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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Modification de la loi SRU : question préalable

Par / 12 novembre 2002

Par Roland Muzeau

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

La loi sur la solidarité et le renouvellement urbains offrait une démarche et apportait des solutions adaptées, dans un souci de cohérence des différentes formes d’intervention tant de l’Etat que des collectivités territoriales ou des autres agents économiques.

Je ne reviendrais pas inutilement sur le détail des dispositions courant au fil des 209 articles de la loi finalement promulguée, ni sur l’acuité particulière des débats qui avaient animé les deux Assemblées, afin de parvenir à ce résultat.

Qu’il s’agisse en effet de l’évolution de notre droit de l’urbanisme, de la politique du logement, du développement des infrastructures de transport, de l’exercice du droit au logement ou de la lutte contre l’insalubrité, la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains peut légitimement apparaître comme un des éléments d’actif les plus pertinents du travail législatif récent de notre Haute Assemblée.

Qu’on le veuille ou non, pour tous ceux qui, comme nous, sont engagés quotidiennement dans le combat pour donner à la ville les couleurs de la vie, l’acquis des mesures de la loi a constitué à la fois l’aboutissement de nos démarches conjuguées et le point de départ d’un nouveau développement de l’action en faveur d’un urbanisme à la hauteur des exigences de notre époque.

Nous avions eu l’occasion, lors du débat mené ici même, de constater que cette orientation était loin d’être partagée par certains, littéralement arc - boutés sur leurs préjugés et aveuglés par les œillères d’une vision plus que réductrice des problèmes posés.

Dans cet exercice, le moins que l’on puisse dire est que le premier des signataires de la présente proposition de loi s’était particulièrement distinguée, ainsi que l’a rappelé tout à l’heure avec conviction et force exemples significatifs mon collègue et ami Yves COQUELLE.

Et le moins que l’on puisse dire, à l’occasion de l’examen de la présente proposition de loi, est que, quant au fond, rien n’a changé.

C’est bel et bien par pur égoïsme, et pratiquement parce qu’il veut dispenser sa propre localité de tout effort financier ou autre de réalisation de logements sociaux que notre collègue BRAYE défend sa proposition avec tant d’acharnement.

Nous savons aussi, parce que nous l’avons démontré abondamment dans la discussion générale, qu’il s’agit ici non pas d’une véritable proposition de loi mais de ce que l’on peut appeler un faux - nez, c’est à dire un projet de loi que le Gouvernement, particulièrement préoccupé de ses effets d’annonce en matière de politique du logement, n’aurait sans doute pas osé présenter et dont il a confié la soutenance à quelques élus sénatoriaux.

Pour faire bon poids, on ajoute à la liste des signataires le Président et l’ancien Président de la Commission des Affaires Economiques, ou encore le rapporteur spécial du budget des collectivités locales, et l’on agrémente de quelques justifications techniques l’ensemble pour mieux le faire passer.

Cela retire t’il quelque chose au caractère profondément régressif de la proposition de loi ?

Manifestement, non, ainsi que je vais, au nom de mon Groupe, le démontrer désormais.

Que recouvre en effet la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui ?

Ni plus ni moins que des dispositions contenues pour l’essentiel dans le cadre des amendements défendus par la majorité sénatoriale, dans la diversité de ses groupes et de ses sensibilités, lors du débat sur le projet de loi de solidarité et de renouvellement urbains.

En bref, sous l’insistante et amicale pression du Gouvernement, on a demandé ici à certains élus de la majorité sénatoriale de démolir au plus vite une proposition de loi reprenant quelques unes des positions exprimées dans le débat du printemps 2000.

Les objectifs sont clairs : rendre inopérantes les dispositions de l’article 55 de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, relatif à la réalisation de programmes de logements locatifs sociaux et revenir en arrière sur l’évolution du droit de l’urbanisme contenue dans les articles initiaux de la loi, évolution rendue pourtant nécessaire par le développement plus ou moins anarchique d’une urbanisation porteuse et source de futures difficultés, aussi sûrement que celle issue de la politique des ZUP.

