Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Organismes génétiquement modifiés : question préalable

Par / 5 février 2008

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée se réunit aujourd’hui afin d’examiner le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. En réalité, nous parlons surtout de plantes génétiquement modifiées.

Il y a presque un an, alors que je présentais la question préalable déposée par mon groupe sur un projet de loi assez similaire, il nous avait été reproché d’ignorer l’urgence de transposer les directives.

Aujourd’hui, que constatons-nous ? Le premier projet de loi examiné par le Sénat est devenu caduc. Le Gouvernement a attendu la fin du Grenelle de l’environnement pour déposer à nouveau un projet de loi. Faute d’une véritable concertation préalable, ce projet de loi a également été retiré, dans l’attente de l’avis du Haut comité provisoire sur les organismes génétiquement modifiés. Vous conviendrez que toutes ces tergiversations font un peu désordre.

Alors que cet avis justifie que soit actionnée la clause de sauvegarde, le Gouvernement décide de façon assez précipitée de saisir de nouveau le Sénat de la question des organismes génétiquement modifiés et plus particulièrement de la culture en plein champ des plantes génétiquement modifiées, au moment où nous nous apprêtons à suspendre nos travaux

Bref, beaucoup de temps a été perdu au regard des impératifs communautaires, et ce temps n’a pas été mis à profit, à notre avis, pour modifier le premier projet de loi afin de transposer les directives et de mettre en oeuvre une réglementation contraignante sur la culture en plein champ de telles plantes.

Cette réglementation aurait eu le mérite de respecter la ferme opposition de la grande majorité de nos concitoyens sur les questions des essais en plein champ et sur celle de la consommation alimentaire d’organismes génétiquement modifiés.

Cette voie a été notamment suivie par la Hongrie, comme en fait état le rapport d’information présenté en octobre dernier par notre collègue Marc Laffineur.

En effet, les pouvoirs publics hongrois, qui souhaitent que la Hongrie demeure exempte de production OGM, ont transposé la directive de façon très restrictive sur les conditions de cultures. C’est donc possible.

M. Gérard Le Cam. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Cet exemple démontre par ailleurs qu’il serait hasardeux de justifier la défense des cultures OGM commerciales par la nécessité de se mettre en conformité avec le droit communautaire. Ne confondons pas les contraintes juridiques et la volonté politique !

De plus, alors que la France a actionné la clause de sauvegarde et qu’une partie de la majorité parlementaire semble acquise à la prudence, tout est mis en oeuvre pour laisser penser qu’en nous opposant aux cultures de plantes génétiquement modifiées nous serions isolés au plan communautaire. Il n’en est rien !

À ce propos, permettez-moi d’évoquer de nouveau le rapport que je citais il y a quelques instants. Sur les vingt-deux pays visés, seuls dix possèdent des cultures transgéniques ; la grande majorité ne possède pas de cultures commerciales, et les cultures expérimentales n’occupent que de très faibles superficies.

Dans ces vingt-deux pays, les populations sont majoritairement opposées aux cultures d’organismes génétiquement modifiés. Notons également qu’au plan européen le nombre de régions se déclarant sans OGM augmente. Cette tendance se dessine également très fortement en Allemagne et en Autriche.

En France, la position est la même. Alors, arrêtons de penser que nous sommes des originaux complètement isolés : il existe bien un mouvement en Europe sur ce sujet !

En opposant la question préalable et en refusant de soutenir des décisions qui pourraient avoir des conséquences imprévisibles sur la santé publique, l’environnement, l’agriculture, notre groupe défend donc une position majoritaire dans la population européenne.

Nous espérons que la présidence française sera l’occasion de débattre d’un certain nombre de sujets touchant notamment l’agriculture, les OGM, et qu’à cette occasion la parole sera rendue à la population. La tendance actuelle, convenons-en, c’est de dire qu’il s’agit d’une question compliquée qui doit être réglée entre spécialistes et qu’il est préférable de ne pas trop demander l’avis de la population.

Je souhaiterais aborder maintenant plus en détail les raisons qui nous conduisent aujourd’hui à refuser ces cultures en plein champ et à nous opposer à la consommation animale et humaine de tels produits. Bien entendu, nous n’ignorons pas qu’une telle situation existe déjà.

En premier lieu, il est incontestable que le coeur de nos divergences se trouve dans la culture en plein champ des plantes génétiquement modifiées. Souvent, malheureusement, les partisans de telles cultures nous accusent d’obscurantisme en brandissant la nécessité de faire avancer la recherche.

Soyons très clairs : nous sommes, comme en témoignent toutes nos interventions sur le sujet, de fervents défenseurs de la recherche fondamentale. Nous sommes favorables aux manipulations génétiques indispensables pour faire progresser la recherche.

Cependant, rappelons que nos connaissances en la matière sont très récentes et doivent être encore approfondies pour éviter que l’introduction de nouveaux gènes ne modifie, par exemple, des inhibitions qui pourraient produire des effets inattendus sur la santé.

Pour nous, c’est la recherche fondamentale qui doit être développée et encouragée bien davantage pour que la recherche appliquée s’effectue en toute connaissance de cause.

Rappelons que de telles expériences en plein champ sont utiles seulement en dernière instance, dans le but de déterminer des caractéristiques agronomiques ou les effets de la dissémination.

Nous faisions allusion, dans une intervention précédente, à un avion qu’il fallait bien tester. Mais, avant d’expérimenter un premier vol, la recherche fondamentale a auparavant tout essayé, tout traduit, tout prévu ; on ne s’interroge pas pour la première fois sur la qualité du carburant au moment où l’avion prend son envol ; tous ces paramètres sont bien entendu préparés en amont !

