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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le découpage en cinq zones ne se justifie plus, et une tarification unique s’impose

Pass navigo (suite) -

Par / 16 mai 2013

Rapporteur de la commission du développement durable.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi établit un versement transport unique en Île-de-France pour donner à la région les moyens de financer le pass navigo unique, valable pour toute l’Île-de-France au tarif en vigueur à Paris, soit 65 euros, contre 113 euros pour la grande couronne.

Cette mesure de justice sociale est demandée par l’ensemble de la majorité régionale, en particulier par son président, Jean-Paul Huchon. Elle répond aux problèmes quotidiens qu’endurent les Franciliens de petite et grande couronnes qui subissent le double choc de la crise du logement, obligeant de plus en plus de ménages à habiter loin de leur travail, et la crise des transports collectifs, qui sont saturés et où les conditions de circulation sont très dégradées, faute d’investissements suffisants depuis plusieurs décennies.

Certains de nos collègues se sont interrogés sur le fait qu’il revienne au Parlement de débattre d’un sujet proprement francilien : si la région d’Île-de-France décide d’instaurer un pass navigo unique, pourquoi le législateur devrait-il interférer ?

M. Philippe Dallier. Bonne question !

M. Michel Billout, rapporteur. Je m’en suis moi-même étonné, mais le fait est là : en vertu de la Constitution, le législateur détermine le plafond des taxes et impôts ; il nous revient donc de relever celui du versement transport, puisque la majorité régionale veut mobiliser ce levier de financement pour ne pas toucher aux crédits réservés aux investissements.

Je résumerai notre action en ces termes : la majorité régionale a prévu une mesure tarifaire pour compenser les difficultés des Franciliens qui vivent loin de leur lieu de travail et pour encourager les transports collectifs dans la région capitale, mais elle a également donné la priorité aux investissements indispensables à réaliser dans les réseaux.

Dans ces conditions, il convient d’envisager une ressource supplémentaire, que les entreprises peuvent apporter. C’est pourquoi il nous revient de relever le plafond du versement transport ou, plutôt, de l’harmoniser sur l’ensemble de la région. Tel est l’objet de cette proposition de loi.

Vous connaissez la situation difficile des transports en commun en Île-de-France. Nos collègues députés y ont consacré l’an passé une commission d’enquête ; leur diagnostic, tout à fait édifiant, confirme ce qu’affirment les associations d’usagers depuis bien des années : les retards et la congestion sont si importants que les transports pèsent, non seulement sur la vie quotidienne de ses habitants, mais aussi sur l’attractivité même de la région capitale.

Dans ces conditions, les usagers fréquents, ceux qui habitent loin de leur lieu de travail et qui n’ont souvent pas d’autre choix que les transports en commun, subissent de plein fouet les effets de la saturation. Ils contestent, et on les comprend bien, que le prix de leur pass navigo soit plus élevé qu’au centre de l’agglomération, pour un service de bien moindre qualité.

Cette protestation bien légitime rencontre une autre préoccupation : la tarification par zones concentriques autour de Paris est de moins en moins adaptée aux réalités des déplacements. Elle est devenue d’autant plus obsolète qu’elle a déjà été aménagée, avec le dézonage en grande couronne et, plus récemment, sur l’ensemble du réseau le week-end.

Actuellement, la région est découpée en cinq zones concentriques autour de la Capitale. Le zonage pourrait paraître de bon sens : l’usager paie plus cher parce qu’il circule sur des itinéraires plus longs. Cependant, les choses sont plus complexes dans la réalité : des itinéraires en zone 1-2 sont plus longs que d’autres entre les zones 1 et 3, par exemple.

Par ailleurs, ce système concentrique s’accommode mal des déplacements de banlieue à banlieue, qui sont les plus fréquents, car ils se développent aujourd’hui avec les tramways et se développeront demain avec les lignes « transversales » du Grand Paris.

Dans ces conditions, sauf à mettre en place une tarification au réel, qui soit fonction des kilomètres effectivement parcourus, mais aussi des segments empruntés, le plus simple est de s’aligner sur la tarification en vigueur dans le métro depuis des décennies : une tarification unique sur tout le réseau, pour un trajet d’une station ou de cent.

Qui plus est, la tarification unique de l’abonnement prend acte d’un fait majeur : la région capitale fonctionne déjà comme une métropole. L’INSEE le constate à chaque recensement (M. Roger Karoutchi s’exclame.) : l’aire urbaine de Paris déborde la région, les habitants de Seine-et-Marne ne se vivent évidemment pas tous comme des banlieusards, mais, dans la réalité du logement et de l’emploi, ils le sont devenus dans leur majorité !

C’est donc pour des raisons d’équité sociale et d’identité régionale que la majorité régionale a inscrit, dans son programme de mandature, le pass navigo unique au tarif des zones 1-2.

