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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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France Telecom, deuxième lecture

Par / 16 décembre 2003

par Marie-France Beaufils

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement mène une politique de régression sociale sans précédent, qui consiste à faire disparaître des avancées sociales significatives, fruit des luttes sociales qui ont permis de déboucher sur un ensemble de droits collectifs protégeant l’individu contre la maladie, le chômage, la vieillesse.
Des avancées sociales qui se traduisent par la mise en œuvre d’une solidarité sociale et nationale à l’encontre de l’individualisme inhérent aux rapports marchands.

Des avancées sociales qui ont donc incontestablement contribué à améliorer le sort de nos concitoyens tant du point de vue des conditions de travail que des conditions de vie, en le soustrayant à l’arbitraire du marché, où se noue un rapport de force toujours inégal.

Les services publics en permettant l’égalité d’accès de tous à des biens fondamentaux comme l’énergie, les transports, la santé, les télécommunications participent de cette logique visant à corriger les inégalités sociales et territoriales.
C’est bien la raison pour laquelle les entreprises chargées d’assurer ces services publics, ont été placées sous le contrôle de la collectivité, le rôle du marché n’étant pas bien évidemment d’assurer des services dits d’intérêt général.

A cela, s’est ajoutée une raison supplémentaire, celle de l’incapacité avérée du marché à assurer dans les années trente la régulation des économies et la nécessité de retirer de sa coupe des secteurs essentiels pour la cohésion de la société.
Cette nécessité existe toujours aujourd’hui, je dirais même plus que jamais. Elle exige la rénovation et la modernisation de nos services publics, pour prendre en compte les nouveaux besoins. Mais qui oserait nier qu’une telle construction, assise sur une conceptualisation à même de faire évoluer ces services publics avec les seules exigences de mutabilité, constitue une réussite ?

Le bilan en la matière est significatif. Il l’est d’autant plus que personne ne peut nier non plus que l’ensemble des services publics a contribué à alimenter la croissance. La dynamique des revenus et des emplois, au rang desquels nombre d’emplois qualifiés permettant d’assurer un service de qualité, y a participé efficacement.

A contrario, le bilan de la déréglementation et de l’emprise grandissante du marché, en particulier financier, n’est guère recommandable. Ceux des pays qui furent les premiers, comme la Grande-Bretagne, à faire leur « big-bang » et à privatiser l’ensemble de leurs services publics ont essuyé de graves et dramatiques revers qui les obligent à faire marche arrière. Ce qui en Angleterre s’apparente fortement à une « renationalisation » du rail constitue un exemple probant.
Faut-il encore souligner le triste bilan de la déréglementation que votre gouvernement s’évertue à nier : faillites retentissantes du secteur privé dans la plupart des pays développés, malversations financières de grande ampleur de type Enron et World Com, vagues de spéculations récurrentes dont nous avons peine à sortir.

Cette déréglementation a son corollaire sur le plan social avec une aggravation des inégalités territoriales sociales et intergénérationnelles avec la remise en cause des mécanismes traditionnels de la solidarité nationale, au premier rang desquels, notre système de retraite.
Dans cette logique qui pousse à abandonner au marché des pans entiers de nos économies, le secteur des télécommunications occupe une place particulière, tant il porte en lui l’enjeu de notre civilisation.

Il nous paraît fondamental que l’Etat puisse rester le garant de l’accomplissement des missions d’intérêt général dans un tel secteur.
Les raisons qui militent contre la privatisation de France Télécom, contre la diminution de la participation de l’Etat dans son capital, sont fondées sur des analyses réelles et vos contre-arguments sont bien maigres quand ils ne relèvent pas de la pure mauvaise foi.
Ainsi, vous prétendez, Monsieur le Ministre, que l’obligation de détention majoritaire du capital par l’Etat aurait été l’une des causes de la crise traversée par France Télécom en l’empêchant de financer sa croissance autrement que par la dette.

