Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Mission d’information commune sur les politiques conduites envers les quartiers en difficulté

Par / 7 novembre 2006

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Notre société est en crise et cela n’est pas un fait nouveau. Cette crise perdure depuis bientôt trente ans et a atteint notre pays dans ses profondeurs, dans ses structures mêmes.

Le chômage, la chute du niveau de vie de la plus grande masse, l’accroissement des inégalités, en découlent. Suivent les conséquences bien connues, une société à plusieurs vitesses, le plus grand nombre rencontrant des difficultés croissantes dans l’accès aux soins à la protection sociale, aux études et à la culture, au logement, à la sécurité.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une urgence sociale. Cette urgence concerne bien entendu en premier les populations les plus exposées au mal-vivre de ce début de XXIème siècle qui aurait dû être, qui aurait pu être, conformément à nos rêves d’enfant, celui d’un progrès au service de tous, mais aussi et surtout, concerne notre société toute entière.

Il n’est pas possible, selon les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, de concevoir une nécessaire reconstruction des quartiers sans une refondation de notre société.
La situation est grave, l’urgence est là et tout légitimait la mise en place d’une mission d’information sur la situation dans les quartiers difficiles. Mais d’emblée, il nous apparaissait limiter la portée de celle-ci si l’on persistait à considérer qu’une solution existerait à la seule échelle d’une ville ou d’un quartier, dans un tel environnement économique et social.

Ces remarques préalables me semblent nécessaires afin d’apprécier justement les différentes politiques de la ville mises en place depuis 1982 dont nous ne sous-estimons aucunement l’utilité, mais que nous ne souhaitions pas isoler du contexte politique, économique et social sur le plan national.
Il faut parler clair. Ce n’est pas une politique de la ville qui réparera à elle seule les dégâts d’une politique de désertification industrielle ou de casse des services publics.

C’est bien la politique nationale qui est à l’origine de la montée des inégalités en France.
Cette poussée se concrétise au niveau local. L’écart se creuse entre villes riches et villes confrontées à de graves difficultés sociales. Comment accepter qu’une ville comme Neuilly-sur-Seine, dont Nicolas SARKOZY a longtemps été le maire, n’accepte que 2,5% de logements sociaux alors que près d’un habitant sur cinq paie l’ISF contre 1 pour 1000 à Saint-Denis.

Les inégalités en France sont là : 60% des salariés, tous secteurs confondus, gagnent moins de 1600 euros net par mois. 47% des familles monoparentales ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté avant le versement des diverses allocations.

Comment ne pas percevoir le scandale que représente l’envolée du CAC 40, +50% en 2005, - combien en 2006 ? - au regard de la stagnation, voire la régression des salaires, souvent rognés par l’augmentation des cotisations sociales.
Les primes de départ de plusieurs millions d’euros pour certains PDG ne sont-elles pas autant d’insultes pour les milliers de salariés qui ne savent comment régler les factures de fin de mois ?

Les quartiers difficiles, ce sont avant tout des vies difficiles, le reflet d’une société dure pour le peuple et généreuse pour ceux qui ont déjà beaucoup.
Il faudra, mes chers collègues, s’attaquer à ce système qui permet une croissance sans frein des revenus du capital et bride les revenus du travail.

Ces quartiers, ces villes, sont avant tout victimes d’un système qui nie l’égalité, qui nie la justice sociale.
Même si ce n’était pas son objet, la mission s’est trouvée confrontée aux conséquences de la politique libérale menée depuis quatre ans sur la vie des plus défavorisés.
Des lois de finances qui, systématiquement, favorisent les plus hauts revenus, la baisse de l’impôt favorisant les plus riches, des réformes qui sont de terribles régressions, celles des retraites et de l’assurance maladie. Seuls les plus aisés pourront vieillir dignement et se soigner dans de bonnes conditions.

Les lois de décentralisation libérales qui cassent l’ossature des besoins publics, brise l’unicité de la République et mettent en concurrence les territoires.
Comment lutter pour l’amélioration de la situation dans certains quartiers alors que l’on accepte de jeter aux orties l’idée même de solidarité nationale ?

Nombreux sont ceux, ici, sur tous les bancs, qui connaissent l’impossibilité pour les collectivités territoriales de faire face à l’immensité de leur mission conférée par les lois RAFFARIN. Alors que beaucoup parlent d’effort national pour les quartiers en difficulté, c’est en réalité le chacun pour soi que la majorité du parlement, au Sénat comme à l’Assemblée Nationale, a voté.
Il ne peut, selon nous, y avoir deux discours : l’un pour les missions d’information et l’autre pour expliquer le vote sur des textes qui ont organisé une véritable restauration libérale dans notre pays.

Comment, et je conclurai sur ces remarques d’ordre général par ce point, comment améliorer la vie dans les quartiers difficiles ? Le tout privé, la concurrence érigée comme principe sacro saint, vont à l’encontre de l’idée de reconstruction, de l’idée même d’intérêt général. La phase finale du décès de la Poste est programmée. Croyez-vous que c’est une bonne nouvelle pour les quartiers difficiles ?
La hausse vertigineuse des factures de gaz, comme la privatisation de GDF, sont-elles des bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?

L’anarchie croissante dans le domaine des télécommunications, la désintégration du service public de l’audiovisuel, les suppressions massives de postes dans l’éducation nationale, sont-elles des bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?
Enfin, les menaces à peine voilées contre les services publics de transports sont-elles des bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?
Ces réformes de fond, encadrées par un processus de stigmatisation des populations concernées arguent mal d’une volonté de s’attaquer aux racines des problèmes, bien au contraire.

