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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La course effrénée au profit a abîmé notre planète

Transition énergétique pour la croissance verte -

Par / 10 février 2015

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le débat national sur la transition énergétique, décliné sur l’ensemble du territoire, a suscité un réel un intérêt auprès de nos concitoyens, même si l’on peut regretter qu’il n’ait pas été fait plus pour une réelle participation citoyenne au-delà des seuls « experts ».

Ce débat a été révélateur non seulement des attentes, mais aussi des craintes que suscite la nécessité de changer de modèle de consommation, de modèle énergétique.

La transition énergétique, oui, mais pourquoi, pour qui, quand, comment, et à quel prix ?

Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui était attendu.

Vous avez voulu, madame la ministre, répondre ou du moins ébaucher un début de réponse à ces questions complexes mais essentielles, tant elles touchent notre quotidien et seront déterminantes pour notre avenir.

Dès lors, nous ne pouvons que saluer les objectifs et les ambitions affichés dans ce projet de loi. En effet, notre pays doit passer à une économie durable et s’inscrire dans une politique de sobriété énergétique, dans une écologie de raison, tout en répondant d’abord aux besoins de nos concitoyens et du développement.

L’énergie, facteur déterminant de notre développement économique et industriel, doit faire l’objet d’une consommation raisonnée et raisonnable, tant l’urgence écologique est réelle, la course effrénée au profit ayant bouleversé un écosystème planétaire fragile. C’est là un constat indiscutable.

La transition dont notre pays a besoin passera avant tout par la réduction de notre consommation d’énergies fossiles, par la diminution des émissions de gaz à effet de serre, par la transparence tarifaire, et donc par la rénovation thermique des bâtiments, le renforcement du mix énergétique et par des transports plus propres comme le ferroviaire.

Ces objectifs doivent se retrouver dans des filières structurées, cohérentes et pérennes, ainsi que dans des investissements substantiels en faveur de la recherche, alors que nous sommes encore loin de l’objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche, tant publique que privée.

Ce projet de loi répond partiellement à cette urgence. Il en est ainsi des objectifs ambitieux de rénovation thermique et de renforcement du service public de la performance énergétique, du déploiement de véhicules propres, ou encore, comme le développera ma collègue Évelyne Didier, de la définition et du renforcement de l’économie circulaire.

En matière de lutte contre la précarité énergétique, qui touche plusieurs millions de nos concitoyens, l’harmonisation des dates de la trêve hivernale locative et de la trêve énergétique, la prise en compte de la performance énergétique dans le critère de décence du logement, la création d’un chèque énergie – qui ne doit pas être opposé aux tarifs sociaux –, le déploiement de compteurs communiquant sont des éléments allant dans le bon sens, même si de nombreuses questions restent posées.

Toutefois, madame la ministre, s’il faut faire mieux et plus avec moins de ressources, si tous les secteurs économiques, les entreprises comme les particuliers, doivent consommer moins d’énergie en la maîtrisant, cette réduction des consommations ne peut conduire à réduire le niveau de vie des ménages.

Ainsi, à notre sens, la sobriété énergétique consiste à consommer moins pour des usages identiques et à permettre à tous d’avoir accès à l’énergie au plus juste prix sur tout le territoire, avec une véritable péréquation.

Nous regrettons que les moyens dédiés à la transition énergétique ne soient pas plus précisément détaillés, ce qui masque leur faiblesse. Ainsi, même si le texte crée un fonds de garantie pour la rénovation énergétique doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, prévoit un allégement fiscal de 30 % pour les travaux de rénovation énergétiques engagés d’ici à la fin 2015 et la relance de l’éco-prêt à taux zéro, ou encore le renforcement des sociétés de tiers-financement, ces dispositions ne seront pas suffisantes pour atteindre l’objectif de 500 000 logements rénovés en 2017 ; le coût estimé de cette rénovation énergétique se chiffre en effet à plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Nous ne disposons pas à l’heure actuelle de salariés formés en nombre suffisant pour réaliser ce chantier de rénovation thermique. Cette proposition appelle donc un réel effort de formation et de structuration de filières dans l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et l’apprentissage ; en particulier, la filière diagnostique doit être créée et sécurisée. Cela passe par la mobilisation de moyens ; or, il faut bien le dire, le compte n’y est pas.

Le doublement du plafond du Livret A et du livret de développement durable n’est aujourd’hui plus à l’ordre du jour, ce que nous regrettons.

Enfin, madame la ministre, votre projet acte le retrait de l’État, la marchandisation de l’énergie et la mise en concurrence des territoires.

Or, en matière de modèle énergétique, nous ne pensons pas qu’une gestion décentralisée de l’énergie serait plus performante, ou que le marché soit un acteur pertinent de la transition énergétique. D’ailleurs, nous ne disposons toujours pas de bilan de la politique de déréglementation dans le secteur de l’énergie qui a été organisée ces dernières années.

Pourtant, c’est bien une telle déréglementation que prévoit ce projet de loi, que ce soit par l’instauration d’un complément de rémunération pour les énergies renouvelables, ou encore par la marchandisation des capacités d’effacement de consommation d’électricité qu’avait instituées la loi Brottes. Loin d’un service public de l’effacement, c’est un véritable monopole privé au profit de Voltalis qui est mis en place.

L’objectif de réduire la production d’électricité d’origine nucléaire d’un tiers d’ici à vingt-cinq ans ne peut être un objectif en soi. Nous voyons bien ce que signifie en Allemagne la réouverture des mines de lignite. L’électricité d’origine nucléaire n’est pas carbonée et la filière nucléaire, qui se développe partout dans le monde, représente en France 400 000 emplois. Pour autant, oui, il faut plus de recherche sur l’élimination des déchets, plus de transparence sur les questions de sureté, et le retour à une maîtrise par l’opérateur historique sans sous-traitance source de risques pour les salariés et la société.

La privatisation de l’hydroélectricité qui ne porte pas son nom illustre ce double désengagement, financier et organisationnel. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles, puisque nous proposons de supprimer les dispositions qui tendent à privatiser des installations hydroélectriques : elles appartiennent en effet à notre patrimoine énergétique, et leur rôle stratégique est essentiel du point de vue tant industriel et agricole que social et environnemental.

Pourtant, les lois du marché, la concurrence libre et non faussée ont conduit à un alourdissement très net de la facture énergétique des ménages, fragilisant ainsi les plus modestes. Depuis juillet 2005, les tarifs du gaz naturel ont augmenté de 61 %, et ceux de l’électricité ont progressé de plus de 20 %, notamment en raison de la hausse de la CSPE, qui sert à financer les énergies renouvelables.

La mise en place de diverses formes de sociétés permettant de régionaliser la production ou la distribution risque de porter un coup fatal au service public national déjà mis à mal. Ce processus porte en germe la fin du système de péréquation tarifaire, des tarifs régulés et de l’égalité de traitement sur tout le territoire.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Bosino. Je termine, madame la présidente.

Nous avons besoin de grands investissements publics dans ces domaines, créateurs de centaines de milliers d’emplois. Il est nécessaire de rompre avec le modèle économique libéral et de répondre aux besoins de nos concitoyens.

Pour l’heure, nous craignons que ce projet de loi ne réponde pas à ces exigences. C’est pourquoi, madame la ministre, nous attendons beaucoup des débats qui vont suivre.

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