Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nous voulons réaffirmer la primauté du politique sur le financier, des peuples sur les marchés financiers

Egalité des territoires -

Par / 13 décembre 2012

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre avec l’examen de la proposition de résolution de nos collègues du groupe du RDSE visant à prendre un engagement fort pour l’égalité des territoires est très important. Il met clairement en exergue les conséquences dramatiques pour nos concitoyens des politiques menées au cours de ces dix dernières années.

En effet, loin d’œuvrer pour le respect des droits fondamentaux et pour l’égal accès de tous aux services publics, les précédents gouvernements n’ont eu de cesse de remettre en cause les acquis fondamentaux de notre République. Leur unique objectif a été de réduire l’action publique en laissant la place à l’initiative privée et en menant une politique de casse des mécanismes d’assurance collective, une politique du chacun pour soi, nous enferrant chaque jour un peu plus dans la grave crise économique, financière, sociale et même morale que connaît notre pays.

Au principe de solidarité nationale a été opposé celui de la concurrence entre les territoires et du repli identitaire. Dès lors, tous les territoires, en premier lieu les plus fragiles, ont fait la douloureuse expérience de l’abandon de l’État.

Cet abandon s’est traduit concrètement par l’aberrante mise en œuvre de la RGPP, avec sa règle mécanique et complètement aveugle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux,…

M. Jean-Claude Lenoir. Désormais, ce sera deux sur trois !

Mme Mireille Schurch. … et par la perte d’ingénierie publique de proximité.

La mise en concurrence des territoires, l’assèchement des ressources des collectivités territoriales et les transferts de charges non compensés ont mis les collectivités dans des situations intenables.

Cette fracture territoriale a souvent pris le visage de pôles dits « de compétitivité » ou « d’excellence rurale », les ressources étant concentrées sur certains projets ou sur certains territoires, tous les autres étant mis au ban.

Nous partageons évidemment l’ensemble des constats dressés dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution et soutenons l’urgence pour le nouveau gouvernement d’agir en faveur de l’ensemble des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Aussi me permettrai-je d’indiquer les chemins qu’il nous semble indispensable de prendre pour redéfinir les bases d’un pacte républicain du XXIe siècle dans le pays des Lumières, un pacte républicain fondé sur une relation de confiance renouvelée entre l’État et les territoires.

Les préconisations formulées dans la proposition de résolution nous agréent : plus d’écoles, plus d’hôpitaux, plus de gendarmeries, plus de tribunaux, des bureaux de poste sur tout le territoire et le très haut débit pour tous... Voilà, en ce mois de décembre, la liste nécessaire et utile que nous adressons au père Noël. Toutefois, je crains que certains engagements pris par le Gouvernement ne contrecarrent, ou du moins, ne freinent cet élan franc et massif.

Vous vous en doutez, je pense ici à l’adoption du traité budgétaire européen avec sa règle d’or, qui contraint l’ensemble des budgets publics, en imposant la poursuite de la rigueur. Je le rappelle, les promoteurs de cette proposition de résolution ont eux-mêmes voté ce texte. Pourtant, il est manifestement incompatible d’adopter l’instauration d’un carcan budgétaire et de vouloir le développement des services publics. La récente loi de finances en est une démonstration : il est demandé encore et toujours à nos concitoyens de consentir des efforts et le volume des emplois publics, à l’instar des dotations versées aux collectivités territoriales, est contraint.

À l’inverse, nous pensons que l’urgence est non pas à rembourser les banques, ni même à répartir le poids de l’austérité imposée par l’Union européenne, mais bien à sortir des logiques comptables de court terme qui nous mènent droit dans le mur. Nous ne pourrons assurer l’égalité des territoires sans remettre en cause l’idéologie du déclin prônée par les libéraux.

Rompre avec ces logiques suppose de remettre au cœur de l’action publique les réponses adaptées pour satisfaire les besoins de nos concitoyens. Pour ce faire, il faut oser remettre en cause la construction européenne telle qu’elle a été définie au cours de ces dernières années.

II nous semble également urgent de rétablir la présence de l’État dans les territoires. Cela passe, à nos yeux, par une réforme courageuse de la décentralisation, qui ne doit pas être guidée par un désengagement de l’État de ses missions régaliennes, mais qui doit, au contraire, reconnaître l’action complémentaire de l’ensemble des collectivités publiques.

L’État doit fixer le cap et définir l’intérêt général pour tous, en garantissant la cohésion nationale et l’accès aux droits fondamentaux. Les élus locaux doivent, par ailleurs, avoir les moyens de mettre en œuvre les politiques pour lesquelles ils ont été élus, notamment en termes de services publics locaux. La proposition de loi qui vient d’être examinée cet après-midi en est l’illustration.