A partir de ce constat général, le groupe communiste républicain et citoyen avance des propositions d’effets immédiats, dont certaines ont été retenues par la mission.
Rapidement, je souhaite vous rappeler quelques grands axes et mesures qui, à notre sens, apporteraient une réponse cohérente aux difficultés des villes et quartiers.
Dans le domaine de l’emploi et du pouvoir d’achat, il faut porter un coup à la précarité, tant dans le public que le privé. Cela commence par l’abrogation du CNE et l’augmentation du SMIC à 1500 euros. Nous proposons également la création d’une allocation autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans ainsi que l’obligation immédiate de l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.

Lutter contre toutes les discriminations constitue un second objectif fondamental.
Cette lutte doit intervenir dans le domaine du logement, de l’éducation, de l’emploi, des salaires, de la culture.
Les sanctions contre toutes discriminations liées au sexe, aux origines, aux lieux d’habitation, aux opinions ou aux croyances, devront être renforcées.
Il faut, une fois pour toute, accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales pour les citoyens étrangers non communautaires.

Troisième objectif, le droit au logement. Il faut imposer un droit opposable au logement. Parmi les nombreuses propositions que nous formulons sur ce point, j’insiste sur l’absolue nécessité de construire 600.000 logements sur 5 ans à loyers modérés, PLUS et PLAI.
Il apparaît nécessaire de tripler les sanctions contre les communes qui ne respectent pas l’obligation de 20% de logements sociaux et établir l’inéligibilité des maires qui ne respectent pas la loi SRU.
Nous estimons nécessaire de rendre obligatoire la création d’un poste de gardien d’immeuble pour 100 logements.
Quatrième objectif : le développement des transports collectifs. L’Etat doit réinvestir dans leur financement.
La gratuité pour les demandeurs d’emplois, le désenclavement de quartiers aujourd’hui isolés et lutter contre la déshumanisation de ce service public sont parmi nos principales propositions.

Cinquième objectif : l’école et la formation. Accroître l’accueil dès 2 ans à la maternelle, créateur de postes, de médecins et d’infirmières et psychologues scolaires, obligation de l’accueil des élèves en stage ou en formation en alternance dans les entreprises de plus de vingt salariés, le renforcement du lien entre famille et école et la revalorisation des bourses universitaires nationales constituent certaines mesures d’urgence pour permettre l’accès à la formation. Je note que la politique des gouvernements en place depuis 2002 a pris et prend le chemin inverse.

Sixième objectif : donner les moyens aux collectivités territoriales de faire face.
La politique de contrat de ville menée dans les quartiers difficiles est de plus en plus directement supportée par les budgets des communes concernées, comme l’attestent les statistiques.
Cette évolution doit être inversée. Concernant la Seine-Saint-Denis dont il est beaucoup question lorsque l’on évoque les quartiers difficiles, j’estime qu’il est primordial de répondre enfin au « plan d’urgence » déposé par des maires, des parlementaires et le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis.

Septième objectif : la sécurité doit être fondée sur un axe qui allie prévention, concertation et sanction dans le respect des principes républicains. C’est bien entendu l’axe préventif qui est aujourd’hui à l’abandon et ce rapport est un désaveu cinglant de la politique du Ministre de l’Intérieur. La mission a acté à l’unanimité l’urgence de rétablir la police de proximité. Ce ne sont pas les CRS ni les BAC qui pourront rétablir le contact au quotidien dans les cités les plus difficiles.
J’estime nécessaire de prendre à contre-pied la politique du Ministre de l’Intérieur qui a utilisé la désespérance des cités, attisé les conflits comme fond de commerce électoral.

Le rôle d’un ministre de l’Intérieur n’est pas de souffler sur les braises, mais de les prévenir. Un effort doit être effectué pour rétablir les effectifs de police et de gendarmerie dans les villes et quartiers difficiles et, j’insiste, assurer leur maintien permanent ainsi que leur formation. Il faut avoir conscience que dans tous les commissariats de ces villes dites sensibles, il manque entre 20 et 30% des effectifs. Dans ma ville, il manque 35 fonctionnaires.

La justice, quant à elle, doit recevoir en urgence les moyens pour mettre immédiatement en application les mesures prononcées par les tribunaux pour enfants. Nous n’acceptons pas d’ailleurs la répétition des propos scandaleux du Ministre de l’Intérieur à l’encontre de la justice, propos dont chacun mesure aujourd’hui qu’ils visent à masquer son échec personnel.

La logique de réduction des dépenses publiques défendue par la majorité et le gouvernement ne permettra pas une telle évolution. Affirmer le contraire serait une contrevérité.
Par ces quelques extraits et propositions en matière d’intervention immédiate en direction des quartiers difficiles, je souhaitais mettre en exergue l’ampleur de la tâche.

Notre attitude ne relève pas de l’utopie.
Elle s’inscrit dans une approche radicalement différente de la politique économique et sociale à mener dans notre pays. Pour répondre à l’urgence sociale, pour éviter une fracture définitive dans notre société, il faut diriger les richesses, qui sont immenses, vers la résolution des problèmes que vous êtes nombreux aujourd’hui à souligner, disséquer, analyser, sans les prendre à bras le corps.
Cette redistribution des richesses constituerait une rupture, une vraie, avec une politique, celle qui sévit depuis cinq ans, qui sert les plus riches, les intérêts privés d’une élite financière au détriment de l’intérêt général, de l’intérêt du peuple.

Telles sont, mes chers collègues, l’opinion et les orientations que le groupe communiste républicain et citoyen a pu apporter au travail de cette mission.

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Bio Express

Roland Muzeau

Ancien sénateur des Hauts-de-Seine
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