées, pour la rétablir au niveau plancher.

Or, il n’y aura que deux manières d’y parvenir, étant donné que les dotations ne font pas partie des ressources propres. Soit diminuer brutalement la part des dotations pour que les recettes fiscales apparaissent proportionnellement plus importantes, soit augmenter les recettes fiscales. Cela me paraît irréaliste et dangereux !

Enfin, compte tenu du décalage entre les intentions affichées en matière d’autonomie financière et le contenu du présent projet de loi organique, on ne peut être qu’inquiet quant à l’avenir réservé à ce principe essentiel de solidarité nationale qu’est la péréquation.
En effet, débattre de la question des recettes fiscales, inégalement réparties, implique nécessairement que l’on traite aussi de la péréquation. C’est une exigence impérieuse qui ne peut se satisfaire de déclarations de principe, même gravées dans la Constitution.
Or depuis la référence votée dans la loi constitutionnelle de 2003, rien n’a été fait en matière de péréquation, au point qu’une vraie question demeure : y a t’il une réelle volonté politique de la mettre en place ?

En conclusion, ce projet révèle, Monsieur le ministre, votre vision économique libérale de la décentralisation.
Il ne peut en résulter qu’une insécurité financière pour les collectivités et une rupture d’égalité entre les citoyens. Le spectre d’une explosion de la fiscalité locale se précise, puisque les compétences transférées ne sont pas compensées par des contreparties adéquates.
Pour l’ensemble des ces raisons, le groupe CRC ne votera pas ce texte.

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