J’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le risque important, pour la cohésion nationale, de l’hyper-régionalisation ou de l’hyper-métropolisation des territoires comme toile de fond de l’acte III de la décentralisation. (M. Jacques Mézard opine.) Il s’agit non seulement d’un éloignement des lieux de pouvoir des citoyens, mais également du plus sûr moyen de créer de nouvelles disparités territoriales.

Par ailleurs, si nous sommes en accord avec la volonté de lutter contre la désertification des services publics nationaux dans les zones rurales, mais également dans les zones urbaines et, surtout, périurbaines, nous estimons qu’il faut alors tordre le coup au dogme de la concurrence libre et non faussée. L’expérience nous prouve qu’il s’agit là d’une impasse. Le secteur privé ne va s’implanter que dans les zones rentables, laissant des pans entiers du territoire sinistré. Il en est ainsi de l’aménagement numérique – nous avons débattu de la lutte contre la fracture numérique –, comme du réseau ferré, notamment du fret ferroviaire avec, d’un côté, l’abandon du wagon isolé et, de l’autre, les autoroutes ferroviaires.

La question est donc bien celle d’une maîtrise publique renforcée. L’abrogation de l’ensemble des lois de libéralisation et de privatisation doit être un objectif politique. De nouvelles nationalisations, fussent-elles temporaires, peuvent également être sérieusement envisagées.

Vous avez parlé d’avenir, monsieur Mézard. Plus globalement, tout le monde reprend le credo de la modernisation de l’État. Toutefois, moderniser l’État, ce n’est pas l’amputer de ses missions régaliennes, c’est sortir du dogmatisme qui conduit à penser que le privé est toujours plus performant que le public. Les partenariats public-privé s’avèrent souvent, par exemple, plus coûteux que les marchés publics classiques.

En outre, vous avez évoqué la nécessité de prévoir des dotations différenciées ainsi qu’un statut de l’hyper-ruralité. Bien que nous ne soyons pas opposés à une telle exigence,…

M. Alain Bertrand. Ah !

Mme Mireille Schurch. … le véritable problème qui se pose aujourd’hui concerne, nous tenons à le rappeler, le gel des dotations versées aux collectivités, voire leur diminution programmée dans les prochaines années. De même, il importe de revoir les bases de la fiscalité locale.

Certes, il est nécessaire de mener une action spécifique sur certains territoires particuliers, enclavés ou défavorisés – ce n’est pas la sénatrice de l’Allier qui vous dira le contraire ! –, mais il est également urgent de revoir le volume des dotations de droit commun, ainsi que les critères d’attribution, afin qu’elles soient suffisantes pour tous. Veillons à ce que les dotations spécifiques ne viennent pas en déduction des dotations octroyées au plus grand nombre.

M. Alain Bertrand. Vous avez raison !

Mme Mireille Schurch. Nous partageons l’exigence de mise en œuvre d’une péréquation territoriale pour incarner le principe de solidarité, pour permettre l’égalité de tous devant les services publics et pour assurer la cohésion sociale sur l’ensemble du territoire. Toutefois, cette péréquation ne doit pas s’apparenter à la gestion de la pénurie et s’opérer uniquement de façon horizontale en reposant sur une fiscalité encore obsolète et injuste. Elle doit absolument être assise sur une fiscalité nationale.

Pour porter cette exigence de l’égalité des territoires qui s’appuie sur l’égalité des citoyens dans leurs droits, il faut s’attaquer à la répartition des richesses entre revenu du capital et revenu du travail. Le véritable levier pour les finances publiques est non pas la compression des dépenses, mais la création de nouvelles recettes. Pour ce faire, il convient de créer un pôle public financier afin de mettre – enfin ! – les banques au service de l’économie réelle et des territoires ; c’est ce que nous demandons depuis fort longtemps. Tel est le rôle que devrait avoir la Banque publique d’investissement, qui doit soutenir nos PME et nos TPE.

Reconnaître l’égalité des territoires, c’est reconnaître le rôle central des communes adossées à leur EPCI comme échelon premier de proximité, un échelon de référence pour l’ensemble de nos concitoyens. J’espère que cela se vérifiera dans l’acte III de la décentralisation.

Nous souhaitons réaffirmer la primauté du politique sur la finance, la primauté des peuples sur les marchés. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons la proposition de résolution, qui réengage un débat juste et nécessaire.

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