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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées

Par / 10 décembre 2008

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons, pour la deuxième fois cette année, débattre de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article qui étend aux écoles privées sous contrat d’association l’obligation de participation des communes au financement de la scolarité d’un enfant dans une autre commune.

Ce débat, mon groupe l’a porté à maintes reprises depuis 2004, notamment par le biais d’une proposition de loi déposée en 2005 par Annie David, demandant l’abrogation de l’article 89. Notre collègue avait alors mené un travail d’auditions très poussé au sein de la commission des affaires culturelles. Cet article, nous l’avions alors souligné, avait introduit de fait une véritable différence de traitement entre l’école publique et l’école privée, au détriment de la première.

À chaque fois que nous avons défendu cette position, la majorité de droite comme le Gouvernement nous ont opposé une fin de non-recevoir. M. le rapporteur, qui officiait déjà en février dernier pour la proposition de loi déposée par mes collègues du groupe socialiste, avait alors jugé, pour refuser l’abrogation de cet article, que cette interprétation ne pouvait être retenue.

Vous aviez même indiqué dans cet hémicycle, monsieur le rapporteur, qu’il était urgent d’attendre la décision du Conseil d’État, saisi sur le fond de la deuxième circulaire, et qu’il vous semblait donc inutile « de remettre en cause ou de modifier des dispositions qui, pour l’heure, font l’objet d’un compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré. »

Le juge administratif s’est-il prononcé ? Non ! Or nous voici réunis aujourd’hui, sur votre initiative, pour examiner une proposition de loi qui, en son article 3, abroge l’article 89. Que de temps perdu ! Car, vous le savez bien, contrairement à ce que vous affirmiez en février dernier, cette question est loin de faire l’objet d’un « large accord ».

Quid du « compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré » que vous aviez tant vanté ? Le relevé de conclusions issu de la rencontre du 16 mai 2006 entre le secrétaire général de l’enseignement catholique et le président de l’Association des maires de France, sous le patronage de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, n’a jamais eu force de loi et ne réglait pas les divergences d’interprétation. Vous le saviez, sinon vous ne nous proposeriez pas un texte aujourd’hui.

Vous n’ignorez pas que, le 28 février 2008, le tribunal administratif de Dijon a annulé une délibération du conseil municipal de Semur-en-Brionnais qui avait refusé de participer aux frais de scolarisation de trois enfants résidant sur sa commune mais inscrits dans une école élémentaire privée sous contrat située sur le territoire d’une autre commune.

La commune invoquait, d’une part, l’absence d’accord préalable de son maire à la scolarisation de ces enfants dans une autre commune et, d’autre part, l’existence dans sa commune d’une garderie et d’une cantine. Le tribunal administratif lui avait donné tort, considérant que la notion de capacité d’accueil suffisante ne pouvait être retenue, dans la mesure où les établissements privés ne sont pas soumis à la carte scolaire et sont choisis principalement en fonction de leur caractère propre.

Il existe donc bien une réelle divergence d’interprétation, qui n’est pas le fait de simples inquiétudes.

Votre démarche, nous expliquez-vous, est guidée par un souci de clarification, souci qui vous conduit à abroger l’article 89. Dont acte ! C’est ce que mon groupe réclame depuis le début de cette affaire. Mais, en lieu et place de l’article 89, vous nous proposez un nouveau régime de financement des classes élémentaires privées sous contrat par les communes de résidence, système qui ne nous satisfait pas pleinement.

Vous expliquez que ce dispositif prévoit, au nom du principe de parité, qu’une commune aura à verser une contribution à une classe élémentaire privée sous contrat dans tous les cas où elle aurait dû la verser pour une classe publique. Pour autant, les modalités que vous avez retenues pour encadrer cette obligation de contribution ne sont pas exactement les mêmes.

Il suffit de comparer le texte proposé avec l’article L. 212-8 du code de l’éducation, qui règle la question quand il s’agit de deux écoles publiques. Le cinquième alinéa de cet article indique en effet qu’une « commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d’enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de contraintes [...] ».

Or cette notion de « justification », qui existe pour le public, ne se retrouve pas dans votre texte, monsieur le rapporteur, et ne s’applique donc pas au privé. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons déposé un amendement.

Les parents ne seront pas non plus tenus, comme c’est le cas lorsque la question se pose entre deux écoles publiques, de soumettre leur demande de dérogation à l’approbation du conseil municipal.

De plus, il n’est pas fait mention dans votre texte des regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI. Cela signifie qu’une commune qui n’a plus d’école publique sur son territoire propre mais dont les élèves sont accueillis dans une autre commune du RPI sera pourtant soumise à l’obligation de financement si des enfants de sa commune sont scolarisés dans une école privée sous contrat.

Dans ces conditions, les communes rurales qui ont bataillé pour maintenir la présence d’une école publique sur leur territoire ou à proximité courent toujours le risque d’une « double peine ».

Cette question ne peut être ignorée, au moment où l’éducation nationale fait face à des restrictions budgétaires sans précédent, à une disparition de la carte scolaire et à une future généralisation du principe d’autonomie des établissements.

Quid des efforts entrepris par les communes rurales pour maintenir sur leur territoire un service public de l’éducation vivant, seul garant - je le rappelle - d’une école gratuite et laïque pour toutes et tous ?

Où seront l’égalité et la liberté de choix pour les enfants et les parents des communes rurales lorsque les écoles publiques seront contraintes de fermer, faute de moyens ?

La situation qui prévalait lors de l’adoption de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n’est pas la même qu’aujourd’hui. Il est impossible de l’ignorer. Faut-il rappeler qu’en deux ans près de 25 000 postes ont été supprimés au sein de l’éducation nationale ? Quelle en sera l’incidence, notamment dans les communes rurales ?

En France, 12 000 communes ne disposent plus d’école communale et 28 % des écoles ont au plus deux classes. Nous savons par ailleurs que la situation ne va pas en s’arrangeant.

Dans ces territoires, un tel surcoût sera donc préjudiciable au maintien de petites structures publiques.

L’ensemble de ces interrogations et inquiétudes me conduisent donc à beaucoup de réserves et à émettre, pour l’instant, un avis négatif sur la proposition qui nous est faite.

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