Cette mesure coûterait environ 500 millions d’euros. L’objet de cette proposition de loi est d’en prévoir le financement, en harmonisant les plafonds du versement transport en Île-de-France.

Ainsi, l’article 1er étend à l’ensemble de l’Île-de-France le plafond de 2,6 % du versement transport, soit le taux en vigueur lorsque cette proposition de loi a été déposée sur le bureau du Sénat, avant le relèvement de 0,1 point prévu dans la loi de finances pour 2013.

Pourquoi en passer par une harmonisation du versement transport ?

Les usagers et, surtout, les collectivités locales ont déjà très largement contribué à la relance des investissements engagée depuis quelques années. Ils ont même augmenté leur participation, alors que celle des entreprises, pour le réseau existant, est restée au fil de l’eau, bien en deçà de l’effort nécessaire pour rattraper le niveau.

De plus, le bon fonctionnement du réseau de transports collectifs est assurément un facteur clé de compétitivité des entreprises ; il est même décisif pour l’attractivité de la région capitale. En d’autres termes, les entreprises ont tout intérêt à ce que les transports en commun fonctionnent bien !

Mes chers collègues, songez que le taux de versement transport payé par les entreprises franciliennes, hors Paris et les Hauts-de-Seine, est soit inférieur soit égal à celui que les entreprises paient dans les métropoles régionales, comme si le problème des transports collectifs n’était pas plus criant en Île-de-France qu’en région !

Le « zonage » du versement transport, instauré en 1971, n’avait pratiquement pas été modifié jusqu’à la loi de finances rectificative pour 2010 : il était départemental, avec un plafond de 2,6 % pour Paris et les Hauts-de-Seine, un plafond de 1,7 % pour les deux autres départements de la petite couronne, puis un plafond de 1,4 % pour les trois départements de la grande couronne.

À la suite du rapport sur le financement du Grand Paris remis par Gilles Carrez, rapport adopté à l’unanimité par la commission des finances de l’Assemblée nationale, le collectif budgétaire de 2010 a, enfin, prévu de modifier ce zonage pour mieux tenir compte de l’agglomération francilienne.

La zone 1, formée par Paris et les Hauts-de-Seine, est restée inchangée, avec un plafond à 2,6 %, passé à 2,7 % cette année, mais la zone 2 a été élargie « pour tenir compte de l’unité urbaine au sens de l’INSEE ».

Qu’est-ce que « l’unité urbaine », à ne pas confondre avec l’aire urbaine ? C’est la continuité bâtie de la ville : elle regroupe 412 communes sur les 1 301 communes franciliennes, soit moins d’un tiers des communes, mais 85 % de la population francilienne.

C’est cette unité urbaine qui sert de périmètre au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, lequel prévoit la création de la métropole de Paris ; je reviendrai plus loin sur ce projet de loi, dont l’adoption en conseil des ministres est intervenue après l’examen en commission de la présente proposition de loi.

Sur cette unité urbaine, le plafond du versement transport est fixé à 2,6 % pour Paris et les communes des Hauts-de-Seine ; pour les autres communes, il est fixé à 1,8 %, soit au même niveau que pour les métropoles régionales. Quant aux quelque 900 communes franciliennes non comprises dans cette unité urbaine, celles qui forment la zone 3, le plafond du versement transport y est de 1,5 %, soit un niveau inférieur à celui des métropoles régionales.

Mes chers collègues, cette réforme du versement transport n’est pas allée assez loin ; le compte n’y est pas. Les usagers et les entreprises elles-mêmes ont besoin d’une mobilisation forte pour les transports collectifs en Île-de-France.

Pourtant, lors des auditions auxquelles j’ai procédé, j’ai pu mesurer combien l’idée de relever le versement transport provoquait une levée de boucliers, au-delà même des représentants des entreprises.

Je crois que nous devons ramener la question à ses justes proportions.

Ces dix dernières années, en même temps que la fréquentation des transports collectifs progressait de 20 %, leur coût d’exploitation a augmenté de 25 %, passant de 6 à 8 milliards d’euros. Qui a financé ce surcoût ? Au premier chef, les collectivités publiques. C’est pourquoi la part du financement assurée par les entreprises a diminué ; les chiffres figurent dans mon rapport. Aussi bien, les entreprises ont beau jeu de dire qu’elles paient plus qu’avant : elles omettent de considérer l’effort consenti par la collectivité pour rénover le réseau et doter la région de transports collectifs modernes !

Mes chers collègues, tout le monde reconnaît que les réseaux de transports collectifs en Île-de-France sont à bout de souffle et qu’il faudra poursuivre pendant dix ans au moins le travail remarquable entrepris par la région d’Île-de-France, le STIF, la RATP, la SNCF et RFF, pour que les effets du rattrapage se fassent enfin sentir. Dans ces conditions, pourquoi devrait-on s’interdire de mobiliser davantage les entreprises, qui bénéficient évidemment d’une amélioration des réseaux ?

