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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nationalité des équipages de navires (deuxième lecture)

Par / 27 mars 2008

« Le travail des hommes en mer, bien que la technologie puisse beaucoup en atténuer la pénibilité et la dangerosité garde une spécificité liée au milieu. Il demeure chargé de nombreuses et fortes contraintes très souvent mal acceptées par l’individu moderne et considérées comme pénalisantes au regard d’une vie sociale normale et intégrée [...] Il semblerait donc que le manque de vocations en France, mais aussi dans d’autres nations développées traditionnellement maritimes, puisse s’étendre peu à peu aux pays émergents où les contraintes du métier deviennent insupportables pour les nouvelles générations à bon niveau de formation par rapport aux offres faites dans d’autres domaines de l’économie ».

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce constat du groupe d’études du Conseil supérieur de la marine marchande a été fait il y a maintenant un an dans le rapport intitulé : Développement de l’emploi dans les activités maritimes, de la filière portuaire et dans les secteurs connexes.

Il pose clairement, monsieur le secrétaire d’État, la question du manque d’attractivité des professions de la mer. Or le Gouvernement, en refusant de s’atteler à ce problème, renonce de facto à la mise en oeuvre de solutions efficaces et pérennes.

En effet, depuis cette date, que propose le Gouvernement ? L’adoption d’un texte de loi qui, d’une part, revient sur la réserve de nationalité du capitaine et de son second, entrant ainsi en contradiction avec le principe de l’exercice de prérogatives de puissance publique par les nationaux, et, d’autre part, pose le problème élémentaire d’une garantie minimale des règles de sécurité sur les navires.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement se trompe de combat. Les artifices juridiques ne masqueront pas longtemps l’incapacité de la majorité gouvernementale à répondre à la crise du secteur maritime.

Vous ne résoudrez pas les déficits de personnels qualifiés tant que les conditions de travail et les rémunérations ne seront pas revalorisées. Les revendications lors de la grève, il y a quelques semaines, des officiers de la Seafrance ont été très claires à cet égard.

Face au mécontentement grandissant, le 31 janvier dernier, la tenue de tables rondes sur le contenu de la formation maritime, le devenir des écoles de la marine marchande ou l’attractivité des métiers maritimes, ont débouché sur des pistes intéressantes.

Vous nous avez annoncé, il y a un instant, l’ouverture de nouvelles classes susceptibles d’augmenter de 39 % la capacité de formation : c’est positif. Mais d’autres mesures - si toutefois elles sont prises - n’auront d’effet que sur le long terme, monsieur le secrétaire d’État. La découverte par le ministère des transports de la nécessité de renforcer les moyens des écoles et de la formation me semble hélas ! bien tardive.

Bref, ces mesures nécessaires dans un climat dégradé ne seront pas suffisantes pour donner envie aux jeunes, à court terme, d’engager des carrières dans le secteur maritime.

En ce qui concerne le projet de loi, je dispose de très peu de temps pour envisager en détail les difficultés et les dangers auxquels il nous expose.

Au demeurant, la concision de mon intervention ne sera guère regrettable dans la mesure où nos collègues de la majorité ont défendu il y a quelque temps, dans cet hémicycle, un certain nombre d’arguments en faveur du maintien de l’exigence de nationalité française pour le capitaine et son second sur les navires battant pavillon français. Je citerai parmi d’autres notre collègue Henri de Richemont, rapporteur de la proposition de loi relative à la création du registre international français.

Sur la question de l’exercice des prérogatives de puissance publique, il justifiait la réserve de nationalité de la manière suivante : « Le capitaine et son substitué sont en effet investis de prérogatives de puissance publique : le code civil et le code disciplinaire et pénal de la marine marchande leur confèrent tantôt l’exercice de fonctions d’officier d’état civil tantôt de véritables pouvoirs de police qui les font directement participer au service public de la justice. »

Aujourd’hui, le fait de vider artificiellement les compétences susvisées du capitaine suffirait à écarter l’obstacle légal tiré de l’existence de l’exercice de prérogatives de puissance publique ? Non, car si sur le papier les incompatibilités semblent levées, dans la pratique les problèmes demeurent.

Même si la probabilité que le capitaine soit amené à faire usage de ses pouvoirs en matière civile est faible, elle n’est pas nulle. C’est pourquoi, contrairement à la position adoptée par la Cour de cassation et conformément à la position retenue par les juridictions du fond, nous restons persuadés que le droit communautaire tolère cette réserve de nationalité et qu’il appartient au législateur d’en tirer les conséquences

Monsieur le rapporteur, vous citez dans votre rapport un extrait de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 11 mars dernier. Vous soulignez, pour nous convaincre - ou peut-être vous convaincre vous-même (M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur sourient) -, le passage qui vise à affirmer que l’exercice de prérogative de puissance publique ne constitue qu’une part réduite des activités des officiers.

Je voudrais, pour ma part, souligner un autre passage.

La Cour de justice des Communautés européennes pour condamner la France déclare qu’« en maintenant dans sa législation l’exigence de la nationalité française pour l’accès aux emplois de capitaine et d’officier (second de navire) à bord de tous les bateaux battant pavillon français » - j’insiste sur ce « tous » - « la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 39 CE ».

Il ressort de ce dernier considérant que la législation française aurait pu prévoir des solutions différentes en fonction de la durée et des distances du déplacement en mer.

Or le projet de loi ne s’embarrasse pas du détail.

En effet, des navires armés au long cours et au cabotage international, pour lesquels M. le rapporteur avait noté que le capitaine est amené, ne serait-ce qu’en matière disciplinaire, à exercer réellement ses prérogatives de puissance publique, ne font pas l’objet d’une exception.

Imaginez la situation d’un capitaine de nationalité étrangère au large de Singapour qui devra entrer en contact avec les autorités françaises pour pouvoir exercer ses prérogatives d’officier de police judiciaire. En admettant que cet officier parle français, sera-t-il en mesure de comprendre les instructions juridiques transmises par l’autorité compétente et sera-t-il en mesure de joindre rapidement cette autorité ? Je ne le pense pas.

Pour avoir les informations, il appellera probablement sa compagnie, qui les trouvera et les lui communiquera dans un délai plus ou moins long. Ainsi, par la multiplication des interlocuteurs, votre texte rendra impossibles les réactions d’urgence.

Les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale ont été l’occasion de révéler, me semble-t-il, l’artifice du système proposé. Le débat est clair de ce point de vue.

Face aux difficultés pratiques, avec le renvoi aux autorités publiques à terre, certaines compétences qui relèvent de la procédure pénale ont été rendues au capitaine ; je pense aux cas de crime ou de délit flagrant.

Enfin, nous estimons que la multiplication des langues parlées sur un navire présente l’inconvénient de ralentir la réaction de l’équipage face aux dangers potentiels, avec tous les risques que cela peut engendrer.

Bref, sans remettre en cause les qualifications des officiers étrangers, nous voterons contre ce texte, qui n’apporte pas de remède à la pénurie d’officiers, qui pose des problèmes pratiques en ce qui concerne l’exercice des prérogatives de puissance publique, enfin qui risque d’engendrer des dangers en ce qui concerne la sécurité des bâtiments.

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