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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le retour par petites touches de l’ex-directive Bolkestein

Réseaux consulaires : question préalable -

Par / 9 juin 2010

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme mon amie et collègue Odette Terrade le rappelait lors de la discussion générale, ce projet de loi est une nouvelle illustration de la volonté idéologique constante du Gouvernement de libéraliser l’ensemble des activités humaines et de réduire à sa plus faible expression l’intervention publique.

Pour y parvenir, le Gouvernement use d’une application mécanique de la RGPP, renforcée localement par les contraintes liées à la réforme des collectivités territoriales, la suppression de la taxe professionnelle et le gel annoncé des dotations de l’État.

Monsieur le secrétaire d’État, avec ce projet de loi, nous sommes donc au cœur même des politiques d’austérité que vous expérimentez depuis maintenant plusieurs années et que vous voulez aujourd’hui considérablement aggraver.

Je suis pourtant surpris que vous vous engagiez dans la réforme du réseau consulaire en reprenant les principes qui ont prévalu lors de la refonte de la carte judiciaire, alors que celle-ci s’est avérée inefficace en termes de service rendu.

Mais nous savons bien que le service public n’est plus votre préoccupation. Seul compte le respect des critères de Maastricht et le fameux plafonnement à 3 % du PIB de la dette publique.

Pour réduire cette dette, vous privilégiez les économies qui seront supportées par le plus grand nombre, aggravant encore la situation des plus fragiles : réduction drastique du nombre de fonctionnaires – enseignants, personnels de santé, gendarmes –, nouvelle attaque contre notre système solidaire de retraite, etc.

Tout y passe, à l’exception, bien entendu, d’une réelle contribution des plus grandes fortunes et des revenus de la spéculation financière. Vous avez d’ailleurs encore récemment refusé de supprimer le bouclier fiscal ou de revenir sur l’aménagement de l’ISF.

Nous le voyons bien, la politique menée par le Gouvernement correspond non pas à la recherche de l’intérêt général, mais bien à la satisfaction d’intérêts très particuliers.

En cohérence avec vos politiques libérales, vous cherchez une nouvelle fois à faire des économies au détriment du service public et de l’aménagement des territoires, en privant d’assise territoriale forte les chambres de commerce et d’industrie. De manière connexe, cela permettra une nouvelle fois d’abaisser les charges des entreprises. C’est donc, selon vos critères, une excellente réforme que vous nous proposez d’adopter.

Alors que, comme cela a été rappelé lors de la discussion générale par tous les intervenants, les chambres de commerce et d’industrie ont un rôle très important à jouer dans les territoires, pour porter un effort particulier en faveur du développement économique local et de la formation professionnelle, vous faites le choix de l’éloignement des territoires. Vous niez par là même tout principe de proximité, pourtant gage d’efficacité.

Il y a cependant un danger majeur à aller vers des concentrations autour de pôles de compétitivité, sans jamais se donner les moyens de concevoir une politique d’aménagement au service de l’ensemble du territoire par un maillage fin des services publics.

Ainsi, les restructurations et les regroupements de CCI qui sont sous-tendus par votre projet, et dont le cas de l’Île-de-France est une bonne illustration, ne feront que priver les territoires de relais et d’intervention publique dans le domaine économique, et ce sans compter la mise en œuvre, à terme, d’un plan de licenciements massifs des salariés des CCI, sous couvert de rationalisation. Les questions qui ont été posées sur l’emploi et le déroulement de carrière de ces salariés n’ont trouvé aucune réponse en commission de l’économie.

Cette précipitation a conduit la commission des finances à émettre un avis particulièrement critique sur ce texte, notamment sur le montage financier instauré en raison de la régionalisation du réseau. Les membres de cette commission ont même estimé que la partie du texte relative aux CCI ne devait pas être discutée en l’état dans l’hémicycle. Mes chers collègues, cette situation est tellement rare qu’elle devrait attirer votre attention et justifier à elle seule l’adoption de notre motion.

Par ailleurs, comme je le précisais dans mon introduction, ce projet de loi se situe dans le cadre de la réforme des collectivités locales, dont l’un des objectifs est de recentraliser notre organisation territoriale.

Il doit également permettre de répondre à la prescription n° 297 du rapport de Jacques Attali visant à « réduire de 175 à une cinquantaine le nombre de chambres de commerce et d’industrie », au motif que « l’efficacité et la nécessité de ces chambres, dans leurs formes actuelles, et avec leurs missions actuelles, ne sont plus établies […] sur le territoire ».

