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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Liberté des universités : conclusions de la commission mixte paritaire

1er août 2007

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

Face aux graves problèmes que connaissent nos universités, une réforme de grande ampleur était nécessaire. Il y avait des mesures urgentes à prendre. Il était en premier lieu indispensable, par exemple, de répondre aux difficultés des étudiants, de plus en plus confrontés à la précarité, y compris dans le domaine de la santé. Il y avait à généraliser une politique volontariste de lutte contre l’échec en premier cycle. Il était urgent de prendre des dispositions permettant de remédier à la pénurie de doctorants. Ces questions ont été abordées maintes et maintes fois notamment lors des débats budgétaires. Plus d’une fois, nous avons insisté sur le fait que la France ne pouvait rester un grand pays, maintenir et développer son niveau de vie dans un monde difficile, sinon à investir massivement dans la matière grise, c’est à dire miser sur l’éducation, la recherche, l’innovation technologique, la culture et les arts.

L’autonomie des établissements fait certes partie des éléments qui peuvent donner un nouveau souffle à l’enseignement supérieur et à la recherche universitaire. Mais la situation actuelle exigeait une réforme beaucoup plus audacieuse que celle qui nous est proposée d’autant qu’elle ne s’accompagne pas des moyens financiers et humains qui manquent à nos universités, contraintes de gérer la pénurie au quotidien.

Alors qu’une loi de programmation des moyens était attendue, qu’un collectif budgétaire d’au moins 600 millions d’euros était indispensable pour répondre aux urgences, pas un euro supplémentaire ne sera versé aux universités avant 2008. La réforme de l’enseignement supérieur était pourtant qualifiée de prioritaire... Le monde universitaire appréciera les déclarations d’intention du gouvernement d’autant plus que celui-ci aura fait voter une loi consacrant 11 milliards d’euros aux déductions et exonérations fiscales durant cette session extraordinaire du Parlement.
Plus inquiétant encore, le projet de loi ne comporte aucune disposition assurant un financement pérenne des universités par l’Etat. Il laisse entrevoir encore un peu plus un désengagement progressif de l’Etat qui se doublera inexorablement d’une course aux financements.
Les 85 universités ne pourront devenir autonomes, dans les 5 ans à venir, que si l’Etat s’engage à assurer la mise à niveau de chacune d’entre elles et, en particulier, de leurs bâtiments.

Au risque de nous répéter, il faut à nouveau affirmer que l’Etat doit investir massivement dans ses universités. Pour reprendre les termes de la CPU, je cite : « la mise en oeuvre de la réforme nécessitera une forte mobilisation de moyens sans laquelle l’évolution statutaire n’apparaîtrait que comme un exercice de style. Une loi de programmation budgétaire est plus que jamais nécessaire ». Autrement dit, sans moyens, l’autonomie ne sera qu’un leurre.

Ceci étant, c’est la loi qui doit définir le cadre national. L’autonomie, telle que conçue par le gouvernement, se limite à une réforme du mode de gouvernance des universités. Et sur ce plan également, le texte n’est guère satisfaisant. Les dispositions de ce projet de loi écartent du projet d’établissement bon nombre des acteurs et usagers des universités, remettant ainsi en cause leur fonctionnement collégial. Alors que toutes les énergies sont nécessaires, écarter, par exemple, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire de la gestion démocratique des établissements apparaît comme une grave erreur. Donner un nouveau souffle à l’université nécessite de mobiliser toute la communauté universitaire sur la base de projets définis collectivement et non uniquement par un conseil d’administration étroitement resserré.

Par ailleurs, veiller à maintenir le haut niveau des enseignements et de la recherche universitaires exige de rechercher sans cesse l’excellence scientifique. Les qualités des enseignants - chercheurs ne peuvent être objectivement évaluées que par leurs pairs. Aussi la mise en place d’une nouvelle procédure de recrutement, via les comités de sélection créés par des conseils d’administration qui, de fait, ne pourront être compétents dans l’ensemble des champs disciplinaires, s’avère porteuse de graves dysfonctionnements. Y avait-il en la matière urgence à bouleverser un mode de recrutement, certes perfectible, mais qui, globalement, avait fait ses preuves ? Nous estimons qu’il aurait été plus pertinent d’engager de véritables concertations avec la communauté scientifique pour parvenir à une solution plus satisfaisante.