Revenons sur quelques unes de ces dispositions.

On nous propose de procéder à une programmation de construction de logements sociaux en fonction d’objectifs définis à l’échelon intercommunal, sur la base d’un PLU adopté à l’unanimité par le conseil communautaire.

Nous connaissons les motivations de cette proposition.

Il s’agit par exemple de faire en sorte de considérer comme atteint l’objectif dans la communauté de Mantes la Jolie, ce qui laisserait Buchelay, ville chère à notre collègue BRAYE, libre de n’acquitter ni contribution de solidarité ou de réaliser le moindre programme de logements sociaux.

Il s’agit encore, en pondérant le Mont d’Or par les Minguettes ou le Mas du Taureau, d’éviter que les banlieues les plus aisées de Lyon ne soient contraintes de payer ou de construire des logements HLM.

Les exemples sont nombreux, pour montrer à quel point ce qui nous est proposé consiste au mieux à en rester au statu quo, au pire à laisser partir à vau - l’eau les communes accueillant déjà sur leur territoire des logements sociaux en grand nombre aux prises avec la paupérisation de la population.

Cela revient par conséquent effectivement à rendre totalement inopérant le dispositif de l’article 55.

Sur les aménagements contenus dans les autres articles de cette partie de la proposition de loi, un commentaire essentiel s’impose.

Il ne s’agit en effet dans l’esprit des auteurs que de matérialiser et de sophistiquer un dispositif d’exclusion et de remise en cause du droit plein et entier au logement pour tous.

La démarche vaut également pour ce qui concerne les évolutions du droit de l’urbanisme.

Les articles 7 à 10 de la proposition de loi ne nous proposent rien d’autre qu’un retour en arrière sur le cadre fixé par la loi de juillet 2000, laissant de nouveau libre cours à la seule prérogative des élus locaux, en matière d’aménagement urbain.

Les dispositions contenues dans la proposition conduisent en effet entre autres à favoriser le mitage des centres urbains par des constructions plus ou moins anarchiques, ne procédant pas d’une démarche cohérente d’aménagement.

De la même manière, les dispositions de l’article 10 laissent le champ libre ( c’est le cas de le dire ) à la réalisation d’opérations de lotissement de terrains à faible pression foncière en périphérie des agglomérations, solution qui ne permettra d’ailleurs pas nécessairement de répondre à ce que d’aucuns croient l’aspiration primordiale des Français, c’est à dire l’accession à la propriété.

Le débat qui nous anime est marqué, en fait, par un certain nombre de visions réductrices.

La première, que notre collègue BRAYE a exprimé dans le passé et qu’il exprime encore aujourd’hui, c’est cette équation entre logements HLM - laideur architecturale - concentration des problèmes sociaux - immigration - échec scolaire et difficultés sociales et délinquance.

Si l’on en croit cette équation, pour le moins simpliste, les trois ou quatre millions de locataires de logements HLM sont de dangereux individus, leurs enfants des délinquants en puissance et les villes emplies de ces logements de véritables coupe - gorge.

C’est là faire preuve à la fois d’aveuglement et de mépris, d’un mépris profond pour ces familles, pour leur courage face aux difficultés de la vie et les résultats qu’ils obtiennent dans les luttes qu’ils peuvent mener.

On pourrait d’ailleurs à l’occasion relever que, selon les études officielles les plus sérieuses, les logements HLM sont, en France, ceux présentant de loin les meilleures garanties de confort, et que la densité de l’habitat n’est pas systématiquement au rendez - vous des politiques de construction de logements.

Elu d’une commune populaire de la boucle Nord de la Seine, j’ai, avec mes collègues, mené de longue date une politique d’aménagement de groupes de logements locatifs sociaux de haute qualité, tant au plan de l’architecture que des services offerts et j’invite qui le souhaite à venir se rendre compte in situ de ce que signifie cette orientation.

