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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La Réunion a besoin d’une stratégie à long terme

Réforme des ports d’outre-mer -

Par / 26 janvier 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi sur la réforme des ports d’outre-mer est attendu avec beaucoup d’impatience par les professionnels et les partenaires sociaux.

Il a pour ambition de mettre en adéquation la gouvernance du port avec les objectifs de développement. Il doit répondre également à l’attente de nombreux travailleurs du port, les dockers, en leur permettant de faire valoir leurs droits de cessation anticipée d’activité, liés aux dispositifs conventionnels. Sur ce dernier point, l’accélération du calendrier est un enjeu qui doit être pris en compte.

Cette loi vise à faire de nos ports ultramarins des « grands ports maritimes », dans l’esprit du droit applicable sur le plan national depuis 2008. Elle constitue la première reconnaissance de leur importance stratégique pour le développement de l’économie, outre-mer comme en métropole.

Le transport par mer concerne 90 % des marchandises. Entre 1992 et 2007, ces échanges commerciaux ont augmenté de 80 %, passant de 18 235 milliards de tonnes-milles marins à 32 932 milliards de tonnes-milles marins.

La question de la gouvernance de ces nouvelles structures est importante, nos collègues de l’Assemblée nationale en ont largement débattu. Je partage leur point de vue : les collectivités locales – la région, le département, l’établissement public de coopération intercommunale et la commune d’implantation du port – doivent être fortement impliquées dans la prise de décision, notamment parce que le développement d’un port à la Réunion n’est pas seulement une question économique, mais aussi une question d’aménagement du territoire : l’exiguïté de la Réunion et l’augmentation de la population nous obligent à une gestion raisonnable et raisonnée de l’espace. Le point de vue des collectivités locales doit aussi, et surtout, être retenu pour la définition des projets stratégiques. À ce titre, il nous faut bien prendre en compte la réalité de chacune des entités ultramarines : je me contenterai donc de parler de la Réunion.

Nous devons avoir une vision sur le long terme et nous interroger sur les possibilités de développement du port de la Pointe-des-Galets et de Port Réunion. Avant 1869, la Réunion était une escale importante accueillant les navires reliant l’Europe à l’Asie en doublant le cap de Bonne-Espérance. Le développement de ce trafic a provoqué le creusement du canal de Suez, dans le but de faciliter les échanges commerciaux par mer sans passer par le sud de l’Afrique. Cette liaison a permis de réduire considérablement la durée et le coût du transport par navires. Quelle en a été la conséquence ? La Réunion n’a plus été une étape dans ce commerce mondial, nous sommes devenus un terminus : le port de la Pointe-des-Galets n’accueillait plus que les navires qui le desservaient spécifiquement, ceux de la Compagnie des messageries maritimes ou de la Nouvelle compagnie havraise péninsulaire.

Près d’un siècle et demi plus tard, allons-nous connaître une autre évolution aussi importante ? Cette fois-ci, ce sont les changements climatiques qui en seront la cause. Le comité d’évaluation du réchauffement climatique de l’Arctique alerte régulièrement l’opinion sur la rapidité avec laquelle fondent la banquise et les glaciers du pôle Nord. Les conséquences seront multiples pour le monde, mais, pour la Réunion, elles seront décisives.

En effet, la fonte des glaces va ouvrir une nouvelle voie maritime majeure entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Aujourd’hui, cette route n’est plus une utopie : le passage est quasiment libre quatre mois par an et il pourrait l’être trois mois de plus si les brise-glace atomiques ouvrent le passage aux tankers. Des brise-glace russes ont accompagné quinze navires en 2011, soit onze de plus qu’en 2010. Dans quelques décennies, cette nouvelle voie maritime sera ouverte. Elle permettra aux navires reliant l’Europe à l’Asie d’éviter le canal de Suez et, ainsi, tous les pays de l’océan Indien, y compris la Réunion !

Il y a un peu plus d’un an, un bateau immatriculé à Hong-Kong a relié la Norvège à la Chine, en passant par l’Arctique. Il a gagné huit jours par rapport au trajet empruntant le canal de Suez ! Effectuant le voyage en 26 jours seulement, soit une réduction de 30 %, il a réalisé, selon ses armateurs scandinaves, une économie de plus de 180 000 dollars sur les frais de carburant, correspondant à 580 tonnes de fioul ! Le développement de cette nouvelle voie de navigation se fera au profit des ports du nord de l’Europe : c’est pour demain !