Les essais en plein champ ne sont donc pas nécessaires à l’avancée de la connaissance du génome à des fins médicales, par exemple.

M. Dominique Braye. Cela n’a rien à voir !

Mme Évelyne Didier. Mais si, mon cher collègue. À un moment donné, on doit faire de la recherche fondamentale. Les recherches appliquées ne se font qu’avant.

Le transfert de gènes à partir d’une plante génétiquement modifiée vers une autre plante de la même espèce ou même d’une espèce différente est possible. Ce phénomène peut intervenir à la source par le mélange accidentel des semences, et ce n’est pas une hypothèse d’école ! Il a été également démontré que les pollens peuvent être portés très loin par le vent ou par les insectes, mais également lors des transports.

L’incompatibilité entre les plantes génétiquement modifiées et les plantes issues de l’agriculture traditionnelle ainsi que les problèmes de dissémination sont très clairement reconnus par le Gouvernement et par le Président de la République.

Ainsi, monsieur le ministre d’État, vous déclariez vous-même, dans Le Monde du 21 septembre 2007 : « Sur les OGM, tout le monde est d’accord : on ne peut pas contrôler la dissémination, donc on ne va pas prendre le risque. »

Le Président de la République, dans un discours faisant suite au Grenelle de l’environnement, affirmait : « La vérité est que nous avons des doutes sur l’intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM. » C’est le Président de la République qui l’a dit !

Il existe aujourd’hui malheureusement seulement deux catégories d’OGM à pesticides. D’une part, les « Bt » qui fabriquent des insecticides et, d’autre part, des plantes tolérantes aux herbicides. On se trouve en présence de végétaux imprégnés, il serait donc logique de leur appliquer les protocoles sur les pesticides pour déterminer avec sérieux les risques toxicologiques encourus.

Or ce n’est pas le cas aujourd’hui ! Il faudrait, en effet, réaliser des tests sur une plus grande variété d’animaux, en plus grand nombre, et sur une durée supérieure à quelques semaines !

En outre, l’utilisation répétée d’herbicides risque d’entraîner le besoin de quantités toujours plus importantes face à l’apparition de mauvaises herbes plus résistantes, à l’instar des antibiotiques. Cela existe déjà, on sait qu’il y a des risques.

À ce sujet, il aurait été raisonnable de tirer les leçons des problèmes engendrés par les OGM contenant des gènes codant des facteurs de résistance aux antibiotiques. Il a été nécessaire de prendre des mesures d’interdiction pour éviter de voir des bactéries devenir résistantes aux antibiotiques et faire échec aux antibiothérapies.

Des atteintes sur la faune ont également été constatées, que ce soit par les insectes ou par les vers de terre. Les apiculteurs ont ainsi rapporté, dans le Lot-et-Garonne notamment, la contamination du pollen de leurs abeilles. Nous n’avons pas inventé ces faits !

Ensuite, les protéines produites par les gènes peuvent présenter des risques de toxicité et d’allergénicité.

Enfin, les organismes génétiquement modifiés peuvent contribuer à la standardisation et à la diminution du nombre de variétés.

Pensez-vous sérieusement, mes chers collègues, pouvoir concurrencer dans leurs domaines, notamment sur le terrain de la productivité, des pays aussi grands et aussi importants que les États-Unis, le Canada ou les pays d’Amérique latine ? Le savoir-faire européen, la qualité des produits ne peuvent-ils pas nous rendre compétitifs sur d’autres créneaux, générant une plus grande valeur ajoutée ? Je crois que nous nous trompons véritablement de combat.

Malheureusement, la réforme de l’OCM vitivinicole que nous avions dénoncée ensemble, dans cette assemblée, montre que le choix des instances européennes est tout autre !

Par ailleurs, comme l’a très bien résumé le député Marc Laffineur, il existe le risque « d’une soumission croissante des agriculteurs aux quelques entreprises agro-industrielles créatrices de plantes génétiquement modifiées qui sont protégées par des brevets ». Sans compter que les agriculteurs sont obligés d’acheter chaque année de nouvelles semences et les produits dérivés correspondants pour traiter les plantes !

On le voit, la liste est longue des inconvénients liés à ces cultures, pour des avantages finalement peu évidents, sauf pour quelques multinationales.

Nous avons vu les inconvénients des plantes génétiquement modifiées pour résister à certains prédateurs. Pour les autres, résistantes à certaines conditions climatiques, en particulier celles qui nécessiteraient peu d’eau : elles n’existent tout simplement pas encore !

Par ailleurs, dans bon nombre de cas, il suffirait de revenir à des espèces que nous avons abandonnées pour retrouver des résistances à certains prédateurs, ou à des techniques agricoles qui ont fait leur preuve. Je pense ici au mulchage en matière de lutte contre la sécheresse.

Quant au bénéfice nutritionnel, il n’en existe aujourd’hui qu’un seul exemple, celui du riz doré enrichi en vitamine - et encore, pour que les apports en vitamine soient suffisants pour une personne, il faut en consommer plusieurs kilos ! (M. Dominique Braye rit.)

M. Gérard Le Cam. Par jour !

Mme Évelyne Didier. Aujourd’hui, la communauté scientifique n’a pas tranché la question de l’innocuité ou de la nocivité des OGM.

Nous devons continuer les recherches - sur ce point, nous sommes tous entièrement d’accord - sans nous livrer pieds et poings liés à deux ou trois groupes multinationaux.

Le groupe communiste républicain et citoyen a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés pour des raisons d’impératifs de santé publique, de préservation de l’environnement et de biodiversité. Nous espérons que d’autres de nos collègues nous suivront dans cette voie afin que cette question, qui dépasse largement les clivages politiques, soit abordée avec la plus grande prudence.

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