Les logements de médiocre qualité, aux loyers élevés, mes chers collègues, c’est dans le parc privé que nous les trouvons, où de sinistres individus, tirant parti de la tension du marché du logement dans la Région Ile de France, proposent à des tarifs prohibitifs de véritables taudis, où tout se paie d’ailleurs souvent de la main à la main.

Cela, au demeurant, était aussi dans le champ de la loi SRU, cette définition du logement décent et je ne peux que regretter qu’à l’examen des orientations budgétaires du Ministère de l’Equipement, la ligne destinée au financement de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’Habitat ne subisse un recul, de même que celle destinée à la lutte contre le saturnisme.

J’estime donc parfaitement trompeuse l’assimilation entre logement social et accumulation de problèmes et de difficultés.

Je ne peux également manquer de souligner ici qu’en la matière, le logement a bon dos et que faire porter la responsabilité dont souffre la société à la manière dont elle a répondu à une certaine époque à la demande en la matière est pour le moins malvenu.

Mes chers collègues, qui, dans les rangs de la majorité sénatoriale, n’a pas été en pointe dans la lutte à la fois contre le développement du logement social, puis ensuite contre le développement des droits des salariés lors de la discussion de la loi de modernisation sociale ?

Mais ne croyez-vous pas pourtant que c’est l’accumulation des plans sociaux qui a occasionné, dans bien des villes, l’émergence des difficultés que nous connaissons, plus sûrement qu’encore que la dégradation de l’habitat ?

Mantes la Jolie, qui pour certains devient mal nommée, n’est ce pas aussi un cas particulièrement signifiant de ce point de vue, avec la contraction sérieuse des effectifs des entreprises du bassin, depuis l’usine de Flins de Renault SA à Dunlopillo ?

Quand les pères qui travaillaient dans ces entreprises ont des enfants qui ne trouvent plus de débouchés professionnels, comment les situations ne peuvent finir par se dégrader ?

Autre vision réductrice qui sous tend le discours qui nous est tenu à l’occasion de la présentation de ce texte : celui qui voudrait que l’accession à la propriété soit le reve de tous nos compatriotes, et notamment sous la forme d’une petite et agréable maison avec jardin ou pelouse compris.

C’est un peu ce que préconisent les articles de la seconde partie de la proposition de loi.

Mais le problème est que le rêve est parfois gâché, et que les exemples ne manquent pas.

Je ne reviendrais pas sur quelques scandales plus ou moins significatifs sur cette question ( comme ce qui était advenu aux accédants du groupe CARPI ), mais nous ne pouvons cependant oublier que l’une des raisons qui a poussé au développement de lotissements de pavillons dits industrialisés, est la pression foncière forte s’exerçant dans les centres d’agglomération, repoussant toujours plus loin de ces centres les salariés modestes ou moyens.

Et le rêve de la maison à la campagne se double bien souvent de l’absence d’infrastructures de transport à la hauteur, de services publics de proximité, d’équipement commercial suffisant, sans compter les contraintes nées de l’utilisation d’un véhicule personnel pour aller et revenir de son lieu de travail.

Nous estimons donc que le développement cohérent du territoire, si l’on souhaite répondre aux aspirations des Français, appelle d’autres solutions que celles consistant à neutraliser toute perspective de réalisation de logements sociaux au cœur des agglomérations et à laisser se développer une péri urbanisation anarchique, où le lien social se distend aussi sûrement que dans les grands ensembles locatifs victimes de la crise économique.

C’est pourtant ce choix qui anime les auteurs de la présente proposition de loi, plus soucieux de défendre leurs prérogatives égoïstes d’élus locaux que de développement équilibré des territoires avec la conséquence dramatique et vérifiée d’un accroissement des ghettos.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous ne pouvons que préconiser à la Haute Assemblée d’adopter notre question préalable, tendant à clore la discussion des conclusions de la Commission des Affaires Economiques sur cette proposition de loi.

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Roland Muzeau

Ancien sénateur des Hauts-de-Seine
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