Notons également que se préparent de nouvelles concentrations dans le secteur du transport maritime, en vrac ou en conteneurs. Dans ce contexte, la question de la sécurité de l’approvisionnement de la Réunion est posée : pouvons-nous rester à la merci des majors du transport maritime ? Or, du fait de notre situation insulaire et des conditions de notre développement, notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur ne cesse de croître : Port Réunion est le premier des ports d’outre-mer par son volume d’activité – 225 000 conteneurs par an – et le troisième port français dans ce domaine. En 1946, nous importions et exportions le même tonnage de marchandises, 300 000 tonnes ; aujourd’hui, nous exportons toujours le même volume, mais nous importons près de 4 millions de tonnes. Toute notre économie, tout le problème de la formation des prix dépendent de notre approvisionnement et du rôle du port. Nous devons donc réfléchir, à la lumière de ces éléments, à la stratégie que nous voulons pour Port Réunion et pour la Réunion, mais aussi pour l’océan Indien.

Rappelons très brièvement que, dans notre voisinage immédiat, Madagascar, avec ses énormes potentialités, est passée de 4 millions d’habitants en 1946 à 21,8 millions d’habitants au recensement de 2011 et en comptera 53,5 millions en 2050, selon l’ONU. Le même phénomène se réalisera au Kenya, en Tanzanie, au Mozambique et en Afrique du Sud, pour citer les États de la côte orientale de l’Afrique, nos voisins les plus proches.

Quel port accueillera les navires assurant les échanges entre ces pays de notre voisinage et les grands pays émergents que sont l’Inde et la Chine ? Port Réunion ? Port-Louis sur l’île Maurice ? Durban en Afrique du Sud ? Mombasa au Kenya ? Maputo au Mozambique ? Ou Dar Es Salaam en Tanzanie ? Comment les autres pays de l’océan Indien et, plus spécialement, des Mascareignes vont-ils être desservis ?

Le groupe CMA-CGM vient d’annoncer le lancement d’un nouveau service entre l’Asie, l’océan Indien et l’Afrique du Sud, pour déployer six navires et permettre de « répondre à la croissance du marché sud-africain, qui réalise plus de 30 % de ses échanges commerciaux avec l’Asie ». Le développement de Port Réunion doit donc aussi être envisagé sous l’angle du codéveloppement que nous envisageons avec les États voisins.

La double question, d’une part, des liaisons maritimes entre ces pays et les îles de notre voisinage et, d’autre part, de leurs relations avec les ports européens, doit donc être posée dans le cadre d’une approche globale et intégrée. Dans cet esprit, nous avions émis le projet d’une compagnie maritime régionale. En octobre dernier, le ministre des affaires étrangères de la République des Seychelles, au nom du conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien, faisait de l’interconnexion de nos îles l’une des priorités de son action. La création d’une compagnie régionale maritime permettrait de créer les conditions de desserte directe pour des liaisons sud-sud et sud-nord. En outre, cette compagnie pourrait contribuer à faire baisser les coûts de transport des intrants provenant, notamment, de la zone.

Ainsi, nous devons examiner ce projet de loi en l’inscrivant dans le cadre du développement économique de la Réunion, de son intégration dans son environnement géographique et, également, de sa présence au niveau international et mondial.

C’est donc avec satisfaction que les acteurs réunionnais, sociaux ou institutionnels, vont intégrer cette gouvernance aux côtés de l’État. Cette évolution participe de l’esprit de partenariat qu’il faut mettre en place pour relever les défis exigés par le développement de la Réunion.

Il y a unanimité pour dire que Port Réunion doit être le levier économique incontournable de l’île. Ce projet de loi, une fois adopté, permettra par ailleurs à une centaine de travailleurs portuaires de cesser leur activité professionnelle. Cela rendra possible l’embauche d’autant de personnes : il s’agit d’un gisement d’emplois non négligeable au vu de la situation catastrophique de l’emploi à la Réunion.

Il y a également unanimité pour dire que ce projet de loi permettra à Port Réunion de connaître un nouveau souffle : cet outil de développement et de désenclavement, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sera une source d’activité supplémentaire dont les répercussions, sur les plans économique et social, sont évidentes. L’attractivité de la Réunion, région française dans l’océan Indien, sera ainsi renforcée, à condition que nous ayons toujours à l’esprit les rendez-vous que nous donne le très proche avenir.

En conclusion, nous rappellerons l’urgence de l’adoption et de l’application de ce texte, attendu par l’ensemble des acteurs économiques et sociaux.

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