Mais vous le savez bien, Monsieur le Ministre, que la dette colossale de 70 milliards d’euros fin 2002 est le résultat d’une stratégie de financiarisation et de croissance externe déconnectée d’un réel projet de développement industriel.
La crise qu’a traversé le secteur des télécommunications est avant tout liée à l’effondrement des marchés financiers, au dégonflement de la bulle spéculative fragilisant l’ensemble du système de financement de l’économie. Aucun segment de filière des télécommunications n’a été épargné, et le secteur privé a procédé à des licenciements massifs.
Sa réduction de 20 milliards d’euros en un an s’est réalisée par le biais d’une politique de réduction drastique des coûts qui se heurte aujourd’hui au statut des 106.000 fonctionnaires appartenant à la société mère !

Et quoique vous vous en défendiez, avec ce texte vous cherchez vivement à inciter au départ les fonctionnaires, à les inviter à rejoindre le statut du secteur privé.
Ainsi, ce texte, tel qu’il nous revient de l’Assemblée Nationale, n’a guère évolué sur le fond. Quelques améliorations à la marge et la sage suppression de l’article 9 obligeant France Telecom à revendre en gros ses abonnements ! Article créé par vos soins, chers collègues et qui déstabiliserait fortement l’opérateur historique sur qui repose l’essentiel de la charge du service public et demain sans doute du service universel !

En ce qui concerne précisément le service universel, vous n’avez pas voulu, Monsieur le Ministre, obtempérer devant ceux qui, nombreux pourtant, demandaient son extension à l’Internet à haut débit en prétextant que la prochaine directive européenne prévoyait d’élargir le périmètre du service universel au plus tard fin juillet 2005.
Attendre une impulsion de la part de l’Union européenne réputée pour ses choix libéraux est un leurre.
Enfin, une telle conception a minima des services publics ne sera pas à même de relever les défis à venir et ce d’autant plus que les télécommunications constituent un bien collectif des plus stratégiques.

Raisons pour lesquelles nous avons déposé des amendements visant à élargir les missions du service universel à la téléphonie mobile et à l’internet Haut débit. La France doit se doter d’un tel service universel et tirer vers le haut les futures négociations européennes.

Quant à l’ouverture à la concurrence, elle n’a guère encore réellement profité au petit consommateur et usager qui a vu les tarifs, tous services confondus, augmenté de 89% sur la mise en service téléphonie et de 86% sur l’abonnement du téléphone fixe entre 1995 et 2003.
Nous réclamons depuis longtemps une démocratisation de l’ART afin qu’elle puisse réellement effectuer un contrôle au bénéfice des citoyens et en réponse aux besoins à long terme de notre pays. Tel n’est évidemment pas le cas aujourd’hui. Et j’ai cru comprendre que loin d’être rénové dans un souci de respect de notre démocratie, son rôle serait sans doute affaibli quand France Télécom passera sous contrôle privé.

Je continue de penser qu’une entreprise aussi stratégique que France Télécom doit rester sous contrôle public. Et jusqu’à maintenant, je ne connais pas d’autres moyens pour qu’un tel contrôle « collectif » puisse avoir lieu qu’une forme de propriété publique du capital, ce qui ne signifie pas qu’elle doive se réduire à l’Etat, au contraire.
Quel contrôle exercera l’ART lorsque cette entreprise privée s’imposera en monopole, ce qui, dans un tel secteur, semble être une évolution naturelle.
Le capital de ce monopole privé, sera-t-il détenu par des fonds de pension américains, exigeant des taux de rentabilité immédiate extrêmement élevé ?
Autant d’interrogations que nous dictent l’analyse historique et économique et qu’il nous faut dès aujourd’hui garder à l’esprit.

Je reste convaincue que la privatisation de France-Telecom contribuera à accroître la facture numérique. Elle aura aussi comme conséquence la poursuite des réductions d’emplois et de précarisation accrue du personnel, engagée avec le plan TOP.

Les salariés se mobilisent aujourd’hui contre votre projet et ce dans l’intérêt des usagers.
Nous sommes évidemment à leurs côtés, raison pour laquelle, notre groupe votera contre ce texte qui nous engage sur la voie de la régression sociale !
Nous avons souhaité la création d’une commission d’enquête analysant les conséquences des déréglementations et des privatisations. Il est urgent de s’y engager !

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