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez donc choisi, pour respecter cette prescription, de régionaliser le système consulaire, mettant sous tutelle financière et stratégique les chambres de commerce et d’industrie départementales. L’échelon départemental est systématiquement dévitalisé, conformément à votre volonté de voir à terme cet échelon démocratique supprimé.

Pourtant, nous estimons qu’il n’est pas bon de préjuger d’une future réforme des collectivités territoriales qui n’est pas encore adoptée et qui, nous le savons, soulève de nombreuses interrogations et contestations, toutes tendances politiques confondues.

Je souhaiterais maintenant aborder le titre II de ce projet de loi, qui vise à libéraliser un ensemble de professions réglementées au nom de la directive Services et, donc, de la libre concurrence.

Ainsi, le projet de loi comporte des dispositions sur le métier d’agent d’artiste, dont l’exercice nécessite aujourd’hui la possession d’une licence. Afin de faciliter l’accès à cette profession, il est proposé de remplacer cette licence par une simple obligation d’inscription sur un registre national. Les incompatibilités d’exercice de cette profession seront également réduites à l’activité de producteur d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.

Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, plusieurs dispositions portent sur les experts-comptables. Il est notamment proposé d’assouplir les règles de détention du capital et des droits de vote des sociétés d’experts-comptables.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Tout à fait !

M. Michel Billout. Il est également proposé de permettre aux experts-comptables d’exercer une activité commerciale à titre accessoire, d’accepter un mandat social dans une société, un groupement ou une association, de conseiller ou assister les entrepreneurs relevant du régime des micro-entreprises pour les aider à se développer.

Je ne peux également passer sous silence votre volonté de libéraliser totalement l’activité de placement des travailleurs à la suite de la loi de 2005 qui a mis fin au monopole de l’ANPE en ce domaine.

Nous avons bien compris l’objectif de ces mesures. Il s’agit de faciliter l’exercice de professions réglementées du commerce et des services.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Absolument !

M. Michel Billout. Nous pourrions en discuter. Cependant, il faut bien voir que, dans votre esprit, faciliter l’exercice revient à libéraliser totalement certains secteurs, indépendamment de toute considération d’intérêt général.

Il en est par exemple ainsi pour les marchés d’intérêt national. L’article 11 du texte considère que les MIN sont des services publics de gestion de marchés, répondant à des considérations d’intérêt général liées à l’aménagement du territoire, à l’amélioration de la qualité environnementale et à la sécurité alimentaire. Le choix a pourtant été fait, certes par les députés de la majorité, mais dans l’esprit général de ce projet de loi, de supprimer tout périmètre de référence, remettant ainsi directement en cause l’existence des MIN.

Ce choix a été dénoncé dans la discussion générale par nombre de nos collègues, et sur toutes les travées.

Pour notre part, nous considérons que reconnaître la qualité de service public à ces marchés est incompatible avec l’idée de développement d’une concurrence sauvage. Celle-ci ne permettra pas de garantir l’accomplissement des missions de service public, puisque les nouveaux entrants n’auront pas les mêmes contraintes que les grossistes actuels des MIN.

De fait, le projet de loi transpose, une nouvelle fois, la directive Services dans plusieurs secteurs d’activités. En effet, depuis plusieurs années, des textes législatifs transposent par bribes des dispositions de cette directive.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Absolument !

Mme Annie David. Eh oui !

M. Michel Billout. J’en rappelle quelques-uns : la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, dont l’une des conséquences est la disparition des avoués ou la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif. Aujourd’hui, c’est un projet de loi visant à réformer les réseaux consulaires qui nous est soumis.

Toutes ces mesures de transposition aboutissent au même résultat : la disparition programmée des services publics,…

Mme Annie David. Voilà !

M. Michel Billout. … y compris des services sociaux, par l’instauration, comme seule règle, de l’organisation d’un marché fondé sur la libre concurrence, indépendamment de toute considération sociale ou environnementale.

Nous nous opposons non seulement au contenu de cette directive – ex-directive Bolkestein, que nous avions fermement combattue –, mais également à cette pratique de gouvernement de dispersion législative.