Les entreprises agitent bien facilement le chiffon rouge des charges et de la compétitivité. Seulement, le rapport Gallois montre qu’améliorer la compétitivité n’équivaut pas à réduire les charges ; la compétitivité résulte plutôt d’un ensemble de facteurs, parmi lesquels la qualité des investissements se place au tout premier plan. De fait, la qualité des réseaux de transports collectifs contribue indiscutablement à la compétitivité, surtout dans une région comme l’Île-de-France où les emplois sont concentrés, souvent éloignés des logements et où les routes sont saturées.

De plus, le taux du versement transport n’est pas un critère déterminant de localisation des entreprises. La preuve en est qu’elles se concentrent aujourd’hui là où il est le plus élevé ! (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.)

Ainsi, je crois que les entreprises nous font un mauvais procès en agitant la menace de la délocalisation pour 0,3 point de versement transport en plus ; elles ne prennent pas toute la mesure de la mobilisation nécessaire pour les transports collectifs en Île-de-France.

Cette proposition de loi apporte une solution claire : l’harmonisation du plafond du versement transport dans toute l’Île-de-France. À titre personnel, je considère qu’il est nécessaire de l’amender pour mieux tenir compte du fonctionnement effectif de l’agglomération francilienne.

En effet, lors de mes auditions, j’ai retrouvé un problème que je connaissais comme élu de grande couronne : lorsqu’on dépasse la continuité bâtie et que les réseaux de transports perdent en densité, le lien se relâche entre le versement transport et sa contrepartie, c’est-à-dire les transports collectifs ; ainsi, les entreprises non situées dans l’unité urbaine ne comprennent pas pourquoi elles devraient payer pour des transports peu denses et que leurs salariés n’utilisent pas, ou très peu.

C’est pourquoi il me semblerait nécessaire, dans un premier temps, de limiter l’harmonisation du versement transport aux zones 1 et 2, en leur appliquant le même taux de 2,7 %. D’ailleurs, cette harmonisation prendra tout son sens avec le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui prévoit la création, sur le territoire de l’unité urbaine, d’une métropole de Paris appelée à jouer un rôle majeur dans l’aménagement du territoire. Comment, avec ce cadre nouveau, ne pas défendre l’harmonisation du versement transport sur ce territoire ?

Pour la zone 3, il me semble plus juste de porter le plafond au niveau qui s’applique aujourd’hui dans la zone 2, c’est-à-dire à 1,8 %. De la sorte, un taux urbain de 2,7 % s’appliquerait dans l’unité urbaine de Paris, c’est-à-dire dans les 412 communes qui représentent 85 % des Franciliens et qui forment le cœur de l’agglomération, où les réseaux de transports collectifs sont assez denses, tandis que le plafond du versement transport serait porté à 1,8 % dans les 900 communes franciliennes de la zone 3, où il rejoindrait donc le niveau en vigueur dans les métropoles régionales.

J’ai obtenu une évaluation des recettes supplémentaires de versement transport avec ces deux scénarios. Si le versement transport était porté à 2,7 % dans toute l’Île-de-France, le supplément, calculé sur la base des chiffres de 2012, atteindrait 668 millions d’euros. Avec la modulation que je propose, la recette supplémentaire approcherait les 500 millions d’euros, soit la somme que la proposition de loi vise à lever.

Cette mesure serait un signe de solidarité important avec ceux qui subissent la « galère » des transports et qui vont continuer à la subir. Certes, la somme en jeu est importante – 500 millions d’euros –, mais il faut la comparer aux 27 milliards d’euros que l’État et la région disent vouloir investir dans le réseau.

M. Philippe Dallier. « Disent vouloir » !

M. Roger Karoutchi. Sur dix ans !

M. Michel Billout, rapporteur. Les 500 millions d’euros que nous demandons aux entreprises serviront à faire patienter les usagers d’aujourd’hui ; c’est important pour la vie quotidienne des Franciliens !

En outre, l’adoption de cette mesure montrerait clairement à tous les Franciliens qu’ils appartiennent à la même région, au moment où la création de la métropole de Paris risque de renforcer la fracture entre les habitants de l’unité urbaine et les autres.

M. Roger Karoutchi. Ah ! Si vous le dites !

M. Michel Billout, rapporteur. Enfin, nous aurons à suivre de près la poursuite du financement des réseaux de transports collectifs, en nous demandant si le temps n’est pas venu d’élargir l’assiette du versement transport pour qu’il ne repose plus seulement sur la masse salariale ; c’est le sens de l’article 2 de la proposition de loi.

Pour conclure, je me dois de vous informer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire n’a pas adopté la présente proposition de loi ; je le regrette, mais c’est un fait.

Journal L’Humanité
Journal "Le parisien"

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