Enfin, le projet de loi remet gravement en cause l’emploi statutaire qui doit pourtant demeurer l’emploi de référence. Cela est particulièrement vrai pour les enseignants - chercheurs dont le statut garantit leur indépendance et leur permet de mener leurs travaux de recherches sur le long terme. Il est vrai que la logique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux entraîne des coupes sombres dans tous les services et administrations de l’Etat et encourage le recrutement d’agents contractuels pour tous types d’emplois. Nous ne pouvons admettre des dispositions qui fragilisent les statuts des personnels de l’université et laissent au CA et aux présidents d’université une totale « liberté » en matière de répartition de charges de services et de rémunération. A l’inverse, l’enseignement supérieur et la recherche doivent être des secteurs prioritaires de l’intervention de l’Etat et ont donc besoin d’un véritable plan pluriannuel de l’emploi statutaire.

Un mot au passage sur l’amendement présenté par le groupe CRC visant à protéger et conserver les biens mobiliers des universités tels que les incunables, manuscrits et oeuvres d’art. Je regrette que cette disposition préservant cette partie du patrimoine artistique et scientifique national n’ait pas été intégrée au projet de loi. Il n’en reste pas moins que beaucoup de mes collègues du Sénat, de toutes sensibilités, ont conscience de la nécessité de conserver ces biens mobiliers dans le domaine public. Madame la Ministre, j’ai l’intention, avec quelques collègues, et en liaison avec vous et votre ministère bien entendu, de faire mûrir en quelque sorte la question et de déposer une proposition de loi pour y voir totalement clair et mesurer l’ampleur des dispositions à prendre.

Le débat se termine pour le moment. Non seulement cette réforme demeure bien trop insuffisante au regard des défis que doivent relever les universités mais, en introduisant des mécanismes concurrentiels entre universités et aussi entre les personnels, elle s’avère lourde de menaces pour l’avenir du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. D’autres choix étaient possibles mais encore fallait-il entendre les propositions émanant d’une communauté universitaire qui, aujourd’hui encore, poursuit son travail de réflexion.

Soyons clairs. Oui, l’enseignement supérieur n’a pas de prix, même s’il a un coût. Oui, la question du financement de l’enseignement supérieur, condition nécessaire de son autonomie, de sa capacité de création et d’innovation, et donc de sa réussite, doit être l’objet d’un large débat, pour lequel il fallait prendre le temps qu’il fallait. S’il y a certes à inventer de nouveaux partenariats, nous pensons que le service public a fait ses preuves, même s’il est perfectible. L’Etat, et donc le gouvernement, doivent assumer leurs responsabilités concernant les universités qui sont loin de disposer de budgets comparables à ceux des pays développés, voire des pays émergents, qui dans ces domaines d’ailleurs ont bien émergé. Les moyens affectés par étudiants par l’Etat représentent la moitié de ce qui est dépensé dans la plupart des grandes universités à l’étranger.

Les enjeux de ce siècle appellent au développement sans précédent des formations post baccalauréat, et pourtant les programmes et l’organisation actuelle brident la réussite de trop d’étudiants. Les nouveaux bacheliers et leurs familles, qui viennent de s’inscrire dans nos universités, s’acharnent à comprendre et à trouver leur voie dans le système universitaire. Ils ont besoin d’un signal fort et d’encouragements pour affronter le travail intellectuel nécessaire aux études supérieures. Ce n’est pas ce que va leur apporter cette loi.

Alors que les questions de l’enseignement supérieur et de la recherche conditionnent l’avenir de notre pays, le gouvernement a privilégié l’urgence, en réduisant la concertation a minima. Si le besoin d’une réforme était unanimement admis, la loi que le Parlement s’apprête à adopter est déjà vivement contestée comme en témoignent les multiples motions de conseils d’université et la mobilisation des organisations de personnels, exceptionnelle en cette période de vacances. C’est pourquoi nous ne pouvons que voter contre un texte qui apparaît déjà comme une occasion manquée de redonner un nouvel élan au service public des universités.

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