À ce titre, l’excellent rapport d’information sur l’état de la transposition de la directive Services, de notre collègue Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, est éclairant. Employant d’autres arguments que les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, il explique votre choix de la façon suivante : cette transposition « ne doit pas constituer un prétexte à la “cristallisation” des mécontentements de tous ordres, d’autant plus nombreux en période de crise […] ».

Mme Annie David. Voilà !

M. Michel Billout. Mieux vaut « instiller plusieurs dispositions de nature technique à l’occasion de l’examen de différents projets ou propositions de loi afin de mettre la législation française en conformité avec les prescriptions de la directive. Cette méthode est sans doute moins lisible, […], mais elle permet, en “technicisant” la transposition, d’éviter l’apparition de polémiques stériles ». Voilà qui a le mérite d’être clair !

Mmes Annie David et Odette Terrade. Eh oui !

M. Michel Billout. Pourtant, comme vous le savez, la plupart des pays de l’Union européenne ont décidé, pour transposer cette directive, de soumettre un projet de loi-cadre à leur représentation nationale. Si une telle procédure ne garantit en rien une meilleure application, elle permet à tout le moins aux différents parlements nationaux de s’emparer pleinement de cette question dans le cadre d’un véritable débat politique, et non pas seulement technique.

Nous pensons que, par respect de la démocratie et du rôle du Parlement, c’est cette démarche qui aurait dû être choisie par le Gouvernement. Car il est vraiment temps, mes chers collègues, d’établir le bilan des politiques prônées tant par les institutions européennes que par l’exécutif national.

Ainsi, au mépris du vote de nos concitoyens, le traité de Lisbonne a été ratifié. Or, malgré son entrée en vigueur, l’Europe connaît sa plus grave crise : le peuple grec, victime de la spéculation financière, est soumis à une cure d’austérité sans précédent. Celle-ci devrait bientôt toucher d’autres peuples européens, en Espagne, au Portugal et même en France, alors que l’on sait la misère sociale qu’une telle politique va générer.

Et ce n’est pas seulement l’avis des communistes ! Permettez-moi une citation et une seule, mais j’aurais pu en faire beaucoup d’autres : « L’Europe va dans la mauvaise direction. En adoptant la monnaie unique, les pays membres de la zone euro ont renoncé à deux instruments de politique économique : le taux de change et les taux d’intérêt. Il fallait donc trouver autre chose qui leur permette de s’adapter à la conjoncture si nécessaire. D’autant que Bruxelles n’a pas été assez loin en matière de régulation des marchés, jugeant que ces derniers étaient omnipotents. […] Et aujourd’hui, elle veut un plan coordonné d’austérité. Si elle continue dans cette voie-là, elle court au désastre ». C’est Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et ex-chef économiste de la Banque mondiale, qui l’affirme. À ma connaissance, ce n’est pas un marxiste…

Car ce sont bien les traités consécutifs européens qui valorisent la rentabilité à outrance, l’indépendance de la BCE, l’entrée des marchés spéculatifs dans les activités d’intérêt général. Ce sont eux les responsables de la nouvelle crise que traverse l’Europe ! D’ailleurs, la directive Services est l’émanation la plus directe de cette philosophie économique dégénérescente.

À l’inverse, nous estimons que doit être mise en chantier une nouvelle directive garantissant non seulement aux États la possibilité d’intervenir dans l’économie comme acteur spécifique, mais également aux citoyens européens le respect de leurs droits fondamentaux, notamment grâce au mécanisme d’une harmonisation sociale par le haut.

Dans ce débat, nous continuons de penser de manière très prosaïque que moins de justice de proximité, moins d’enseignants dans nos écoles, moins de personnels soignants dans nos hôpitaux ne concourent pas à une société de progrès.

Ce discours de la rigueur n’est d’ailleurs plus supportable. Où est votre rigueur devant les banques et les actionnaires des grands groupes ? Quand allons-nous légiférer contre les parachutes dorés, sur les bonus des traders, contre la spéculation ? Sans doute faut-il encore un peu de gestation…

Aujourd’hui, les peuples européens mesurent que l’ouverture de tous les secteurs à la concurrence ne constitue pas une avancée, ni sur le plan social ni même sur le plan économique. C’est pourquoi nous estimons qu’il n’est pas temps de transposer la directive Services, au contraire. Renforçons plutôt les dispositifs de solidarité de notre législation nationale en faveur de la protection des droits sociaux de nos concitoyens et la présence effective de services publics sur l’ensemble du territoire.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir cette motion tendant à opposer la question préalable.

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